A l’heure où la guerre en Ukraine conduit l’Union européenne à provisionner 800 milliards d’euros pour lancer des projets européens de défense (programme ReArm Europe), ces tensions picrocholines font tache. A l'heure du tous pour un et un pour tous, Dassault et la France tendent à jouer perso.
Berlin et Madrid menacent en effet de se retirer du SCAF, ce projet d’avion de chasse nouvelle génération censé remplacer le Rafale et l’Eurofighter à horizon 2040. Ils sont mécontents que le tricolore Dassault exige de contrôler la sous-traitance afin de protéger ses secrets et ceux de la France, en d’autres termes, Dassault industries n’est pas à l'aise avec des décisions prises à trois quand deux des partenaires représentent Airbus.
Dans le projet initial, Dassault devait hériter de 30% du projet, Airbus défense Espagne de 30% et Airbus défense Allemagne de 30%.
Le système de combat aérien du futur, le SCAF, a été lancé, en 2017, par le président français Emmanuel Macron, et la chancelière allemande, Angela Merkel, afin de remplacer à l’horizon 2040 le Rafale (Dassault Aviation) et l’Eurofighter (Airbus, BAE Systems, Leonardo).
L’Europe veut se doter d’un avion de sixième génération interconnecté à un essaim de drones, et pouvant mobiliser des armements sur terre et en mer grâce notamment à l’intelligence artificielle.
L’annonce de cette collaboration a été faite en grande pompe en applaudissant la collaboration européenne car le SCAF est le plus grand projet de défense en Europe censé renforcer l'autonomie stratégique du continent. Le SCAF doit permettre aux Européens de ne pas dépendre du F47 américain ou du J36 chinois.
L’indépendance européenne en matière de défense en jeu
C’était sans compter sur les logiques industrielles dans un secteur habitué au secret défense. Le Français Dassault, maître d’œuvre industriel pour l’avion, exige aujourd’hui un changement de gouvernance et le PDG de Dassault Aviation claironne que la France peut faire seule. Les autres partenaires européens accusent Dassault de tout vouloir décider.
Si techniquement la France a peut-être la connaissance technique pour réaliser seule un avion de chasse dernière génération, ce serait à quel prix ? Le budget nécessaire avoisine les 100 milliards d'euros et le budget public de la France est loin d’être au beau fixe.
Un tel choix remettrait aussi en question, les efforts du président Macron pour convaincre les autres pays de l’Union européenne qu’il faut développer une Europe de la défense et travailler ensemble.
Un arbitrage politique va donc être nécessaire pour sauver un projet militaire européen, mais il va falloir attendre que Paris se dote d’un gouvernement. L'Allemagne qui, elle, cherche des partenaires, a pris contact avec la Suède et le Royaume-Uni et exige une décision claire du côté français d’ici la fin de l’année.