Zeynep Çonkar
Le Tribunal pour Gaza, une instance populaire indépendante consacrée à la fin du génocide à Gaza et à la défense du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, a ouvert aujourd’hui sa session historique dans l’amphithéâtre Cemil Birsel de l’Université d’Istanbul.
Cet événement de quatre jours, du 23 au 26 octobre, réunit des universitaires, des défenseurs des droits humains, des journalistes et des représentants de la société civile afin de présenter des preuves, des témoignages et des analyses juridiques concernant les crimes de guerre et les violations des droits humains commis à Gaza.
TRT World couvre l’événement sur place, où des témoignages et des arguments juridiques détaillés sont entendus devant un public international.
Présidé par Richard Falk, ancien rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des droits de l’homme en Palestine, le Tribunal constitue une première : le génocide à Gaza y est publiquement jugé par un “tribunal de la conscience mondiale” issu d’une initiative civile collective.
“Le Tribunal pour Gaza doit être considéré comme l’un des instruments permettant d’offrir au public un récit véridique des événements horrifiants qui se déroulent à Gaza depuis deux ans”, a déclaré Falk dans son discours d’ouverture.
“C’est un acte de résistance, un appel à l’action au nom de la justice et d’une paix durable, fondé sur la participation palestinienne, qui a été si longtemps niée” a-t-il ajouté.
Au cours des quatre jours à venir, le jury — composé d’éminentes autorités morales et juridiques, parmi lesquelles Kenizé Mourad, écrivaine et descendante de la famille impériale ottomane, Ghada Karmi, universitaire palestinienne, et Christine Chinkin, professeure de droit international — entendra les témoignages de survivants, de médecins, de journalistes et de chercheurs.
Le panel rendra son jugement final le 26 octobre, suivi de la publication d’un rapport complet documentant les conclusions du Tribunal.
Falk, qui a exercé les fonctions de rapporteur spécial de l’ONU sur les droits humains dans les territoires palestiniens occupés de 2008 à 2014, a décrit le Tribunal comme une forme de “résistance sociétale à la propagande d’État et aux biais médiatiques” qui ont longtemps déformé la réalité à Gaza.
Il a souligné les deux poids, deux mesures du traitement médiatique mondial, opposant l’attention portée aux otages israéliens au silence quasi total entourant la libération de plus de 1 900 détenus palestiniens, pour la plupart “emprisonnés arbitrairement et maltraités”.
Falk a également salué les récents efforts des Nations unies, notamment ceux de la Commission d’enquête sur Gaza et les rapports soumis par Francesca Albanese, actuelle rapporteuse spéciale de l’ONU sur la Palestine, qui a fait face à une violente réaction politique pour avoir documenté les crimes israéliens.
“Malgré le harcèlement et la diffamation, Francesca Albanese a porté la vérité à un large public, afin de contrer les mensonges et la propagande officiels, a déclaré Falk, précisant qu’elle avait même été interdite d’entrée aux États-Unis pour présenter ses conclusions devant l’Assemblée générale de l’ONU.
Falk a en outre souligné qu’au-delà de la documentation des crimes, le Tribunal joue un rôle essentiel dans ce qu’il appelle la “guerre de légitimité”, c’est-à-dire la bataille morale et juridique autour du récit du conflit.
“Le consensus grandissant selon lequel Israël est devenu un État paria ou voyou constitue une preuve solide que les Palestiniens sont en train de gagner — ou ont déjà gagné — la guerre de la légitimité. L’histoire montre que le camp qui remporte cette bataille morale finit souvent par influencer l’issue politique, même après d’immenses souffrances”, a-t-il ajouté.
Alors que les audiences se poursuivent à Istanbul, les participants décrivent le Tribunal comme un acte de conscience collective sans précédent, visant à révéler la réalité du génocide à Gaza et à mobiliser la solidarité mondiale.
“La situation actuelle à Gaza et en Cisjordanie occupée exige plus que des mots ou une politique symbolique. Elle exige des actions et des engagements concrets. Il est temps d’imposer la responsabilité d’Israël pour ce crime des crimes”, affirme Falk.
Le verdict final du Tribunal, symbolique et sans valeur contraignante, visera à établir un témoignage moral et historique du génocide israélien contre le peuple palestinien, génocide qui a déjà causé la mort de plus de 68 000 personnes et dévasté l’enclave palestinienne.
















