Alors que Gaza a subi des destructions massives au cours de deux années de guerre israélienne, plusieurs entreprises américaines, dont certaines proches de l’administration Trump et du Parti républicain, se disputent les futurs contrats de reconstruction et de logistique humanitaire, selon des documents et des sources consultés par le Guardian.
D’après les Nations unies, environ 75 % des bâtiments de Gaza ont été endommagés ou détruits. Le coût total de la reconstruction est estimé à près de 70 milliards de dollars, un montant qui pourrait générer des contrats majeurs dans les secteurs de la construction, de la démolition, du transport et de la logistique.
À ce stade, aucun contrat à long terme n’a encore été attribué. Un Conseil de la paix, présidé par le président américain Donald Trump, a été entériné par l’ONU pour administrer le territoire palestinien, mais il n’est pas encore opérationnel. Le Centre de coordination civilo-militaire mis en place pour Gaza dispose par ailleurs d’un mandat limité.
Parallèlement aux structures onusiennes, la Maison-Blanche a constitué une cellule dédiée à Gaza, dirigée par Jared Kushner, Steve Witkoff et Aryeh Lightstone. Selon le Guardian, deux anciens responsables de Doge — une initiative associée à Elon Musk visant à réduire la taille de l’administration fédérale — participent désormais aux discussions sur l’aide humanitaire et la reconstruction de l’après-guerre.
Ces responsables auraient fait circuler des présentations détaillant des plans logistiques, incluant des projections financières, des tarifs et l’implantation d’entrepôts potentiels. Des sources indiquent également que plusieurs contractants américains se rendent actuellement dans la région afin de rencontrer des responsables américains influents et d’éventuels partenaires commerciaux.
Un projet de “maître d’œuvre”
L’un des documents examinés par le Guardian décrit une nouvelle “architecture logistique du système d’approvisionnement de Gaza”. Classé “sensible mais non classifié”, il prévoit la désignation d’un “maître d’œuvre” chargé de faire entrer quotidiennement jusqu’à 600 camions humanitaires et commerciaux dans l’enclave.
Le document propose une facturation de 2 000 dollars par camion humanitaire et de 12 000 dollars par camion commercial. À ce rythme, les seuls frais de transport pourraient représenter environ 1,7 milliard de dollars par an, selon les estimations du quotidien britannique.
Avant la guerre, environ 500 camions entraient chaque jour à Gaza. Depuis le 7 octobre 2023, Israël a régulièrement fermé ou restreint les points d’entrée, limitant l’accès à des biens essentiels tels que la nourriture, le carburant et les matériaux de construction.
Bien que l’accord de cessez-le-feu d’octobre prévoie l’entrée quotidienne de 600 camions d’aide, le volume réel est resté nettement inférieur, avec une moyenne d’environ 140 camions par jour.
Historiquement, l’ONU jouait un rôle central dans l’acheminement de l’aide à Gaza, fournissant des services essentiels à plus de 80 % de la population. Son rôle futur, comme celui des ONG humanitaires traditionnelles, demeure incertain, Israël contrôlant les autorisations d’accès pour l’ensemble des acteurs opérant dans l’enclave.
Gothams LLC
Parmi les entreprises mentionnées figure Gothams LLC, un contractant américain politiquement bien introduit. La société a notamment remporté un contrat de 33 millions de dollars pour contribuer à la gestion d’un centre de détention pour immigrés dans le sud de la Floride, surnommé “Alligator Alcatraz”.
Selon plusieurs sources, Gothams bénéficiait d’un accès privilégié dans le processus et apparaissait comme un candidat sérieux pour assurer la logistique humanitaire à Gaza.
Le Guardian a consulté une proposition adressée par l’entreprise au Conseil de la paix, dans laquelle elle offrait “un système logistique humanitaire entièrement intégré” pour des opérations d’aide à grande échelle.
Le fondateur de Gothams, Matt Michelsen, est un donateur du Parti républicain ayant soutenu financièrement plusieurs responsables politiques, dont les gouverneurs Greg Abbott et Ron DeSantis.

L’entreprise a connu une croissance rapide ces dernières années grâce à d’importants contrats publics, notamment pendant la pandémie de Covid-19 et dans le secteur des centres de détention gérés par les États.
Interrogé par le Guardian, Michelsen a déclaré avoir, toutefois, décidé de retirer son entreprise du projet de Gaza, invoquant des préoccupations liées à la sécurité et à l’impact médiatique potentiel.
Il a indiqué que cette décision avait été prise récemment et que Gothams ne participerait finalement pas aux opérations envisagées.
Plusieurs acteurs humanitaires expriment des réserves quant à l’orientation actuelle de la planification de la reconstruction. Amed Khan, philanthrope américain à la tête de l’Amed Khan Foundation, qui fournit des médicaments à Gaza, a qualifié cette approche de “défaillante”, estimant que les personnes impliquées manquent d’expérience en matière d’aide humanitaire.
À ce stade, la structure définitive de la gouvernance de Gaza, le rôle des acteurs privés et celui des organisations humanitaires traditionnelles restent indéterminés, alors même que les besoins humanitaires sur le terrain demeurent considérables.

















