FRANCE
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Annulation d’un colloque sur la Palestine: le Collège de France mis au pas
Le colloque international sur la Palestine organisé par le Collège de France, a été brutalement annulé par le ministre de l’Enseignement supérieur, Philippe Baptiste, en raison de pressions politiques et médiatiques.
Annulation d’un colloque sur la Palestine: le Collège de France mis au pas
Philippe Baptiste, le ministre de l’Enseignement supérieur.
il y a 7 heures

Le colloque, "La Palestine et l’Europe: poids du passé et dynamique contemporaine", 

qui devait se tenir les 13 et 14 novembre à Paris à l’initiative du professeur Henry Laurens, titulaire de la Chaire Histoire du monde arabe au Collège de France et le Carep-Centre arabe de recherches et d'études politiques, a été annulé par Philippe Baptiste, ministre français de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. 

La nouvelle tombée, ce dimanche 9 novembre 2025, est, selon des sources proches des organisateurs, "la conséquence directe d’un papier du Point". 

La conférence devait réunir, sous l’égide de son comité scientifique, une palette de figures européennes venues d’universités et écoles européennes reconnues, telles que Inalco, école polytechnique de Lausanne, King’s College, SOAS à Londres ou Université libre de Bruxelles. Parmi les intervenants invités à clore les deux journées scientifiques figurent Francesca Albanese, rapporteure spéciale de l’ONU pour la situation des droits humains dans les territoires occupés, Josep Borrell, ancien Haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et Dominique de Villepin, ancien Premier ministre français et ministre des Affaires étrangères. Un panel de haut niveau à la hauteur des enjeux en cours au Moyen-Orient sur lequel le ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, Philippe Baptiste, a eu le dernier mot en le faisant tout bonnement annuler.

Sur X, il justifiait son intervention comme une défense de "la liberté académique" reposant, selon lui, "sur un débat libre, respectueux et pluriel". Dans son message, paru dimanche midi, P.Baptiste déplore, en creux, le manque de pluralité, "d’excellence" et une atteinte au respect des valeurs républicaines de ces deux journées d’études. 

De son côté, le Collège de France, après avoir proposé un événement à huis-clos - sous l’impulsion probable du ministre- a fini par céder aux pressions politiques exercées par ce dernier. "Face à la polémique mais aussi aux risques qui se manifestent autour de ce colloque", Thomas Römer, administrateur du Collège de France, a annoncé une heure avant le ministre Baptiste, l’annulation de la conférence. 

Entre polémique et risques de troubles à l’ordre public, argument présenté implicitement par le communiqué du Collège de France, ces craintes sont-elles justifiées ? Pourquoi interdire un colloque scientifique de ce calibre ? Qu’est-ce que craint le ministre quand on sait qu’au Sénat a lieu ce jour, lundi 10 novembre, un événement organisé par le lobby israélien Elnet? Financé à hauteur de 72 000 euros par le ministère des Affaires étrangères d’Israël, Etat poursuivi par la CPI pour crimes de guerre et génocide, ce "sommet annuel" porté par "la coalition mondiale des femmes contre les violences basées sur le genre utilisées comme armes de guerre" est-il moins politique que la conférence sur la Palestine ? 

De son côté, le Carep, co-organisateur avec Henry Lawrens, ne décolère pas. "Le ministre a dit être pour la liberté académique mais opposé au cadrage de la conférence", explique une source. Puis, lundi matin, le centre de recherche s’est fendu d’un communiqué de presse sur son site, contredisant point par point les critiques du ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche. 

"Sous couvert de garantir la scientificité, le ministère justifie une intervention politique dans le champ de la recherche, en contradiction avec sa mission première: protéger la liberté académique", peut-on lire sur le site du Carep. En plus de citer les noms des scientifiques européens "réputés et internationalement reconnus" mobilisés pour l’événement, le Carep pointe "la confusion entre évaluation savante et contrôle idéologique", interprétée comme une atteinte grave à "l’indépendance des savoirs". 

D’ailleurs, l’examen du programme révèle une démarche scientifique documentée "à l’histoire du mouvement sioniste et à la Palestine sous mandat britannique". Des sujets clivants voire périlleux mais cantonnés, ici, à des objets scientifiques. 

Une intrusion politique arbitraire qui passe mal auprès du corps scientifique déjà malmené et également inquiet de la mise au pas "d’une institution fondée il y a plus de quatre siècles". Finalement, le ministère en “organisant les conditions de son annulation” pour reprendre les termes d’un organisateur, vide cette conférence de son objet scientifique lui faisant porter un enjeu politique brûlant, un geste aux antipodes de la démarche scientifique proposée. Un choix visiblement assumé par le ministère. "Nous avons subi des pressions directes du ministre”, tonne une source impliquée dans l’organisation qui corrobore les craintes émises dans le communiqué du Carep. "Ce type de dérive déjà assumé outre-Atlantique", semble se propager "à toute l’Europe et nous refusons de rester passifs face à son extension aux institutions académiques françaises", écrivent les organisateurs de ce colloque. Pratiques autoritaires, trumpisation, muselage, qu’est-ce qui se joue derrière cette annulation ? De son côté, le ministère n’a pas encore répondu à nos demandes d’éclaircissements, notamment sur l’origine des suspicions portées sur Henry Laurens et le Carep. 

Au téléphone, l’une de nos sources, aux premières loges de l’affaire, pointe un article du Point. "Vendredi 7 novembre, "un papier du Point, qualifié de torchon, a jeté l’opprobre sur la conférence", souffle-t-elle. Accusations "d’entrisme", de liens avec le Qatar, le titre, "un colloque propalestinien à hauts risques", annonçait la dramaturgie à venir, laissant peu de chance à son maintien. Des accusations lancées par l’entremise d’associations orientées- ici la Licra qui évoque cette "foire antisioniste"- une saisine du politique avant que les médias ne fassent tourner l’information en boucle. Un scénario inquiétant tant par ses effets sur la liberté d’expression que par la question centrale qu’il soulève : les chercheurs doivent-ils se mettre aux ordres de la vérité scientifique des faits ou du politique ?

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