Une unité de production de la Sonatrach, l’entreprise qui gère les hydrocarbures en Algérie.  / Photo: Reuters (Reuters)

par Ali Boukhlef à Alger

“Le gaz naturel algérien est un produit essentiel pour garantir la sécurité énergétique” de l’Allemagne. C’est ainsi que s’est exprimé Ulf Heitmüller, PDG de la société allemande VNG, après la signature, le 8 février dernier, d’un accord avec la compagnie algérienne Sonatrach, portant sur la livraison par l’Algérie de gaz naturel à son pays qui devient ainsi un nouveau client majeur de ce pays nord-africain après l’Italie, la France et l’Espagne.

Les quantités de gaz que devra fournir l’Algérie à l’Allemagne ne sont pas encore annoncées, puisque le contrat porte sur des livraisons à moyen terme. Mais cela permet à Alger de se positionner sur le marché européen dont elle est déjà l’un des principaux fournisseurs. L’Italie, l’Espagne et la France sont ses principaux clients en Europe occidentale, mais elle veut aller au-delà. Avec des investissements de plus de 40 milliards de dollars jusqu’en 2027, la compagnie publique Sonatrach entend ainsi étendre son carnet de commandes vers d’autres pays d’Europe centrale. Mais cela ne peut se faire “ dans l’immédiat “, tempère Brahim Guendouzi, professeur d’économie à l’Université Mouloud-Mammeri de Tizi-Ouzou (Centre du pays). Ce dernier fait référence aux capacités limitées de l’Algérie qui produit actuellement “ environ 110 milliards de M3 par an, dont la moitié est consommée localement, l’autre moitié étant vendue aux pays de l’Europe en plus de la Turquie et d’autres clients “.

Nouvelle donne géoéconomique

Le pays compte ainsi sur les investissements en cours pour que ces volumes atteignent 140 à 150 milliards de M3 par an d’ici 2027. A cette production, s’ajouteront des quantités économisées sur la consommation locale qui va être remplacée par les énergies renouvelables.

L’exportation de gaz algérien à l’Allemagne dépasse le cadre strictement bilatéral. La guerre russo-ukrainienne a en fait fait naître une nouvelle donne géoéconomique. Des pays qui s’approvisionnaient chez les Russes regardent désormais ailleurs et l’Italie, simple importateur d’énergies, veut désormais " devenir le hub gazier " de l’Europe aux côtés du Royaume Uni et des Pays-Bas. Pour cela, il faut relancer le gazoduc Galsi qui doit relier l’Algérie aux côtes italiennes, après un arrêt de plusieurs années pour défaut de financement. “L’Union européenne a déjà donné un accord pour financer “ en partie ce projet, indiquent plusieurs sources. Le but de ce projet est d’approvisionner en plus de l’Allemagne, d’autres pays comme l’Autriche ou la Slovaquie qui achètent déjà du gaz algérien en petites quantités.

Au-delà du gaz, l’Algérie, qui “est en phase de transition énergétique et a besoin de cet appui technologique “, selon son ministre de l’Energie, Mohamed Arkab, veut étendre sa coopération avec l’Allemagne au domaine des énergies renouvelables, plus particulièrement de l’hydrogène vert, surtout que ce pays d’Europe a “une longue expérience dans ce domaine “, comme l’indique Ahmed Tartar, économiste spécialisé dans les questions énergétiques. Or, l’Allemagne prévoit de consommer jusqu’à 4 millions de tonnes d’hydrogène décarboné par an à l’horizon 2030, notamment pour décarboner son industrie. À cet effet, les deux ministres, celui de l’Énergie de l’Algérie et le ministre allemand de l’Économie et du Climat Robert Habeck, ont annoncé la réalisation d'un projet expérimental entre l'Algérie et l'Allemagne pour la production de l'hydrogène vert à Arzew (Oran, Ouest). Le ministre algérien a indiqué qu'un plan d'action a été mis en place pour le « développement de l'hydrogène entre l'Algérie et le Gouvernement allemand, à travers des équipes techniques de coordination entre Sonatrach et les sociétés allemandes, afin de déterminer les voies et moyens de son développement en Algérie, et qui se fera à travers la réalisation d'un projet expérimental de production d'hydrogène vert sur le site de Sonatrach à Arzew dans la wilaya d'Oran, d'une capacité de 50 mégawatts avec une contribution du gouvernement allemand de 20 millions d'euros ».

En plus de cela, les deux pays ont engagé “ une réflexion (…) pour réaliser une deuxième canalisation directe de l'Algérie vers l'Europe pour le transport de l'hydrogène vert “. Cela consiste à produire “cette matière en Algérie et la commercialiser en Allemagne et en Europe, à travers le projet du Corridor Sud H2 qui consiste à réaliser un gazoduc de transport de l'hydrogène via la Mer Méditerranée, qui est actuellement à l'étude entre l'Allemagne, l'Autriche, l'Italie, la Tunisie et l'Algérie “, a indiqué Mohamed Arkab.

Le transfert de technologie est sans doute l’autre grand chantier que recherche l’Algérie. Car, si des pays comme l’Allemagne cherchent à acheter du gaz algérien, “ c’est par opportunisme, par défaut “ suite au conflit avec la Russie ; avertit Aziz Touahri, économiste spécialiste des questions énergétiques. Selon lui, c’est pour profiter de cette situation que l’Algérie cherche à “ bénéficier de la technologie allemande “ dans le domaine des énergies renouvelables, notamment l’hydrogène vert.

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