L’enquête sur les violences commises en décembre 2018 contre Angelina, une jeune femme grièvement blessée à Marseille en marge d’une manifestation des Gilets jaunes, connaît un nouveau tournant.
Plusieurs policiers ont reconnu ces derniers mois avoir été présents sur les lieux des violences, après avoir nié leur implication pendant plusieurs années. Deux agents de la brigade anticriminalité (BAC) ont été mis en examen le 14 novembre pour non-assistance à personne en danger, selon une information confirmée par le parquet de Marseille.
Le 8 décembre 2018, alors qu’elle sortait de son travail, Angelina a été atteinte par un tir de LBD dans une ruelle du centre de Marseille.
Projetée au sol, elle a été frappée, selon les éléments recueillis par les enquêteurs, par des policiers en civil. Son crâne a été fracturé et son cerveau touché. Depuis, elle souffre de troubles persistants (angoisses, pertes de mémoire, malaises).
Une première instruction ouverte en 2019 a été confiée à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN).
Malgré des vidéos montrant une quinzaine de policiers en civil, le visage masqué pour la plupart, l’enquête n’a pas permis d’identifier les auteurs des violences. Elle a été close par un non-lieu en 2020. Une seconde instruction a abouti au même résultat en janvier 2022.
Angelina et son avocat ont obtenu en septembre 2023 la réouverture de l’enquête. Une nouvelle juge d’instruction et une nouvelle équipe de l’IGPN ont repris l’intégralité du dossier, analysé de nouvelles images et réexploité les vidéos existantes.

Un brigadier-chef admet avoir menti
En septembre 2025, convoqué dans le cadre de la nouvelle instruction, le brigadier-chef Christophe M., alors muté à Mayotte, rédige un rapport administratif. Il y reconnaît avoir menti en 2019 lors de sa première audition, sous l’effet de “pressions” de sa hiérarchie et du syndicat Alliance Police nationale.
Il déclare avoir été présent sur les lieux des violences, contrairement à ses précédentes affirmations. Il explique avoir suivi les policiers de la BAC vers la ruelle où se trouvait Angelina, qu'il a vue au sol.
En 2019, il avait pourtant nié toute présence, tout comme son collègue Ludovic B., identifiable sur les images en raison d’une attelle. Leur commandant, Didier D., et le capitaine Benoît A. L., chef adjoint du service, avaient également affirmé à la justice que leurs hommes n’étaient pas sur les lieux.
Christophe M. affirme avoir été convoqué en 2019 dans le bureau du syndicat Alliance, où un responsable lui aurait demandé de ne pas donner une version différente de celle de ses supérieurs. Il explique avoir obéi “pour ne pas causer de problème” à son collègue Ludovic B.

Après cette audition, Christophe M. indique avoir transmis à son commandant un papier contenant les noms de deux policiers de la BAC évoqués comme possibles auteurs des coups. Selon lui, aucune suite n’a été donnée.
En octobre 2025, Ludovic B., réentendu par l’IGPN, reconnaît à son tour sa présence et celle de son équipe sur les lieux. Il admet avoir subi des “conseils appuyés” de sa hiérarchie pour orienter sa déposition initiale. Il reconnaît également avoir sorti sa matraque et donné deux coups au jeune homme qui accompagnait Angelina.
Ludovic B. a été mis en examen pour non-assistance à personne en danger et violences aggravées sur l’accompagnateur de la victime. Six autres policiers avaient déjà été mis en examen pour non-assistance en octobre.
Entendu comme témoin, le capitaine Benoît A. L. — devenu depuis commissaire à la police aux frontières — reconnaît finalement sur de nouvelles images la présence de ses hommes près d’Angelina, contrairement à sa déclaration de 2019.
Il ne donne pas d’explication sur ses contradictions mais évoque avoir entendu à l’époque des rumeurs visant des agents de la BAC.
Il affirme également avoir été reçu avant son audition de 2019 par Philippe Combaz, alors numéro deux de la police marseillaise, qui lui aurait indiqué : “Cette histoire, ça pue”.
Les fonctionnaires sont toujours en poste
Le commandant Didier D., qui n’a pas transmis à la justice les informations reçues en 2019, dirige toujours le service de la sécurité des transports de Marseille. Ludovic B., muté à Mayotte, est désormais interdit d’exercer sur la voie publique et de porter une arme.
L’ancien responsable d’Alliance à Marseille, Rudy Manna, confirme avoir rencontré certains agents auditionnés en 2019 mais nie avoir exercé des pressions. L’instruction judiciaire est toujours en cours.


















