Tariq Abdul-Wahad, 49 ans, premier joueur français en NBA, ne comprend pas l’injonction au silence qui règne autour des athlètes / Getty Images (Others)

À quelques jours du mois de Ramadan, des voix s’élèvent pour exiger un cessez-le-feu à Gaza. Parmi elles, celles de sportifs qui expriment leur indignation au grand dam de certaines instances.

Tariq Abdul-Wahad, 49 ans, premier joueur français en NBA, ne comprend pas l’injonction au silence qui règne autour des athlètes. Le guyannais, autrefois connu sous le nom de Olivier Saint-Jean, accorde une interview exclusive à TRT Français depuis la Californie à San Jose où il vit avec sa femme et ses trois enfants.

Il exprime son indignation face au silence qui règne quant au massacre à Gaza, au grand dam de certaines instances. ”Dès qu’il s’agit de parler de choses sérieuses, l’athlète n’est pas pris au sérieux, c’est comme si on ne savait pas faire de phrases ou comprendre ce qu’il se passe”, s’indigne-t-il. ”Si l’on peut avoir des influenceurs qui racontent leur vie à 5 millions de followers, je ne vois pas pourquoi les athlètes ne pourraient pas donner leur avis sur des choses qui touchent à leur humanité”, ajoute-t-il.

Pour TAW, certains sujets sont perçus comme tabous et la condescendance symbolisée par le Shut up and dribble [tais-toi et dribble] décourage le sportif à se livrer.

”Shut up and dribble”

En 2018, deux joueurs majeurs de la NBA, Lebron James et Kevin Durant, essuient les critiques d’une journaliste de Fox News, Laura Ingraham, qui lâche à l’antenne : ”taisez-vous et dribblez !” après des propos anti-Trump des deux stars. Les joueurs répliqueront ensuite sur leur réseaux sociaux.

Tariq Abdul-Wahad, qui aimerait voir plus d’athlètes en activité prendre la parole, rappelle la responsabilité des États-Unis dans cette affaire. ”Qui met les obus dans les tanks (israéliens) ? Ce sont les States (…) Moi avec mes taxes, je le paye, ça”. TAW se souvient que l’élection de Joe Biden en 2020 a pu être possible grâce à une partie de l’électorat musulman : ”Trump a perdu le Michigan de 146 000 voix (…) on espère que les gens vont mettre Biden face à ses responsabilités”.

L’ancien étudiant de San Jose State estime que l’engagement politique des athlètes peut et doit influencer la société, à l’instar des aînés qui combattaient les injustices de leur époque : ”durant les sixties, pendant la lutte pour les droits civiques, Bill Russell (joueur des Boston Celtics) prenait position alors qu’il jouait encore”.

C’est dans cette optique qu’un collectif d’athlètes nommé ”Athletes for Ceasefire”, fait le tour des ligues sportives américaines pour recueillir des signatures de sportifs appelant à un cessez-le-feu immédiat dans la bande de Gaza. Une tâche pour le moins ardue tant leur intérêt pour la chose politique n’est pas vu d’un bon œil.

”Il faut être prêt à aller au carton”

Lorsqu’on interroge l'ancien international sur la nécessité de réagir à l’actualité, sa réponse est ”sans équivoque”. TAW rappelle que l’athlète est d'abord ”un être humain” et que son témoignage relève du ”devoir de citoyen”.

Un devoir périlleux comme en témoigne la mésaventure vécue par Emilie Gomis. La désormais ex-ambassadrice des JO Paris 2024 a payé au prix fort un tweet dénonçant la colonisation israélienne. Accusée d’antisémitisme, l’ancienne basketteuse a supprimé sa publication et adressé des excuses. Un rétropédalage sans conséquence pour le CRIF qui a alerté le ministère des Sports pour demander des sanctions. Le 10 janvier, Emilie Gomis est contrainte d’abandonner son poste d’ambassadrice des Jeux de Paris et sera entendue, par la suite, pour ”apologie du terrorisme”.

Les athlètes français qui partagent leur peine et communiquent un soutien aux Palestiniens s’exposent à des répercussions outrepassant la banale critique. Parmi les exemples les plus notables, celui de Karim Benzema qui a été accusé par le ministre français de l’Intérieur d’être ”en lien avec les Frères musulmans” après un tweet en faveur des civils gazaouis. Des accusations qui ont poussé le Ballon d’Or 2022 à déposer plainte.

Dans cette ambiance gangrenée par la récupération politique, TAW déplore le traitement réservé aux musulmans français. ”Quand je regarde les news en France, je suis dans le comique. De la comédie dramatique mais de la comédie (…) La diabolisation de l’islam en France devient risible”, dépeint-il, ajoutant que ”ce qu’il se passe en Palestine sert de prétexte pour museler un peu plus les musulmans et leur influence”.

Face à l’urgence vertigineuse de Gaza, au-delà de toutes considérations religieuses ou ethniques, Abdul-Wahad appelle les athlètes à se faire entendre quitte à ”aller au carton” s’il le faut. ”Quand on parle de crime contre l’humanité, athlètes ou non, il faut monter au créneau”, conclut l’ancien tricolore.

TRT Francais