Kathleen A. FitzGibbon / Photo: AP/Michael Duff via RFI (Others)

Kathleen A. FitzGibbon est arrivée à Niamey samedi dernier pour occuper le poste d’ambassadrice des États-Unis au Niger. Elle avait été nommée le 27 juillet dernier au lendemain du coup d’État. Hasard de calendrier ? Le département d’État américain tient à lever tout malentendu et dissiper les doutes à l’adresse de ceux qui interprétaient cette nomination comme un soutien tacite aux nouveaux chefs militaires.

Dans un communiqué rendu public le 19 août, le Département d’Etat précise que l’intronisation de la nouvelle ambassadrice n’indique pas un changement de la position américaine, mais répond au besoin “d’une direction de haut niveau de notre mission à un moment difficile”.

“En raison de la crise politique au Niger, l’ambassadrice Fitzgibbon ne présentera pas ses lettres de créances, note le communiqué. Autrement dit, elle exercera sans présenter aux nouvelles autorités le document qui officialise sa nomination.

Washington a son propre agenda

Si les Américains, les Français et des pays de la CEDEAO partisans d’une intervention militaire comme le Nigeria, la Côte d'Ivoire et le Sénégal sont d’accord pour le retour à l’ordre constitutionnel et la libération de Mohamed Bazoum, Washington a son propre agenda.

“Subtilement, les Américains montrent qu’ils n’ont de leçons à recevoir de personne et qu’ils poursuivent leur propre agenda”, explique le diplomate camerounais Paul Batibonak dans une interview à TRT Français.

Fonctionnaire expérimentée s’exprimant en français, l'ambassadrice Fitzgibbon était, avant sa nomination au Niger, la numéro deux de l’ambassade américaine à Abuja au Nigeria. Avant cela, elle a officié comme diplomate en Afrique du Sud, en Sierra Leone, au Gabon, en Ouganda, au Gabon et au Tchad.

Dans l’immédiat, elle devra user de son expérience des réalités africaines pour “plaider en faveur d’une solution diplomatique qui préserve l’ordre constitutionnel au Niger et garantit la libération immédiate du président Bazoum, de sa famille et de toutes les personnes détenues illégalement”.

Divergences avec la CEDEAO et la France

La position américaine se démarque ainsi de celle de certains pays de la CEDEAO et de la France, fervents partisans d’une intervention militaire.

Le Niger en particulier et le Sahel en général cristallisent de nombreux enjeux géostratégiques et géoéconomiques.

“Les Américains veulent être sur le terrain pour préserver et consolider leurs positions. À Agadez, ils disposent d’une importante base de drones qui leur permet de surveiller les mouvements terroristes dans le Sahel”, explique Paul Batibonak.

Depuis 2012, “les États-Unis ont fourni au Niger 500 millions de dollars en équipements d’assistance militaire, en programmes de formation - l'un des plus importants programmes en matière de sécurité en Afrique subsaharienne avec la dotation d’avions C-130”, d’après un tweet daté du 24 juillet dernier de l’ambassade américaine au Niger.

Il reviendra donc à Kathleen A. FitzGibbon d’amener “ la CEDEAO et la France sur la position américaine malgré le discours guerrier ambiant” d’autant plus que “la perspective populiste au Niger et dans le Sahel est favorable à l’entrée en scène de la Russie, ce que les Américains ne sauraient admettre”, explique le diplomate.

La nouvelle ambassadrice américaine au Niger ne connaîtra pas d’état de grâce.

Dans l’immédiat, elle doit faire prévaloir l’option diplomatique dans la crise au Niger, obtenir la libération de Mohamed Bazoum, favoriser le retour à l’ordre constitutionnel et empêcher l’irruption de la Russie au Niger tout en consolidant et en préservant les intérêts géostratégiques et économiques des États-Unis.

Il reste à savoir quelle sera la réaction des autres partenaires partisans de la force, se demande le diplomate Paul Batobonak.

TRT Francais