POLITIQUE
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France-Palestine: une reconnaissance sans sanction, une “illusion morale”
Lundi 22 septembre, la France a, comme d’autres pays occidentaux reconnu l’Etat de Palestine. Un geste diplomatique fort mais qui ne signifie pas qu’un État de Palestine va être créé.
France-Palestine: une reconnaissance sans sanction, une “illusion morale”
Emmanuel Macron à la tribune des Nations unies à New York lundi 22 septembre pour annoncer la reconnaissance de la Palestine / AP
il y a 8 heures

La journée a été qualifiée d’historique. Pas moins de dix nouveaux pays ont reconnu officiellement la Palestine comme Etat. Parmi eux, des membres permanents du Conseil de sécurité comme la France et la Grande-Bretagne. Les menaces et manœuvres d’Israël pour dénoncer ce mouvement de reconnaissance disent bien la portée symbolique de cette journée du 22 septembre. Désormais, 158 pays des 193 pays membres des Nations unies ont reconnu la Palestine.

Néanmoins, ces reconnaissances induisent des questions sur la suite à donner. De quelle Palestine parle-t-on alors que Gaza est détruite et que la Cisjordanie est morcelée  de colonies israéliennes. 

En Une, le quotidien suisse Le Temps publie une caricature qui résume le malaise de nombreux observateurs : n’est-il pas déjà trop tard ? On y voit Emmanuel Macron déclarer, la main sur le cœur : “Nous reconnaissons la Palestine.” À ses côtés, un homme rétorque : “… Mais on ne reconnaît plus Gaza !”.

Muzna Shihabi, ex-conseillère de l’Organisation de Libération de la Palestine, actuellement au CAREP (Centre arabe de recherche et d'études politiques de Paris) met en garde dans son blog contre “l’illusion morale” de cette reconnaissance si elle n’est pas accompagnée de mesures fortes. 

“Reconnaître c’est reconnaître un droit qui a été bafoué pendant des décennies. Reconnaître sans sanction c’est détourner les yeux, c’est important que cette reconnaissance soit accompagnée de gestes significatifs et efficaces, sinon c’est juste se donner une posture morale”, y écrit-elle.  Elle estime qu’il faut arrêter de vendre des armes à Israël, suspendre les coopérations avec Israël, sanctionner les entreprises qui financent ou travaillent dans les colonies.

Israël doit être traité comme l’Afrique du sud de l’apartheid

Thomas Guénolé, spécialiste des relations internationales et engagé sur la Flottille soumoud insiste lui aussi sur le fait que le geste symbolique ne suffit pas. “La reconnaissance de la Palestine par tant de grandes puissances est un grand pas en avant mais diplomatiquement, il faut traiter Israël au minimum comme l’Afrique du sud de l’apartheid : boycott économique, sportif, culturel et diplomatique total. Israël ne peut pas tenir si l’Europe cesse d’acheter ses exportations”. 

Les deux connaisseurs de la question israélo-palestinienne concluent que c’est le système colonial qu’il faut combattre, transformer,  sans cela le vol des terres va continuer, le morcellement de la Palestine va continuer. “Il faut briser le système colonial israélien, il ne s’agit pas de sanctionner quelques colons ou quelques ministres. En France, on s’imagine que le problème, c’est Netanyahu (Premier ministre israélien) ou Smotrich (ministre des Finances)”, explique Muzna Shihabi.

En RelationTRT Français - Reconnaissance française de l’État de Palestine : qu’est-ce que ça change ?

Démanteler le régime d’apartheid

L’ex-conseillère de l’OLP a suivi le discours d’Emmanuel Macron devant l’Assemblée des Nations unies. Le geste est important, admet-elle, mais les paroles ont un goût d’Oslo bis (accords d’Oslo de 1993 qui ont conduit à la création de l’Autorité palestinienne).

La vraie question, selon elle, aujourd’hui est la suivante : la solution à deux États est-elle viable ? “C’est devenu une fiction diplomatique, un cadre vide. On parle d’un État qui n’a aujourd’hui aucun contrôle sur ses frontières, aucune souveraineté sur son sol, n’a pas d’armée. Tous les jours, les Israéliens entrent dans les zones de l’autorité palestinienne et arrêtent des gens et cela a toujours été le cas. On est une entité sous occupation sans aucun pouvoir. En tant que Palestinienne, quand je veux refaire ma carte d’identité, je le fais auprès des autorités israéliennes. Quand je vais en Jordanie, à la frontière, ce sont des soldats israéliens”.

Emmanuel Macron n’a à aucun moment utilisé le mot “génocide” ni le mot “sanction” dans son allocution. Le président français espère relancer par ces reconnaissances multiples des discussions sur la création d’un État palestinien mais sous conditions, sans le Hamas, sans armée, entre autres.

Le président de l’Autorité palestinienne (AP), Mahmoud Abbas acquiesce à distance en visioconférence puisqu’il n’a pas eu de visa américain. “Le Hamas n’aura aucun rôle à jouer ; il doit déposer les armes à l’AP. Nous voulons un État démilitarisé”, déclare Abbas qui, depuis Ramallah, promet des réformes dans les deux ans à venir et des élections dont serait exclu le Hamas. 

 “Dans son discours, Emmanuel Macron souhaite une Palestine démilitarisée et la disparition du Hamas. C’était un discours colonial car on ne demande pas à Israël de faire disparaître le Likoud (parti du Premier ministre Netanyahu). Le projet est un État palestinien mais sans qu’on sache où exactement, sur quelles ruines. On ne demande pas à Israël un désarmement, mais aux Palestiniens qui subissent la Nakba, le génocide et la colonisation, il faut qu’ils soient désarmés.”

De son côté, le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, a déclaré, lundi soir, que la Palestine devrait obtenir le statut de membre à part entière à l’Assemblée des Nations unies. Ce serait un autre pas en avant. 

Pendant ce temps, les combats continuent à tuer à Gaza avec des Etats-Unis qui rêvent de transformer cette région de la Palestine en riviera avec une administration américaine temporaire.

SOURCE:TRT français et agences