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Coopération militaire en Afrique: la France s'accroche malgré la vive concurrence
Indésirable au Sahel, partie du Sénégal, la France bien que discrète tient à la coopération militaire en Afrique. La concurrence est pourtant rude.
Coopération militaire en Afrique: la France s'accroche malgré la vive concurrence
Archive. Le président français Emmanuel Macron avec des soldats français au camp militaire de Port Bouët à Abidjan, en Côte d'Ivoire, le 20/12/ 2019. / Reuters
il y a 14 heures

C'est le président français Emmanuel Macron qui, début 2025  a semblé raviver la tension entre Paris et ses anciennes colonies, lors de la conférence annuelle des ambassadrices et ambassadeurs de France, prenant l’opinion publique de court.

La France a eu "raison" d'intervenir militairement au Sahel "contre le terrorisme depuis 2013", mais les dirigeants africains ont "oublié de nous dire merci", avait déclaré le président Macron, estimant qu'"aucun d'entre eux" ne gèrerait un pays souverain sans cette intervention.

"C'est pas grave, ça viendra avec le temps", avait, alors, ironisé le président français.

Le Tchad avait aussitôt réagi, exprimant sa ‘’vive préoccupation suite aux propos tenus récemment par le Président de la république française, Emmanuel Macron, qui reflètent une attitude méprisante à l’égard de l’Afrique et des Africains’’, selon un communiqué du chef de la diplomatie tchadienne, Abderaman Koulamallah. “Il se trompe d'époque”, avait lancé Mahamat Idriss Déby Itno, le chef de l’État tchadien. Pour le président burkinabè Ibrahim Traoré, Macron avait "offensé tous les Africains".

Le malaise

"Si vous voulez une rupture avec ces forces impérialistes, c’est simple. Il faut dénoncer les accords. Le problème se trouve dans les accords de défense coloniaux qui ont été signés depuis les indépendances", a-t-il pointé.

Ce discours du dirigeant français traduit un certain regard vis-à-vis de l’Afrique, explique à TRT Français Seidik Abba, chercheur associé et président du Centre international d’études et de réflexions sur le Sahel (CIRES).

“La France n’a pas su s’adapter. Elle a eu une posture d’arrogance, de paternaliste avec les dirigeants militaires dans le cas du Sahel.(...) Il faut revoir la relation avec les pays sahéliens. Avec ses anciennes colonies, il faut un nouveau paradigme basé sur le respect mutuel, la non ingérence dans le micro-management des États, une capitalisation de la diaspora, etc.”.

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A l’observation, le malaise semble profond entre les alliés d’hier. Outre le Mali, le Burkina Faso et le Niger, le Sénégal et le Tchad - longtemps considérés comme les derniers alliés de la France au Sahel - ont, eux aussi, demandé (en novembre 2024, NDLR)  le retrait des troupes françaises de leurs territoires. Un desiderata qui s’est matérialisé en  janvier 2025, surprenant les observateurs les plus avertis, fait remarquer Seidik Abba. Il se dit étonné par “(...)  l'accélération de la dégradation des relations entre la France et le Tchad.”

Le retrait des soldats français stationnés au Tchad depuis 55 ans s’est fait au pas de course, visiblement sous la pression des autorités tchadiennes. N'djamena avait, en effet, annoncé le 28 novembre 2024, la cessation de la coopération militaire avec la France, fixant au 31 janvier 2025 la date butoir du retrait du dernier militaire français de son territoire. Deux mois pour mettre fin à une coopération militaire vieille de 55 ans !

Dès février 2024,  Emmanuel Macron a missionné l’ancien secrétaire d’Etat à la Défense, Jean Marie Bockel, de lui proposer une nouvelle stratégie de coopération militaire avec l’Afrique. Chose faite en novembre 2024, avec une réforme reposant sur une "diminution de l’empreinte" militaire (effectifs, NDLR) tout en demeurant sur le continent "sur un temps long". 

Du reste, le coup d’État manqué le 7 décembre dernier au Bénin a permis de tester l'efficacité de cette nouvelle stratégie. Officiellement retirés de Côte d’Ivoire en janvier 2025, des éléments des forces spéciales françaises déployés à partir d’Abidjan, ont été décisifs dans l'échec de la tentative de putsch à Cotonou.

“Les forces spéciales françaises ont été envoyées depuis Abidjan pour mener des opérations de nettoyage après que l'armée béninoise eut fait le travail”, a souligné Dieudonné Djimon Tevoedjre, le commandant de la garde présidentielle béninoise lors d'un entretien téléphonique à l'AFP. 

Peu après, un conseiller du président Emmanuel Macron a indiqué que la France avait fourni une aide “en matière de surveillance, d'observation et de soutien logistique” à l'armée, à la demande du gouvernement, sans confirmer ni infirmer la présence de troupes françaises.

S’adapter 

Il s’agit d’un exemple concret de la nouvelle orientation de la coopération militaire française en Afrique : présence discrète mais efficace comme l’expliquait Jean Marie Bockel à la Commission de la Défense nationale et des Forces armées de l'Assemblée nationale française. 

"Quand il y a eu la crise au Niger, soulignait-il, nous avons été capables d'installer sur Abidjan, 2 000 hommes en quelques heures. L’une des missions auprès des partenaires est d’avoir fait passer ce message".

Malgré les déconvenues au Sahel, la présence militaire française, bien que discrète, demeure effective. Ses points d’ancrage sont la Côte d’Ivoire, le Gabon et surtout Djibouti, de loin la plus grande base militaire française en Afrique.

Parallèlement, les pays sahéliens ont signé en avril 2025 des accords de défense avec la Russie, alors que le Tchad s’ouvrait “aux Emirats Arabes Unies, Israël et la Türkiye”, explique Seidik Abba. De son côté le Sénégal, grâce à la coopération avec la Corée du Sud, vient de poser les bases d’une industrie militaire par l’assemblage des véhicules tactiques de l'armée. 

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SOURCE:TRT Francais