Les autorités ne parviennent plus à fournir les services sociaux de base à Mayotte / Photo: AFP (AFP)

Santé, éducation, chômage, sécurité, pression démographique, immigration clandestine, etc. Les maux qui minent Mayotte et entretiennent la colère de la population sont profonds. Leur résorption va au-delà d’une approche sécuritaire proposée par le ministre français de l’Intérieur.

L’annonce du ministre français de l’Intérieur Gérald Damanin de son projet de mettre fin au “droit du sol” et aux visas territorialisés à Mayotte a remis au-devant de la scène ce département français de l’Océan Indien.

Géographiquement, Mayotte appartient aux Comores. Juridiquement, c’est un département français. Ce statut provoque régulièrement un afflux de migrants en quête non seulement de mieux-être, mais aussi d’un tremplin pour immigrer en France, grâce aux facilités d’obtention de la nationalité française sur place ou par le biais d’un visa de voyage.

La pression démographique

Selon une estimation de l'Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) parue en janvier 2023, cet espace de 375 kilomètres carrés compte 310.000 habitants. Ces chiffres sont "sous-estimés", d’après certaines sources qui soulignent que 48% d’habitants seraient des immigrés comoriens ou d'autres pays d'Afrique.

Les projections de l’Insee prédisent une population d’environ 800.000 habitants à l’horizon 2050, sur la base d’une croissance annuelle de 2%, alimentée par une forte croissance démographique provenant des flux migratoires, et surtout des naissances des parents d'origine étrangère.

Chaque année depuis 2016, 75% des mères qui donnent naissance à des enfants sont de nationalité étrangère (68% de naissances de mères comoriennes, 6% de mères malgaches et 1% du reste du monde, majoritairement d’Afrique de l’Est), d’après le bilan démographique 2022 de l'Insee consacré à l'île.

La moitié des pères ayant un enfant sont de nationalité étrangère, essentiellement comorienne.

La pression démographique est telle que les autorités ne parviennent pas à fournir les services sociaux de base.

Actuellement, le territoire est privé d’eau courante plus de deux jours sur trois, de quoi favoriser des risques d’épidémies de gastro-entérite, de choléra, d’hépatite A, de fièvre typhoïde et de poliomyélite.

Comme l’ensemble des services publics, les écoles sont saturées. Elles accueillent en moyenne trois fois plus d’élèves que leur capacité et fonctionnent en rotation entre le matin et l’après-midi.

Concernant l'habitat, quatre logements sur dix sont en tôle et considérés comme fragiles, d'après une récente étude de l'Insee.

Le taux de chômage, au sens du Bureau international du travail (BIT), s’établit à 34% et alimente une délinquance tentaculaire. Les autorités semblent dépassées et les populations désespérées. Un élu a même suggéré l’an dernier de tuer les délinquants, suscitant l’indignation d’une partie de l’opinion.

"Ces voyous, ces délinquants, ces terroristes, à un moment, il faut peut-être en tuer. Je pèse mes mots. [...] S'il n'y en a pas un qui est tué, il y en aura toujours d'autres qui vont oser tuer des policiers", a déclaré l'élu au micro de la chaîne de télévision locale, Mayotte La 1ere, alors qu'il faisait référence aux migrants illégaux qui sont visés par l'opération d'expulsion "Wuambushu", lancée en avril 2023 dans ce département français d'Outre-mer.

Surfant sur cette vague, Gérald Darmanin a promis la fin du “droit du sol” et la fin de la territorialisation des visas délivrés à Mayotte.

“Il ne sera plus possible de devenir français si on n’est pas soi-même enfant de parents français. Nous couperons ainsi littéralement l’attractivité qu’il peut y avoir dans l’archipel mahorais, il ne sera donc plus possible de venir à Mayotte, de mettre un enfant au monde ici et d’espérer devenir français de cette façon”, a indiqué Gérald Darmanin.

Une annonce qui sonne comme un coup de com’ d’après des critiques de la gauche, d’autant plus qu’un rapport de six ministères révélé par Mediapart déplore ”une faillite généralisée que les seules mesures sécuritaires ne sauraient régler” car” les dépenses de l’État sont proportionnellement plus faibles à Mayotte que dans les autres départements et régions d’outre-mer (DROM)”.

Entre autodétermination et annexion

Mayotte, ce département français de 374 km² constitué d’un ensemble de petites îles, est située dans l’océan Indien, entre le Mozambique et Madagascar.

Le 31 mars 2011, dans la foulée du référendum du 29 mars 2009, Mayotte devient un territoire français. Deux autres référendums, organisés en 1974 et 1976, confirmaient en amont, l’adhésion des Mahorais à la France.

Toutefois, les Comores appuyés par l’Union africaine et les Nations unies, revendiquent cet archipel. Mais le droit des peuples à l’autodétermination, joue en faveur des Mahorais qui ont majoritairement choisi de se rattacher à la France.

Cette propension à se rapprocher de la France remonte au milieu du 19e siècle. En quête de protection face à la menace des royaumes voisins, Andriantsoly, le dernier sultan, vend son île au royaume de France. Nous sommes le 25 avril 1841. Plus tard, en 1848, Mayotte deviendra français.

TRT Francais