Macron accusé d'atteinte à la laïcité en célébrant Hanouka à l'Elysée (Others)

Le chef de l'Etat a créé la polémique, y compris jusque dans une partie de la communauté juive, en laissant le grand rabbin de France, Haïm Korsia, allumer dans la salle des fêtes de l'Elysée la première bougie du candélabre pour Hanouka, la fête des lumières.

Cette célébration est intervenue lors de la remise à Emmanuel Macron du prix annuel Lord Jakobovits de la Conférence des rabbins européens qui récompense la lutte contre l'antisémitisme et la sauvegarde des libertés religieuses.

Assurant qu'il ne s'était pas prêté "à un geste cultuel", le chef de l'Etat a, à l'occasion d'une visite sur le chantier de la cathédrale Notre-Dame de Paris dit ne pas regretter "du tout" cette cérémonie organisée à l'Elysée.

"Tout ça a été fait d'ailleurs en présence de tous les autres cultes qui étaient invités et dans un esprit qui est celui de la République et de la concorde", a argumenté le président.

Et plaidant, dans un contexte de montée de l'antisémitisme, pour "donner de la confiance" à "nos compatriotes de confession juive", il a demandé "du bon sens et de la bienveillance".

L'événement n'avait pas été annoncé par l'Elysée mais des vidéos, largement visionnées sur les réseaux sociaux, ont embrasé la controverse, principalement à gauche mais aussi au sein de la communauté juive en France.

"L’Élysée n’est pas un lieu de culte. On ne transige pas avec la laïcité" a dénoncé la socialiste Carole Delga, présidente de la région Occitanie.

"L’Elysée n’est ni une église, ni une mosquée, ni un temple, ni une synagogue", a renchéri Guillaume Lacroix, président du parti radical de gauche. "Une faute politique impardonnable" pour le député de la gauche radicale Manuel Bompard.

A gauche, des responsables y voient aussi le risque d'alimenter le sentiment d'un "deux poids, deux mesures" par rapport à la communauté musulmane. Dans le contexte de montée des tensions liées à la guerre entre Israël et le Hamas, c'est "de la vraie nitroglycérine", a renchéri la sénatrice socialiste Laurence Rossignol.

"Rupture de la tradition républicaine"

Les réactions ont été moins vives à droite et à l'extrême droite, où l'on a surtout critiqué, comme la députée du Rassemblement national Laure Lavalette, une tentative de "rattrapage" du chef de l'Etat après son absence à la marche contre l'antisémitisme du 12 novembre.

Le président de droite de l'Association des maires de France David Lisnard s'est demandé "comment peut-on refuser de participer à une marche civique contre l'antisémitisme" et "célébrer une fête religieuse au sein du palais présidentiel ?".

Au sein de la communauté juive même, le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), Yonathan Arfi, s'est dit "surpris" et a pris ses distances avec l'initiative du grand rabbin.

"Je pense que c'est effectivement quelque chose qui à mon avis n'a pas vocation à se reproduire", a-t-il poursuivi. Selon lui, "les Français juifs ont toujours considéré la laïcité comme une loi de protection et une loi de liberté. Et tout ce qui affaiblit la laïcité affaiblit les Juifs de France".

"Ce n'est pas la place au sein de l'Elysée d'allumer une bougie de Hanouka parce que l'ADN républicain, c'est de se tenir loin de tout ce qui est religieux", a estimé M. Arfi.

Emmanuel Macron avait déjà créé une polémique sur la laïcité en allant assister à la messe du pape François à Marseille en septembre.

Mais "c'est la première fois que le président organise une cérémonie religieuse à l'Elysée, c'est une rupture de la tradition républicaine", a souligné l'historien Patrick Weil auprès de l'AFP.

Embarrassé par la polémique, l'exécutif s'est d'abord défendu à travers la Première ministre Elisabeth Borne qui, depuis Mayotte dans l'océan Indien, a estimé qu'Emmanuel Macron avait voulu envoyer un "signal" de "soutien" à la "communauté juive" face à la "montée de l'antisémitisme".

Le ministre de l'Intérieur et des cultes Gérald Darmanin n'y a vu "nulle atteinte à la laïcité".

AFP