Macron, le monarque républicain qui vacille
Macron, le monarque républicain qui vacille
Cinq Premiers ministres en France sous le second mandat d’Emmanuel Macron dont trois en treize mois. Le principal responsable de ce chaos est Emmanuel Macron, disent l’opposition et certains élus du camp présidentiel
il y a 16 heures

Les soubresauts qui animent la vie politique française depuis la dissolution ratée de juin 2024 laissent un goût amer, une apparence de mascarade, un scénario “abracadabrantesque” aurait dit Jacques Chirac, ancien président du RPR, qui avait lui aussi lancé une dissolution qui va le mener à devoir accepter le résultat des législatives en 1997 et vivre une cohabitation. 

Ce n’est pas le cas d’Emmanuel Macron. Le président français a refusé de nommer un Premier ministre issu de la nouvelle majorité de gauche qui avait gagné les législatives de juillet 2024. Il a opéré un déni démocratique, créant une situation de blocage institutionnel que la France peine aujourd’hui à dépasser. Cet acte a marqué une rupture, transformant un outil constitutionnel en une arme politique au service d'une seule volonté, pour conserver le pouvoir

Avec cette décision, Emmanuel Macron marque une rupture avec la tradition démocratique de la Ve République. La Ve République, conçue par et pour le général de Gaulle, est intrinsèquement présidentialiste mais ce même général démissionne en 1969 après que le non l’a emporté lors d’un référendum sur une réforme qu’il soutient, en l'occurrence la création des régions administratives.

Le non-respect du résultat des urnes

Le socialiste François Mitterrand a, lui, accepté et géré deux cohabitations, respectant ainsi le verdict des législatives. Il cohabite avec un Premier ministre de droite et la deuxième fois avec Michel Rocard avec lequel il n’a pas énormément d’affinités.


Le choix d'Emmanuel Macron marque une dérive vers un présidentialisme absolu. Pour Frédéric Sawicki, professeur de science politique à l’université Paris-I, les problèmes d’Emmanuel Macron remontent à 2022 lorsqu’il n’obtient pas la majorité dans les urnes des élections législatives. “Il perd quarante députés, mais il décide de continuer sa politique sans proposer d’accord de gouvernement aux Républicains, allant à l’encontre des prescriptions d’une démocratie parlementaire. À partir de là, il recourt au 49.3 pour faire passer en force ses projets de loi comme le projet de réforme des retraites, sans que les députés puissent déposer des amendements.” Selon le politologue, Emmanuel Macron se comporte comme “l’hyper-président”.

Ensuite, pour sortir de cette impasse, il choisit de dissoudre l’Assemblée nationale parce que son camp a perdu les élections européennes en juin 2024 et ce fut un nouvel échec. Renaissance perd encore des députés mais “Emmanuel Macron décide de continuer comme avant”, s’étonne Frédéric Sawicki.


Le théâtre de l’absurde ou la valse des Premiers ministres

Les conseillers du président essaient bien d’imposer un narratif positif, ils n’arrêtent pas de répéter aux médias que la dissolution de juin 2024 a ouvert l’an I de l’ère d’une culture de coalition à la française mais la valse des Premiers ministres les contredit.

Dire qu’Emmanuel Macron met en danger la démocratie française n'est plus l'apanage des oppositions radicales ; c'est une interrogation nourrie par une série de décisions qui, mises bout à bout, dessinent le portrait d'un pouvoir qui malmène les fondements de la Ve République.

Selon l’analyse de Frédéric Sawicki, le comportement d'Emmanuel Macron est celui d’une personne hyper-partisane, qui refuse le résultat des urnes, qui s’obstine à mener la même politique malgré le résultat des urnes. “En cela, il a contribué à fragiliser l’image du président, de la fonction du président”, ajoute-t-il.

En RelationTRT Français - France: un ancien Premier ministre appelle Macron à quitter la présidence

L’image est tellement dégradée, l’homme tellement contesté que les demandes de démission du Président, ou de destitution se multiplient,  venant même parfois de son propre camp.

Le maire du Havre, Edouard Philippe, dirigeant du parti Horizons et ancien Premier ministre de Macron, appelle le 7 octobre dernier sur la radio RTL Emmanuel Macron à organiser une élection présidentielle anticipée, dès qu'un budget pour 2026 sera adopté. Il réitère cet appel jeudi 16 octobre sur France 2.

