La police est intervenue jeudi à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne pour disperser des étudiants rassemblés devant le conseil d'administration. Le Syndicat Alternatif Paris 1 a indiqué que la mobilisation visait à bloquer le vote sur l'augmentation des frais d'inscription pour les étrangers.
Le syndicat Alternatif Paris 1 (SAP 1) dénonce une ‘‘démocratie piétinée’’, tandis que la présidence évoque des contraintes budgétaires pour justifier cette réforme jugée ‘‘raciste’’ par les manifestants.
Le syndicat a dénoncé, sur X, l'entrée des forces de l'ordre face à "plusieurs centaines d'étudiants" rassemblés pour "empêcher le vote". L'organisation accuse la présidence de "piétiner la démocratie" pour imposer cette réforme par la force.
Cela fait désormais plusieurs semaines que l’université est bloquée, en particulier au centre Pierre-Mendès-France. Les blocages vont jusqu’à entraîner la fermeture de l'accès aux amphithéâtres et à l’entrée du campus, affirme Nicolas Ertenlice, étudiant à Paris 1.
Des frais multipliés par seize
La mesure contestée acte l'application des droits d'inscription majorés pour plusieurs étudiants étrangers extracommunautaires. Selon les nouveaux barèmes, les frais de scolarité explosent : en licence, les frais passent de 178 à 2895 euros. En master, ils augmentent de 254 à 3 941 euros.
Le syndicat qualifie cette tarification de "raciste" et de "sélection par l'argent", affirmant qu'elle fermera les portes de l'université aux étudiants précaires.
La mesure a été adoptée à l'issue d'un scrutin particulièrement étriqué : 18 voix pour, 15 contre et trois abstentions.
Dès la rentrée 2026, cette hausse s'appliquera aux étudiants extracommunautaires, mais avec des exceptions. Seront épargnés les étudiants en exil ainsi que les ressortissants des 44 "pays les moins avancés" (PMA) listés par l'ONU.
Cette liste onusienne induit une disparité dans l'application des frais, notamment en Afrique. Si les étudiants originaires du Sénégal, de la RDC, de Madagascar ou de Centrafrique conserveront les tarifs actuels, ceux du Maghreb et d'Afrique du Nord seront, eux, frappés par l'augmentation. L'Algérie, le Maroc, la Tunisie et l'Égypte ne figurant pas sur la liste des exemptions onusiennes, leurs ressortissants devront s'acquitter des nouveaux droits d'inscription majorés.
"On est au bout du système"
La présidente de l'université, Christine Neau-Leduc, a justifié sur RFI une décision prise "de façon contrainte". "Notre budget est insoutenable [...] On est au bout du système", a-t-elle déclaré, affirmant que sans ces recettes, l'établissement "ne peut pas accueillir" ses étudiants correctement.
"Nous avons diminué nos dépenses, nous faisons des économies. Nous avons fait plus de 13,5 millions d’économies en 2025. Et là, pour 2026, le gouvernement nous annonce 7 millions de charges supplémentaires. Nous sommes pris dans une situation inextricable", a insisté la présidente de Paris 1, affirmant que cette décision est "un déchirement".
"Nous avons pris en considération la situation des étudiants réfugiés, des étudiants demandeurs d’asile, dans la mise en œuvre, nous avons essayé d’être les plus justes", a-t-elle aussi plaidé. Face aux protestations de certains enseignants et étudiants qui accusent la Sorbonne d’être pionnière de la préférence nationale, Christine Neau-Leduc a répliqué: "Je ne peux pas entendre cet argument. Ce n’est pas notre université et nos décisions ne se prennent pas du tout dans cette optique, au contraire."
"Les foyers français, à travers les impôts, financent l’enseignement supérieur et beaucoup d’étudiants étrangers vont être accueillis grâce à ce financement", a-t-elle rappelé. Pour que "notre pays puisse continuer dans le progrès social, économique, il faut absolument qu’on investisse dans le rayonnement international", a-t-elle plaidé en plein débat budgétaire.
Elle espère que cette hausse sera "purement circonstancielle" et réversible.
L’établissement parisien explique cette hausse par la dégradation de sa situation budgétaire : "L’université subit depuis plusieurs années les effets de décisions prises par l’État, pour certaines nécessaires dans l’intérêt des agents de l’établissement, mais qui n’ont été que partiellement ou pas compensées financièrement par l’État."
Un discours rejeté par le SAP1, qui pointe la responsabilité de l'État. Dès le 27 novembre, le syndicat affirmait dans un communiqué que les universités publiques étaient "asphyxiées par un gouvernement qui n'a d'autre agenda que la privatisation et marchandisation croissante du savoir". L'organisation dénonçait les priorités de l'exécutif, soulignant que "l'argent ne semble pas manquer dans les poches de l'État pour financer l'armée" alors que l'enseignement supérieur est délaissé.
Le spectre de "Bienvenue en France"
La décision de la Sorbonne découle de la stratégie "Bienvenue en France", qui autorise les universités à appliquer des droits d'inscription différenciés selon la nationalité.
À l'époque, ce projet avait provoqué une large fronde au sein de la communauté universitaire, mobilisant étudiants, enseignants et présidents d'universités contre ce qui était perçu comme une marchandisation de l'enseignement supérieur.
La Sorbonne a longtemps résisté avant d’augmenter les frais d’inscription.
Elle rejoint désormais une liste grandissante d'établissements ayant appliqué partiellement ou totalement la stratégie “Bienvenue en France "comme l'université Paris-Cité, l'université de Nantes, l'UBFC ou Gustave Eiffel", note Ertenlice.
Pour cet étudiant, la mesure met en lumière un "paradoxe" politique : "Accueillir en demandant des frais supplémentaires (...) pour subvenir aux nombreux déficits qui touchent Paris 1", résume-t-il, soulignant que ce sont les étudiants étrangers qui sont désormais sollicités pour combler les manques de recettes fiscales des universités.















