Il l’avait annoncé et il l’a fait. Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République. Il faut rappeler que Gérald Darmanin, avant de soutenir Emmanuel Macron, était un Républicain et que Nicolas Sarkozy était son mentor.
La plainte des avocats a été lancée avant la visite de mercredi au prisonnier Sarkozy, juste après les déclarations de Gérald Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de Nicolas Sarkozy.
Ce collectif d'avocats porte plainte contre M. Darmanin pour "prise illégale d'intérêts", via une jurisprudence considérant que "l'intérêt" peut "être moral et plus précisément amical" devant la CJR (Cour de justice de la République)
Selon cette plainte, en confiant ce jour-là sa "tristesse" après la condamnation de l’ancien président et en annonçant lui rendre prochainement visite en prison, le garde des Sceaux a "nécessairement pris position dans une entreprise dont il a un pouvoir d'administration", indique la plainte que l'AFP a pu consulter.

Un garde des Sceaux ami d’un prisonnier
Après que ses déclarations ont déclenché des réactions outrées, Gérald Darmanin a tenté de justifier cette visite par un souci de vérifier “les conditions de sécurité" du prisonnier. Et d'ajouter: "J'ai beaucoup de tristesse pour le président Sarkozy", "l'homme que je suis, j'ai été son collaborateur, ne peut pas être insensible à la détresse d'un homme".
Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit, dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti,"particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent".
Les avocats reprochent au ministre de la Justice d’avoir pris position dans un dossier dans lequel il a "un pouvoir de surveillance en tant que supérieur hiérarchique du parquet”.
"Il ne fait pas de doute que cet intérêt est de nature à compromettre l'impartialité et l'objectivité de M. Darmanin qui, en tant que ministre de la Justice, ne peut prendre position de cette manière dans une affaire pendante", argumentent les avocats.
Un chef de l’Etat multi-récidiviste
Les avocats ne sont pas les seuls à juger cette prise de position problématique et contraire au devoir de réserve d’un ministre de la Justice, devoir de réserve considéré comme règle intangible.
Le plus haut procureur de France, Rémy Heitz, y avait vu un "risque d'obstacle à la sérénité" et donc "d'atteinte à l'indépendance des magistrats".
Au-delà, cette visite peut également être lue par l’opinion publique comme le symbole d’une justice à deux vitesses, soulignent les avocats dans leur plainte.
Ainsi, les humoristes n’ont de cesse de moquer la visite de Darmanin à Sarkozy. On peut notamment le voir sur un dessin de presse de Soulcié au chevet du prisonnier lui promettre de venir lui lire une histoire tous les soirs.
Sur les réseaux sociaux, on peut également lire des réactions qui se résument en une phrase publiée par un internaute: “la séparation des pouvoirs, c’est pour les pauvres.”
La droite et les médias de droite français ont orchestré depuis le 21 octobre un battage médiatique pour présenter Nicolas Sarkozy comme une victime de juges motivés par des questions politiques.
Trois condamnations à son actif
L’ancien chef de l’Etat a pourtant déjà été condamné deux fois. Il a été reconnu coupable dans l’affaire Bismuth-Azibert d’avoir tenté d’obtenir d’un magistrat à la Cour de cassation, Gilbert Azibert, des informations secrètes, affaire pour laquelle il a fait un an de prison sous bracelet électronique.
Dans l’affaire Bygmalion, Nicolas Sarkozy a été condamné à un an de prison ferme le 30 septembre 2021 pour avoir dépassé le plafond de dépenses électorales. La peine a été confirmée en appel, elle doit passer en cassation en 2025.
Les familles des victimes de l’attentat du DC-10 d'UTA perpétré par Abdallah Senoussi (chef du renseignement libyen) ont également fait savoir leur déception. Abdallah Senoussi, condamné en 1999 pour cet attentat, est l’homme avec lequel les proches de Sarkozy, Claude Guéant et Brice Hortefeux ont négocié en Libye à la demande de l’ancien président Sarkozy, selon le tribunal.
Condamné le 25 septembre à cinq ans d'emprisonnement dans le dossier libyen pour association de malfaiteurs, l'ancien président a depuis déposé une demande de remise en liberté que la justice doit examiner dans les prochaines semaines, avant son procès en appel en 2026.












