Les 1 et 2 novembre débutera le sommet de la Ligue Arabe à Alger. Une belle occasion pour l'Algérie de placer ce grand évènement des pays arabes sous les auspices de la commémoration du 68e anniversaire de la guerre d’indépendance nationale de 1954.

L’Algérie souhaite que ce sommet arabe soit fédérateur. Pourtant, les difficultés pour réunir et unir les pays arabes sont nombreuses tout comme les enjeux et les défis entourant cette rencontre majeure.

L’ambassadeur Nadir Larbaoui, représentant permanent de l’Algérie auprès des Nations Unies, a exprimé, mercredi 26 octobre à Alger, dans une déclaration à la presse, le souhait de l’Algérie d’aller, le 1er novembre prochain, vers un "sommet arabe consensuel reposant sur les constantes communes et traduisant les aspirations des peuples arabes à davantage de solidarité, de cohésion et d'intégration".

Quels sont les enjeux et les défis auxquels doit faire face ce sommet arabe afin qu’il soit une réussite ?

Une volonté de rassembler malgré les divergences

Ce sommet arabe signe la volonté de l’Algérie de peser à nouveau sur la scène internationale dans un contexte de guerre russo-ukrainienne et de tensions régionales avec le Maroc. L’Algérie semble avoir réuni toutes les conditions pour que ce sommet soit une réussite. A titre d’exemple, Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranée (Cermam) à Genève, rappelle qu’"Inviter la Syrie au sommet d’Alger dans la conjoncture actuelle comporte un haut risque. L’Algérie a réalisé les conséquences d’une telle présence. De concert avec Damas, elle a renoncé à concrétiser son initiative".

L’objectif pour l’Algérie est que ce sommet soit le plus consensuel possible. Un signal fort est envoyé par l’Algérie qui a choisi d’inviter le Maroc malgré le fait qu’elle ait rompu ses liens diplomatiques avec son voisin depuis août 2021. Des questions demeurent encore en suspens, est-ce que le Roi du Maroc participera à ce sommet ? La venue du ministre marocain des affaires étrangères Nasser Bourita à Alger samedi 29 octobre, pour préparer le sommet, pourrait être un indice. En tout cas, si la participation du roi Mohammed VI se confirmait, une première depuis 2005, il deviendrait alors légitime de se demander quelle feuille de route proposera l’Algérie pour la suite des relations entre les deux pays ? Effectivement, la rivalité entre l’Algérie et le Maroc pose la question de l’ambition d’une unité économique et géopolitique au Maghreb mais aussi celle du conflit au Sahara. La prise de position de la Tunisie, qui est sortie de sa neutralité habituelle pour rejoindre celle de l’Algérie, le démontre bien. De même, les anciennes puissances coloniales, la France et l’Espagne, sont également sommées de se positionner, dans la question du Sahara, soit en faveur de la position du Maroc ou de celle de l’Algérie.

Une chose est sûre, lors de ce sommet, l’unité des pays arabes devra prévaloir sur les intérêts nationaux ou sur les positions des uns et des autres à propos de différents dossiers notamment la question palestinienne qui a longtemps dominé l’ordre du jour des sommets arabes. Par conséquent, il y a lieu de réduire le fossé entre la position de l’Algérie qui a organisé une rencontre de réconciliation des factions palestiniennes à Alger début octobre 2022 et plusieurs pays arabes qui ont signé les accords d’Abraham avec Israël et qui prévoient de se réunir avec les Etats-Unis lors du sommet du Néguev à Dakhla, au Sahara en 2023. De plus, l’absence de Mohamed Ben Salmane interroge. Doit-on y voir le signe de désaccords entre les deux pays sur la Palestine et l’Iran ? L’Arabie Saoudite se présente comme leader des pays arabes et semble ne pas apprécier qu’on fasse des choix politiques contestant son leadership.

Défis et perspectives pour une action arabe commune

La sécurité alimentaire arabe et la crise énergétique, toutes deux aggravées par l'offensive de l'Ukraine par la Russie, seront discutées en Algérie. L'objectif est d'avoir une représentation au plus haut niveau des différentes sphères arabes pour traiter les questions et les problèmes les plus urgents. Aboul Gheit, secrétaire général de la Ligue Arabe, a affirmé qu'un groupe serait créé lors du prochain sommet pour consulter directement les dirigeants arabes sur diverses questions, sans transiter par des postes de niveau inférieur. Cela permettrait une plus grande unité d'action arabe pour relever tous les défis.

Le sommet arabe se doit d’être le lieu de l’adoption d’une position commune sur la guerre en Ukraine : apporter l’aide humanitaire à l’Ukraine et offrir aux deux pays (Ukraine et Russie) un espace diplomatique, à l’instar de la Turquie, pour préparer la paix. Le sommet arabe devra également réfléchir à une position commune dans le duel géopolitique sino-américain qui se profile à l’horizon des prochaines décennies. La position géographique des pays arabes entre l’Occident et l’Asie est un atout indéniable au point de s’ériger en un espace stratégique majeur dans les nouvelles routes de la soie chinoises.

Enfin, sachant que l’Occident n’est plus aussi souverain dans le monde, (son modèle étant concurrencé par celui la Chine et dans une moindre mesure celui de la Russie), les pays arabes devront proposer et assumer un modèle de développement économique prenant en compte les avancées démocratiques ainsi que leurs spécificités culturelles afin de garantir la stabilité politique de la région.

Au final, ce sommet, loin de résoudre toutes les problématiques, aura l’avantage de poser des questions stratégiques majeures et de penser la place des pays arabes au moment où la guerre en Ukraine semble bouleverser, de manière irréversible, l’ordre mondial longtemps dominé par l’Occident.

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