Le torchon brûle entre Paris et Tel-Aviv. Depuis la reconnaissance de l’Etat de Palestine par la France le 22 septembre, Israël ne cesse de multiplier les menaces contre la France.
Lundi soir, Emmanuel Macron a officiellement annoncé au siège de l’ONU à New York la reconnaissance de l’État de Palestine devant plus de 140 chefs d’État et de gouvernement. Après des décennies de positions ambiguës, Paris adopte désormais une posture nettement plus affirmée en faveur de la Palestine.
Israël a intensifié ses mises en garde, tandis que la France, par la voix de son président, a prévenu qu’elle ne resterait pas “inerte” face à d’éventuelles représailles.

“On est prêts, nous avons planifié toutes les options possibles ; nous ne resterons jamais inertes. Nous défendrons toujours les intérêts de la France là où elle est représentée”, a martelé Emmanuel Macron depuis New York, reprenant la ligne exprimée quelques jours auparavant par la diplomatie française : “Nous sommes prêts, nous répondrons”.
Mais quelles sont les mesures de représailles que pourrait donc envisager Israël contre la France ?
Le consulat de France à Jérusalem
La cible la plus symbolique et la plus discutée est le consulat général de France à Jérusalem. Des voix au sein du gouvernement israélien ont suggéré sa fermeture comme réponse directe à la reconnaissance française.
Or la situation juridique et diplomatique du consulat est atypique : rattaché directement au Quai d’Orsay et non “accrédité” auprès d’Israël comme une ambassade classique, il assume aussi des fonctions auprès des Palestiniens.
Fermer ou saisir ce site poserait des problèmes juridiques et politiques importants et pourrait provoquer un fort tollé diplomatique.
Les conséquences pratiques possibles sont la fermeture temporaire, limitation des activités consulaires (traitement des visas, assistance aux Français) ou mise sous pression administrative (taxes, procédures) visant à rendre la présence française compliquée.
Un recours devant des instances internationales (UE, CEDH ou autres juridictions) est probable si Tel-Aviv mettait en œuvre une fermeture arbitraire.
La diplomatie française a en tout cas d’ores et déjà mis en garde qu'elle ne "transigerait jamais" avec "la sécurité des ambassades étrangères", et réfuté toute velléité d'alléger la protection accordée à l'ambassadeur d'Israël à Paris.
Les “domaines nationaux”
La France est l’un des rares pays à administrer en Israël plusieurs “domaines nationaux” : le monastère d’Abou Gosh, l’église Sainte-Anne, l’église Pater Noster et le Tombeau des rois sur le site d’Eléona.
Ces lieux, administrés par la France, bénéficient d’un statut spécial reconnu par le droit international et par des accords passés avant la création d’Israël. Ils incarnent une présence française continue, catholique et diplomatique, dans une ville dont le statut reste au cœur du conflit israélo-palestinien.
Ces emprises, héritage historique, sont parfois l’objet de tensions entre Paris et Tel-Aviv. En novembre 2024, un incident majeur avait eu lieu avec l’entrée de forces israéliennes sur le site d’Eléona et l'arrestation brutale de deux gendarmes français.

Aujourd’hui, les autorités israéliennes menacent ouvertement de saisir certains de ces domaines français en représailles à la reconnaissance de la Palestine par la France.
Or, Jérusalem-Est est considéré par l’ONU comme territoire palestinien occupé depuis 1967. Chaque tentative israélienne de contester la souveraineté française sur ces biens équivaut, de facto, à une remise en cause du droit international.
Ainsi, tenter des saisies administratives dans ces domaines pourrait avoir un fort impact politique et susciter une crise diplomatique majeure.
“Annexion de la Cisjordanie”
Mais plus grave encore, au-delà de la riposte diplomatique, Israël semble envisager une réponse sur le terrain.
Benjamin Netanyahu a menacé d’étendre la colonisation en Cisjordanie occupée en réaction à la reconnaissance de l’État de Palestine, alors que la frange la plus radicale de son gouvernement plaide pour une annexion totale de ce territoire palestinien occupé.
“Si vous reconnaissez un État palestinien en septembre, notre réponse sera l’application de la souveraineté israélienne sur toutes les parties de la Judée-Samarie”, avertissait au début du mois le ministre israélien de la Défense, Bezalel Smotrich, figure de l’extrême droite israélienne.
“La reconnaissance d’un État palestinien (...) impose une réponse : l’annexion immédiate de la Judée-Samarie”, avait renchéri le très polémique ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, lui aussi d’extrême droite.
Des plans et cartes ont été évoqués publiquement. Une annexion formelle serait une violation majeure du droit international et déclencherait une crise européenne et arabe profonde.
"L'annexion de la Cisjordanie est une ligne rouge claire", a répondu sans ambages de son côté la présidence française. "C'est évidemment la pire violation possible des résolutions des Nations unies", a-t-elle insisté, tout en soulignant qu'elle n'avait été à ce jour ni "confirmée" ni "mise en oeuvre".
Visas, personnel diplomatique, et renseignement
Parmi les ripostes “moins visibles” sont également évoqués par les autorités israéliennes, celles qui concernent les visas et le personnel diplomatique.
Le gel ou le non-renouvellement de visas pour le personnel consulaire ou pour des employés français travaillant auprès de Palestiniens, l’expulsion ciblée de certains agents, le rappel partiel de l’ambassadeur israélien en France ou encore la dégradation du niveau de représentation pourrait être au menu des représailles israéliennes annoncées.
Ces mesures sont faciles à mettre en œuvre, peu coûteuses politiquement pour Israël, mais très perturbatrices pour la gestion courante (aide aux ressortissants, administration des visas, projets culturels et éducatifs).
Elles peuvent être utilisées comme levier sans provoquer immédiatement une rupture totale des relations.
En outre, toujours dans le domaine des mesures “moins visibles” la réduction du partage de renseignement et la suspension de coopérations sécuritaires constitueraient une riposte à la fois discrète et à fort effet.
La France tirerait un préjudice opérationnel, notamment sur la lutte anti-terroriste et sur certaines coopérations technico-militaires sensibles.
Toutefois, les services sont généralement pragmatiques: privés d’informations sensibles, l’un et l’autre perdraient en efficacité, ce qui fait de cette option une arme risquée pour les deux camps mais attractive si Tel-Aviv veut infliger un coût réel sans confrontation ouverte.
Pression économique et bataille informationnelle
Les observateurs évoquent également qu’Israël pourrait restreindre certains échanges ou retarder des autorisations dans des secteurs stratégiques, notamment dans les domaines de la haute technologie, la maintenance industrielle, et les exportations sensibles.
En parallèle, une bataille d’influence médiatique et diplomatique visant à délégitimer l’action française est probable, comme la multiplication de communiqués, d’accusations publiques et de campagnes sur les réseaux.
Ces actes sont plus aisés à exécuter et infligent un coût politique, même si leur portée économique globale reste limitée.