AFRIQUE
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Madagascar malade de ses institutions
La destitution d’Andry Rajoelina, président de Madagascar, par l'Assemblée nationale, perpétue une tradition d'épisodes d’instabilité qui ont secoué le pays depuis 1992.
Madagascar malade de ses institutions
Des manifestants devant la mairie sur l'avenue de l'Indépendance d’Antananarivo, le 13 octobre 2025. REUTERS/Siphiwe Sibeko
15 octobre 2025

Depuis mardi, les militaires malgaches ont pris le pouvoir laissé vacant par le président Andry Rajoelina, parti pour une destination jusqu’ici inconnue. Peu avant, l'Assemblée nationale avait voté la destitution du chef d’Etat.

Le Colonel Randrianirina, qui a mené l’insurrection militaire,  a donc proclamé la mise en place du Conseil de défense nationale de transition (CDNT) pour exercer les prérogatives présidentielles aux côtés d’un gouvernement de transition (pas encore constitué), tandis que l’Assemblée nationale reste en fonction. Plusieurs institutions, dont le Sénat, et la Haute Cour constitutionnelle ont été suspendues. 

"On va mettre en place un comité composé d'officiers venant de l'armée, de la gendarmerie, de la police nationale. Peut-être qu'il y aura des hauts conseillers civils là-dedans. C'est ce comité qui va assurer le travail de la présidence. En même temps, après quelques jours, on va mettre en place un gouvernement civil", a assuré le colonel Randrianirina.

La transition, d’une durée maximale de deux ans, vise à rétablir la stabilité, préparer “la légalité républicaine” et organiser un référendum constitutionnel ainsi que des élections générales.

Malaise social

“Les manifestations, explique à TRT Afrika Amy Sen, présidente de l’association culture et solidarité de Madagascar, reflètent un mécontentement profond de la population face à des services publics essentiels défaillants”. Elle poursuit en expliquant que “de nombreuses zones urbaines, notamment Antananarivo, connaissent des coupures fréquentes d’eau et d’électricité, ce qui perturbe la vie quotidienne, les activités économiques et l’accès aux soins.”

Le nombre d’élus acquis à la destitution du chef de l’Etat est révélateur de l’ampleur du malaise. 130 des 163 députés, soit plus de la majorité des deux tiers requise,  ont voté mardi en faveur de sa destitution.

“ La défaillance des services publics a exacerbé un sentiment général de frustration envers le gouvernement. Ce mécontentement social s’est rapidement politisé : l’opposition, les Gen Z et certains acteurs de la société civile ont lié les manquements dans la gestion de l’eau et de l’électricité à l’incapacité présumée du président à gouverner efficacement”, insiste Amy Sen. 

Selon les explications de cette activiste: “Les manifestations ont ainsi évolué en revendications politiques directes, certains groupes appelant explicitement à la démission du président, considérant qu’il porte la responsabilité principale de la crise”.

Depuis l'Égypte où il participait au sommet de la paix à Gaza, Emmanuel Macron s'est exprimé sur la crise malgache. “On a une jeunesse qui est politisée, qui veut vivre mieux et c'est une très bonne chose", a déclaré le président français. "Il ne faut juste pas qu'elle soit récupérée par des factions militaires, des ingérences étrangères." Macron s'est dit vigilant aux côtés de la communauté de développement de l'Afrique australe et l'Union Africaine.

"Si l'ordre institutionnel était rompu, Madagascar l'a déjà vécu, les premières victimes seraient la population".

“Ingérence dans les affaires internes de Madagascar”


Une mise en garde considérée à Madagascar comme “une ingérence dans les affaires internes de Madagascar”, commente Amy Sen pour qui “l'amitié entre Madagascar et la France, ne profite en définitive qu'à Rajoelina”.  

Elle met en exergue la protection consulaire française dont il a bénéficié pour son extradition, en raison de sa double nationalité.

“La nationalité française a également servi de levier pour négocier sa sécurité lors de la transition politique, car elle impose une certaine responsabilité de l’État français vis-à-vis de ses ressortissants, surtout dans un contexte de crise”.

Madagascar est familier de l’instabilité politique qui  provoque le marasme de l’économie, freine les projets de développement et aggrave la pauvreté. “Madagascar est le seul pays qui s’appauvrit depuis soixante ans sans avoir connu la guerre”, font remarquer des chercheurs de l’IRD (Institut de Recherche pour le développement).

De Philippe Tsiranana en 1992 à Albert Zafy en 1996 en passant par Didier Ratsiraka en 1991, tous ont vu leur mandat interrompu par un vote de l’Assemblée nationale. La destitution d’Andry Rajoelina perpétue cette tradition et pose le problème de la refonte en profondeur des institutions malgache.

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SOURCE:TRT Francais