MOYEN-ORIENT
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Gaza: témoignages glaçants de civils et médecins torturés en détention par Israël
Côtes cassées, tortures, meurtres… Derrière les murs des prisons israéliennes, des milliers de Palestiniens vivent l’enfer. Médecins, personnes âgées, femmes et simples civils sont détenus sans procès sous la loi sur les “combattants illégaux".
Gaza: témoignages glaçants de civils et médecins torturés en détention par Israël
Les médecins arrêtés sont souvent classés comme “combattants illégaux”, une qualification qui permet leur internement prolongé sans procès. / Reuters
4 septembre 2025

Depuis le début de l'offensive israélienne à Gaza, de nombreux témoignages recueillis par des ONG et des médias internationaux décrivent des arrestations massives de civils palestiniens par l’armée israélienne.

Selon une nouvelle enquête de +972 Magazine, plusieurs de ces détenus, parmi lesquels figurent des médecins, des femmes et des personnes âgées, ont été victimes de mauvais traitements, de tortures parfois jusqu’à en mourir, dans les centres de détention israéliens.

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Tortures et meurtres en détention

Parmi les cas documentés par Physicians for Human Rights Israel (PHRI) figure celui d’un médecin battu au point d’avoir les côtes brisées. Un chirurgien de l’hôpital Al-Shifa a rapporté que des détenus avaient été électrocutés, certains en mourant. 

Un autre médecin a témoigné qu’on l’avait menacé de lui couper les doigts parce qu’il était dentiste.

Les médecins arrêtés sont souvent classés comme “combattants illégaux”, une qualification qui permet leur internement prolongé sans procès.

Le docteur Adnan Al-Bursh, chef du service d’orthopédie à l’hôpital Al-Shifa, est mort en détention en 2024, sa famille affirmant qu’il avait été torturé. Le docteur Iyad Al-Rantisi, directeur d’un hôpital pour femmes à Gaza, est également décédé lors d’un interrogatoire.

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Un médecin militaire israélien ayant servi au centre de détention d’Anatot a indiqué que de nombreux confrères palestiniens y étaient incarcérés. Il se souvient d’un pédiatre, enchaîné et les yeux bandés, qui l’avait supplié en anglais : “Nous sommes vos collègues, pouvez-vous nous aider ?”.

Ces arrestations se sont inscrites dans un contexte de surpopulation carcérale. En juin 2024, le chef du Shin Bet de l’époque, Ronen Bar, avait averti le Premier ministre Benjamin Netanyahu que le nombre de détenus dépassait 21 000, alors que les prisons ne pouvaient en accueillir que 14 500. 

Il soulignait que les conditions de détention “frôlaient l’abus” et exposaient Israël à des poursuites judiciaires à l’étranger.

Cette politique s’accompagne de déclarations publiques scandaleuses du ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, qui a affirmé vouloir “aggraver les conditions” de vie des prisonniers palestiniens, avec une alimentation réduite au strict minimum. 

Des soldats israéliens ont par ailleurs expliqué que certains détenus étaient maintenus en prison pour servir de levier lors des négociations sur les otages.

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Une octogénaire arrêtée

L’un des cas les plus marquants est celui de Fahamiya Al-Khalidi, 82 ans, souffrant d’Alzheimer. Arrêtée dans une école de Gaza en décembre 2023, elle a d’abord été transférée à Anatot, puis à la prison de Damon, où elle a été incarcérée six semaines. 

Un médecin militaire raconte avoir dû la soigner après une chute contre des barbelés dès sa première nuit de détention.

Al-Khalidi, incapable de marcher seule, a été classée comme “combattante illégale”. Des photos prises à Anatot et publiées par des médias israéliens et internationaux confirment sa présence.

Témoignages glaçants 

À Damon, Abeer Ghaban, 40 ans, déjà détenue au moment de l’arrivée d’Al-Khalidi, témoigne : “Nous la nourrissions à la main, nous changions ses vêtements. Elle se déplaçait en fauteuil roulant”. 

Elle raconte qu’un jour, des gardiens se sont moqués d’elle jusqu’à ce qu’elle tente de s’enfuir et se blesse en heurtant une clôture.

Ghaban elle-même avait été arrêtée par erreur, son mari agriculteur ayant été confondu avec un homonyme membre du Hamas. Malgré la reconnaissance de cette erreur, elle est détenue six semaines, laissant ses trois jeunes enfants livrés à eux-mêmes. 

À sa libération, elle les a retrouvé en détresse, contraints de mendier pour survivre.

Libérées ensemble en janvier 2024, Ghaban aide Al-Khalidi à contacter ses enfants vivant à l’étranger. Un journaliste documente ensuite la présence de l’octogénaire à Rafah, confuse et toujours vêtue de son pantalon de prison.

Pour Michael Sfard, avocat israélien spécialiste du droit international, les pratiques israéliennes violent clairement la Quatrième Convention de Genève, qui autorise l’internement de civils seulement en cas de menace grave à la sécurité et garantit un certain nombre de droits. 

“La violence, la privation de nourriture, l’absence de visites de la Croix-Rouge et l’isolement des familles sont contraires au droit international”, affirme-t-il.

Hassan Jabareen, directeur du centre juridique Adalah, estime que la loi israélienne sur les combattants illégaux “facilite les disparitions forcées et légalise de facto l’enlèvement de civils palestiniens”. 

Selon lui, elle permet de contourner les protections prévues par le droit international en assimilant systématiquement des civils à des terroristes.

SOURCE:TRT Français