Les commissaires européens ont validé mercredi en milieu de journée le texte de l'accord de libre-échange avec le Mercosur, première étape avant son examen par les États membres et aux eurodéputés dans les mois qui viennent.
Jusqu'ici, la France menait la fronde au sein des 27. Pour la convaincre et rassurer les agriculteurs européens, Bruxelles promet désormais de compléter l'accord par un "acte juridique", renforçant les clauses de sauvegarde pour "les produits européens sensibles".
L'exécutif européen s'engage à intervenir en cas d'impact négatif des importations sur certaines filières, comme le bœuf, la volaille, le sucre et l'éthanol.
Des mesures immédiatement saluées à Paris. La porte-parole du gouvernement, Sophie Primas, s'est réjouie que l'Union européenne "ait entendu les réserves" françaises, tout en précisant que le gouvernement devait encore "analyser cette clause de sauvegarde".
Pression pour conclure d’ici fin 2025
Après ce geste, la Commission plaide pour que les 27 donnent "rapidement" leur aval à cet accord, si possible avant la fin de l'année 2025, tant que le Brésilien Lula assure la présidence tournante du Mercosur.
"Il n'y a aucune raison d'attendre", insiste un haut fonctionnaire européen.
Avec un mot d'ordre : la nécessité de diversifier les partenariats avec des "alliés fiables", alors que la concurrence est féroce avec la Chine et que les taxes douanières sur les produits européens augmentent dans les États-Unis de Donald Trump.
Cet accord doit notamment permettre à l'Union européenne d'exporter davantage de voitures, de machines, de vins et de spiritueux en Argentine, au Brésil, en Uruguay et au Paraguay.
En échange, il faciliterait l'entrée de viande, sucre, riz, miel ou soja sud-américains sur le marché européen, au risque de fragiliser certaines filières agricoles.
"Nous continuons à diversifier nos échanges, à renforcer de nouveaux partenariats et à créer de nouvelles opportunités commerciales", revendique la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen.
Mobilisation des agriculteurs
Mais depuis la conclusion des négociations en décembre dernier, les syndicats des agriculteurs européens restent vent debout.
Le Copa-Cogeca, principal lobby des agriculteurs européens, a dénoncé "un passage en force politique" de la Commission, jugé "profondément dommageable".
"Le combat se poursuit", a aussi prévenu le premier syndicat agricole français, la FNSEA, en appelant au chef de l'État Emmanuel Macron.
Une mobilisation d'agriculteurs est d’ailleurs annoncée jeudi à Bruxelles.
Un dossier explosif à Paris
L'exécutif européen remet le dossier du Mercosur sur la table au moment où la France est de nouveau plongée dans une tempête politique. Le gouvernement pourrait tomber lundi lors d'un vote de confiance très mal engagé pour le Premier ministre François Bayrou.
Dans l'opposition, le RN dénonce déjà une "trahison" d'Emmanuel Macron si Paris change de pied sur le Mercosur, tandis que LFI réclame une "mobilisation générale" contre le traité.
Au Parlement européen, le centriste Pascal Canfin promet de son côté une initiative transpartisane pour tenter de "suspendre l'adoption" de l'accord, "en l'absence de transparence et de garanties claires".
L'un des sujets sensibles concerne les normes sanitaires et environnementales. Les agriculteurs européens accusent leurs concurrents latino-américains de ne pas respecter les normes de l'UE, faute de contrôles suffisants.
Mais l'accord avec le Mercosur compte aussi de nombreux partisans en Europe, à commencer par l'Allemagne qui veut offrir de nouveaux débouchés à ses entreprises industrielles.
Selon Bruxelles, il permettrait aux exportateurs européens d'économiser plus de 4 milliards d'euros de droits de douane par an en Amérique latine.
À elle seule, la France ne pouvait faire capoter cet accord :il lui fallait réunir une "minorité de blocage", soit au moins quatre États représentant plus de 35% de la population de l'Union européenne.
L'ajout des clauses annoncé par la Commission mercredi ne nécessite pas de renégociation de l'accord avec les pays du Mercosur, mais les Européens devront tout de même expliquer à leurs partenaires latino-américains pourquoi ils ont procédé ainsi.