FRANCE
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“Bloquons tout”: fraîchement nommé, Sébastien Lecornu fait son baptême dans la pagaille
Entre crises politique, populaire et budgétaire, c’est une véritable bombe à retardement que le président Macron a laissé dans les bras de Sébastien Lecornu qui devra rapidement former un gouvernement capable de faire face à la censure.
“Bloquons tout”: fraîchement nommé, Sébastien Lecornu fait son baptême dans la pagaille
Dès le premier jour de son mandat, de nombreux incidents ont déjà éclaté à l'occasion du mouvement du 10 septembre appelant à “bloquer la France". / Reuters
il y a 9 heures

Le nouveau Premier ministre fraîchement nommé, fait son baptême dans la pagaille. Au premier jour de son nouveau mandat, Sébastien Lecornu est d’emblée confronté à une des plus grandes contestations populaires que la France ait connue depuis le mouvement des gilets jaunes.

Mardi soir, le président français a nommé ce fidèle de longue date au poste de Premier ministre en remplacement du centriste François Bayrou, démissionnaire après la chute lundi de son gouvernement lors d'un vote de confiance des députés sur son plan de désendettement du pays.

Il devient le septième Premier ministre d'Emmanuel Macron, et le cinquième depuis le début de son second quinquennat en 2022. Du jamais-vu dans une Ve République longtemps réputée pour sa stabilité mais entrée dans une crise sans précédent depuis la dissolution de l'Assemblée nationale en juin 2024, qui n'a pas permis de dégager une majorité.

A 39 ans, Lecornu, inamovible au gouvernement depuis 2017, a monté les échelons jusqu'à devenir ministre des Armées, un portefeuille ultrasensible en temps de guerre en Ukraine, et s'est imposé comme un fidèle et un intime du chef de l'Etat.

Mais il semble qu’il s’agit davantage d’une bombe à retardement que d’un cadeau que le président de la République a laissé dans les bras de Lecornu, qui peut à tout moment être une des nouvelles victimes de la crise d’ingouvernabilité macroniste.

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“Tout bloquer”

Dès le premier jour de son nouveau mandat, de nombreux incidents ont déjà éclaté à l'occasion du mouvement du 10 septembre appelant à “bloquer la France”.

Ce mercredi matin à 8 h 30, la gendarmerie recensait d’emblée 80 actions sur son périmètre, dont 16 blocages, pour un total de 3 000 manifestants dans les zones couvertes par ses services.

La situation est particulièrement tendue à Paris, où au moins 132 interpellations ont eu lieu dès le début de matinée. Devant le lycée Hélène-Boucher (20e arrondissement), des affrontements ont éclaté entre lycéens masqués et forces de l’ordre. 

Des poubelles ont été incendiées, des projectiles lancés, et la police a eu recours au gaz lacrymogène pour disperser les groupes. D’autres établissements comme les lycées Lavoisier (5ᵉ) et Claude-Monet (13e) sont également bloqués par les élèves.

Parmi les secteurs de la capitale propices aux contestations, la gare du Nord s’illustre de façon très nette, comme le rapporte Le Parisien.

L’imposant bâtiment du Xe arrondissement a vu dès 10h30 du matin des centaines de volontaires se mobiliser, notamment dans le cadre d’un appel à manifestation de la part des cheminots.

La préfecture de police de Paris fait savoir que des tentatives d’intrusion par des centaines de manifestants au sein de la gare parisienne ont été déjouées peu avant 11 heures par les autorités, selon Le Parisien.

La gare Transilien a également nécessité une évacuation encadrée par les forces de l’ordre. Des manifestants auraient par ailleurs essayé de bloquer les multiples entrées du bâtiment.

Diverses images postées sur les réseaux sociaux à midi montrent les autorités avoir recours au gaz lacrymogène pour disperser des manifestants. Plusieurs manifestants auraient aussi été bloqués par les autorités en haut de la rue du Faubourg Saint-Denis, proche de la gare.

Dans le reste du pays, 10 blocages d’axes routiers ont été signalés dès les premières heures. À Lyon, entre 200 et 300 manifestants ont tenté de bloquer plusieurs points stratégiques comme le pont Galieni et le rond-point de la Feyssine. 

Des feux de poubelles et des barricades ont été dressés, et les forces de l’ordre sont intervenues pour dégager les voies.

À Marseille, plusieurs centaines de personnes, souvent jeunes et encagoulées, ont mené des actions de perturbation depuis la place de la Joliette, jouant au chat et à la souris avec les policiers. À Toulouse, des blocages de rue et un piquet de grève sur le site d’Airbus ont été relevés, certains dispersés à coups de gaz lacrymogène.

La région Bretagne est également sous tension. Selon le porte-parole de la gendarmerie Erwan Coiffard, des actions “plus conséquentes” ont été enregistrées, avec des dégradations de radars, blocages et filtrages : “Si c’est du filtrage, on privilégie le dialogue. Si c’est du blocage, on procèdera au déblocage”.

Crise politique et budgétaire

C’est dans cet équilibre sensible entre crise politique et crise populaire que Lecornu doit jouer. Difficile de savoir pour le moment l’impact de cette nomination d'emblée critiquée par les oppositions. 

Pour le Parti socialiste, en plaçant à la tête du gouvernement cet homme issu de la droite, le président Emmanuel Macron "prend le risque de la colère sociale" et "du blocage institutionnel", pendant que La France Insoumise a déjà annoncé la couleur en promettant une motion de censure.

"Le président tire la dernière cartouche du macronisme, bunkerisé avec son petit carré de fidèles", a de son côté raillé Marine Le Pen, cheffe de file du parti d'extrême droite Rassemblement national.

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Pour tenir, Lecornu doit former un gouvernement qui devra obtenir, a minima, une non-censure du PS, du RN et de LFI, indispensable pour doter la France d'un budget pour 2026, dont la préparation vient de faire tomber le gouvernement sortant qui avait présenté un effort de 44 milliards d'euros.

Le calendrier budgétaire risque déjà de dérailler en raison de cet énième soubresaut de la crise politique, après le retard inédit de l'an dernier.

Et l'impasse politique pourrait agiter les marchés financiers, en attendant la décision de l'agence Fitch susceptible de dégrader vendredi la note de la dette française. Mardi, la France a emprunté à échéance dix ans aussi cher que l'Italie, longtemps considérée parmi le mauvais élève en Europe.

Autant de développements qui ne sont que de très mauvais augure pour le destin que pourrait subir un gouvernement formé par Lecornu. Dans tous les cas, entre crises politique, populaire et budgétaire, ce sont de grands défis qui l’attendent.

SOURCE:TRT français et agences