AFRIQUE
4 min de lecture
CAN Maroc 2025: le diktat de la FIFA
Sous la pression des employeurs des footballeurs africains en Europe, le temps de préparation des sélections nationales pour la CAN a été réduit à sa plus simple expression, dévoilant l’emprise de la FIFA sur la CAF. Le tollé est général.
CAN Maroc 2025: le diktat de la FIFA
Le Trophée de la CAN 2025 / Others
12 décembre 2025

Six jours, c’est le temps imparti aux professionnels africains évoluant dans les clubs européens pour se préparer à la CAN, la Coupe d’Afrique des Nations de football. La plus grande compétition sportive du continent commence dimanche 21 décembre au Maroc. En Afrique, cette décision alimente la colère et l'incompréhension. 

Initialement, les joueurs devaient être libérés par leurs clubs le 8 décembre, c’est-à-dire 14 jours avant le début de la compétition mais la FIFA a repoussé cette date au 15 décembre, soit seulement 6 jours avant le début du tournoi, réduisant de moitié le temps de préparation des sélections africaines.

Cette décision est justifiée par la FIFA comme une mesure de "réduction des répercussions" pour les clubs européens, en reprenant le modèle de la Coupe du Monde 2022.

En RelationTRT Français - CAN-2025: un duel de rêve entre la Côte d'Ivoire et le Cameroun

Tollé général

Le public et les amateurs de football africain ne décolèrent pas.

Le Français Claude Le Roy qui a remporté la CAN à deux reprises à la tête du Cameroun parle de "mépris" et d’un problème "géopolitique" qui ridiculise l’Afrique. Dans la même ligne, Habib Beye, ancien international sénégalais et entraîneur de Rennes en Ligue 1 Française, y voit un “manque de respect historique envers le football africain”, alors que Tom Saintfiet, l'entraîneur du Mali, juge la décision "catastrophique" et accuse Arsène Wenger de ne rien connaître aux sélections.

“(...) La CAN dérange la FIFA, elle ne représente rien et c’est par convenance politique qu’elle n’est pas tout simplement annulée”, renchérit à TRT Français, Camus Mimb, analyste et commentateur sportif camerounais.

“ La CAF (Confédération africaine de football) est sous le contrôle de la FIFA, tranche l’analyste sportif. Remarquez que dans un premier temps, il a été demandé à la CAF de changer les dates en adoptant les années impaires pour la tenue de la compétition.(...) Après cela, on est passé en juillet sous la pression de la FIFA, ensuite janvier. Le président Issa Hayatou (défunt président de la CAF, NDLR)  a résisté. Cela n’est pas le cas pour ses successeurs. Je ne serais pas surpris que la CAN se déroule tous les quatre ans et soit considérablement dévaluée.”

Cette instabilité du calendrier de la CAN traduit les tensions endémiques entre la CAF et les clubs européens employant les meilleurs footballeurs africains. Depuis les années 1990, la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) est régulièrement au cœur de tensions entre les clubs européens et les sélections africaines. 

Du Ghanéen Abedi Pelé, alors joueur de Marseille dans les années 90, à l'Égyptien Mohamed Salah de Liverpool aujourd'hui en passant par les Ivoiriens Didier Drogba à Chelsea ou Yaya Touré à Manchester City, le Camerounais Samuel Eto’o à Barcelone ou encore le Gabonais Pierre Eric Aubameyang, le Nigérian Nwankwo Kanu à Arsenal, etc., la mise à disposition des talents africains a toujours été problématique.

Les clubs rechignent à libérer leurs joueurs, invoquant le calendrier et leurs intérêts sportifs, tandis que les fédérations africaines dénoncent un manque de respect et d’équité. Les clubs européens ont un poids économique, médiatique et politique énorme, ce qui rend difficile une confrontation directe. Avec ce rapport de force favorable, ces clubs réussissent à imposer leurs intérêts sous le regard complaisant de la FIFA.

Conséquence directe de cet imbroglio, indique l’analyste sportif, une détérioration en perspective de la CAN menacée de devenir une compétition au rabais. 

“À partir du moment où les joueurs ne peuvent être disponibles pour la préparation, il y a une incidence sur la préparation technique, tactique. Cela n’a jamais été le cas avec l’Euro, la Coupe du monde.(...) La CAN est ainsi devenue une compétition au rabais (...)”.

Pleurnichards

Que faire pour préserver la CAN dans sa splendeur ? Un rendez-vous qui va au-delà du spectacle sportif pour unir la jeunesse du continent ? Pour le moment, la CAF s’interdit une confrontation directe avec les clubs et la FIFA et mise sur le dialogue. Martin Camus Mimb a la conviction que les Africains détiennent encore les clés de la crédibilité de la Coupe d’Afrique des Nations.

“Pourquoi les Africains vont sponsoriser le maillot d’Arsenal, Bayern Munich, FC Barcelone, PSG et refuser de sponsoriser le football dans leur pays afin qu’il soit économiquement viable ? ”, s’interroge le chroniqueur sportif.

“Au lieu de sponsoriser une manchette d’Arsenal qui coûte 10 millions de dollars, on peut faire comme l’Arabie Saoudite en structurant et finançant les clubs afin qu’ils deviennent viables. On pourrait recruter des joueurs de haut niveau, vendre le spectacle grâce aux droits de retransmission. Les chaînes sérieuses achètent les droits de retransmission en Arabie Saoudite. Qui aurait pensé à cela, il y a quelques années ?”.

Il dénonce ainsi l’attitude des Africains “pleurnichards, qui jouent aux victimes, refusant de s'asseoir pour réfléchir avec des experts pour rendre le football africain, économiquement viable”.

SOURCE:TRT français et agences