Le président de la République doit "prendre la décision qui est à la hauteur de sa fonction", en "partant de façon ordonnée", estime-t-il. 

Le président est tenu pour responsable de la crise actuelle. Christophe Bex, député LFI, parle du “bug Macron” en insistant sur la valse des premiers ministres. Le camp Macron s’improvise, selon lui,  “rempart contre les extrêmes dans ce gloubi-boulga de fin de règne” mais n’est pas crédible et l’élu conclut qu’Emmanuel Macron doit partir.

Le style Macron, la politique du moi

Emmanuel Macron est aussi un président omniprésent, ne se plaçant pas au-dessus de la mêlée mais dans la mêlée. Ainsi, le président Macron nomme un très proche après les bisbilles avec les Républicains, il compose le gouvernement Lecornu II après la chute de l'exécutif au bout de 14 heures. C’est encore l’Elysée qui convoque les représentants des partis politiques le 7 octobre pour savoir qui s’engage à ne pas censurer ce même gouvernement. Logiquement, si cela ne fonctionne pas, il sera en première ligne.

Emmanuel Macron a imposé un style très personnel à son double quinquennat, il est “le maître des horloges” qui joue des coups de poker. S’y ajoute un ton parfois cassant, moqueur, condescendant, comme lorsqu’il rétorque à un chômeur qu’il suffit de traverser la route pour trouver du travail ou qu’il qualifie les Français de “Gaulois réfractaires”.

Dans son analyse, Frédéric Sawicki estime qu’Emmanuel Macron dégrade de plus en plus l’image de la Présidence. “S’il avait accepté un Premier ministre de gauche, s’il avait ouvert son gouvernement en 2022,  il aurait pu limiter la casse, mais il est persuadé d’avoir la vérité, on le sent profondément individualiste, il a un ego démesuré, un sentiment de supériorité, en plus il s’entoure de gens comme lui, il s’est isolé.”


Appels à la démission

Le style Macron est après huit années rejeté par une majorité de Français, 61% des Français se déclarent favorables à son départ, selon un sondage publié le 10 octobre et commandé par Europe 1, CNews et le JDD (Journal du Dimanche). Cela pose une question fondamentale de légitimité mais Emmanuel Macron a plusieurs fois répété qu’il a été élu et qu’il resterait en poste jusqu’en 2027.

L’héritage de ce double quinquennat sera aussi celui d’une révolution bourgeoise, un glissement conservateur. À son arrivée au pouvoir en 2017, il s’était engagé à faire barrage au Rassemblement national mais huit ans plus tard, le RN est plus fort que jamais et les marqueurs de l’extrême-droite ont même infusé auprès des ministres.

Celui-ci qui avait incarné la revanche sociale d’une jeune génération de politiques a cheminé vers un conservatisme très identitaire au gré des événements, ce que Jean-François Bayart, professeur à l’IHEID (Institut de hautes études internationales et du développement) de Genève appelle le “basculement de la France vers une révolution conservatrice. “

La révolution conservatrice d’un centriste

“Lors de son premier quinquennat, il était très à droite économiquement mais sur les questions sociales, il était plutôt à gauche, il avait dit que l’immigration était une chance pour la France mais tout cela a été balayé lors du second quinquennat. Il a pensé qu’il fallait aller sur le terrain des idées de l’extrême-droite pour consolider son alliance avec le LR mais il suggère ainsi que le RN pose les bonnes questions. “Emmanuel Macron a une responsabilité “non négligeable” dans la montée du RN, tout cela pour satisfaire un électorat de droite anti-arabe, conclut Frédéric Sawicki. On peut ajouter que c’est accessoirement pour se maintenir au pouvoir.

L’universitaire espère que l’épisode Macron va convaincre les Français qu’il faut réformer les institutions pour se prémunir d’un hyper-président. Selon le politologue, en France, le président a trop de pouvoirs, il faudrait un scrutin proportionnel, et lui retirer le pouvoir de dissoudre l’Assemblée.

Emmanuel Macron laissera l’image d’un président arrogant et narcissique qui utilise les institutions pour se maintenir au pouvoir, mais comme a perfidement déclaré l’ancien ministre de l’Intérieur en juillet 2025, Bruno Retailleau, “le Macronisme, s’achèvera avec Emmanuel Macron. Ce “n’est ni un mouvement politique ni une idéologie : il repose essentiellement sur un homme”.

SOURCE:TRT français et agences