Une coalition inédite de plus de 80 ONG a lancé lundi, la campagne “Stop au commerce avec les colonies”. Son objectif : obtenir des États européens qu’ils interdisent tout commerce avec les colonies israéliennes en Cisjordanie et à Jérusalem-Est occupées.
Des entreprises européennes pointées du doigt
Dans un rapport détaillé, les ONG accusent plusieurs entreprises européennes de contribuer, directement ou indirectement, au maintien de l’occupation israélienne. Parmi les compagnies incriminées, Carrefour France, l’agence de voyages eDreams-Opodo en Espagne, le groupe touristique allemand TUI, le constructeur britannique JCB, ou encore Siemens, Maersk et la banque Barclays. Ces entreprises sont citées pour des partenariats, des services de transport ou des financements liés aux colonies.
Les signataires – parmi lesquels Oxfam, Amnesty International, Christian Aid, la Ligue des droits de l’Homme et la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine – demandent à l’Union européenne et au Royaume-Uni de prendre des mesures contraignantes. Un enjeu d’autant plus important que l’UE est le premier partenaire commercial d’Israël, représentant près de 42 milliards d’euros d’échanges annuels, soit 32 % du commerce total de marchandises.
Actuellement, les produits issus des colonies peuvent entrer sur le marché européen, à condition de ne pas bénéficier des tarifs préférentiels de l’accord UE-Israël et d’être correctement étiquetés (produit de Cisjordanie – colonie israélienne). Cette règle découle d’un arrêt de la Cour de justice de l’UE rendu en 2019.
Les ONG s’appuient aussi sur un avis rendu en juillet 2024 par la Cour internationale de justice, qui rappelle aux États leur obligation de ne pas entretenir de relations économiques favorisant la colonisation.
“Les obligations qui s’imposent aux États doivent être projetées sur les entreprises”, insiste Louis-Nicolas Jandeaux, responsable plaidoyer chez Oxfam, cité par France Info. “Le commerce avec les colonies n’implique pas seulement des acteurs israéliens, mais aussi de grandes multinationales que nous connaissons tous”.
Carrefour se défend
En France, Carrefour se retrouve particulièrement visée. Selon la coalition, le groupe aurait signé en 2022 un accord de franchise avec Electra Consumer Products et sa filiale Yenot Bitan, actives dans des supermarchés implantés en colonies illégales. Le rapport souligne également des financements en provenance de la banque israélienne Hapoalim, identifiée par l’ONU pour son rôle dans la colonisation.
Contacté par France Inter, Carrefour dément fermement: le contrat de franchise “exclut tout magasin dans les territoires occupés” et affirme n’avoir “aucun lien” avec Hapoalim ni avec la startup Juganu, également citée.
Des évolutions déjà visibles
Certaines entreprises mises en cause ont d’ores et déjà changé de pratiques. L’armateur danois Maersk ou encore l’agence Opodo-eDreams ont, selon les ONG, ajusté leurs activités pour éviter toute implication dans le commerce avec les colonies.
Pour les associations, l’objectif est désormais clair : obtenir une interdiction générale de ce commerce au niveau européen et britannique, afin que les multinationales n’aient plus la possibilité de contourner leurs responsabilités.