Maly Sangho: la Dame de Cœur de Bamako (Portrait) (Others)

Il est des femmes dont le courage, l’engagement et la ténacité abattent tous les obstacles.

Celle que les habitants de la capitale malienne Bamako surnomment « Bibi », en fait partie. La silhouette avenante, drapée dans un traditionnel boubou, le regard à la fois vif et bienveillant, les dents du bonheur qui masquent de nombreux malheurs, l’air malicieux, il est bien difficile, pour celui qui la rencontre, de deviner son âge.

Bibi, s’appelle en réalité Maly Sangho, un aptonyme, pour celle née en pleine indépendance du Mali (22 septembre 1960), et qui est devenue le symbole de l’aide aux enfants orphelins, dans un pays qui en compte plus de 690 mille, et est marqué par l’un des taux de mortalité infantile les plus élevés au monde, d’après les données du Fonds des Nations unies pour l’Enfance (Unicef).

Le Mali, constitué d’une population de plus de 14,1 millions d’habitants, (dont 1,6 million à Bamako) et avec l’une des plus jeunes au monde (âge moyen de seize ans), est également l’un des endroits de la planète où être un enfant est le plus difficile, selon l’indice End of Childhood fin 2021 (Global Childhood Report, 2021)

En effet, l’extrême pauvreté, l’insécurité alimentaire, la malnutrition, la violence sexiste et les mariages précoces font partie du quotidien des enfants, d’après le même rapport.

C’est dans ce contexte épineux que Maly Sangho, a décidé d’agir en fondant l’Orphelinat Niaber (en hommage à sa mère) à Bamako dès 1993, puis l’Association pour la Sauvegarde de l’Enfance (ASE) au Mali la même année, faisant de la protection des jeunes orphelins, sa mission de vie.

Femme d’action et de cœur, Bibi, mène son combat avec une conviction inébranlable : « S’il y en a assez pour un, il y en a assez pour tous ».

C’est ainsi que, cette force tranquille, elle-même orpheline de père, à l’âge de 5 ans, a décidé de livrer bataille, pour des centaines d’orphelins, en leur donnant accès à la santé, l’éducation, et le bien-être.

Son courage et son souffle, elle le tient de sa mère Niaber, qui, durant son veuvage a, pour reprendre les mots de Bibi, « serré la ceinture, mis le pantalon à la place du pagne, et s’est dressée en homme pour prendre en charge tous ses enfants, ainsi que ceux du village » de Dire, dans le Nord du Mali, en proie à une crise politico-sécuritaire depuis des années.

La mère courage, a non seulement construit une case (maison traditionnelle, le plus souvent couverte de chaume, parfois de tôles), symbole de protection, d’amour et de partage, où les pupilles venaient se réfugier, mais aussi donner à Maly - et ses autres frères et sœurs - la possibilité d’un avenir meilleur en la poussant à étudier et à rejoindre la capitale Bamako, pour y décrocher son baccalauréat.

Toutefois, les traditions ont parfois la peau dure, et aussi révoltée que l’on soit, il y a des coutumes auxquelles on ne peut pas toujours échapper. C’est ainsi que Bibi a dû prendre époux, sans dire mot. Un mariage qui a toutefois abouti à sept enfants, aujourd’hui âgés de 20 à 40 ans, tous au premier rang du combat de leur mère.

Un mariage qui a aussi permis à Bibi d’imiter Niaber : en s’occupant de ses propres enfants et de ceux du quartier, notamment les orphelins. La table modeste, mais la porte toujours ouverte, Maly, a ainsi vu défiler des dizaines de jeunes enfants. Un chiffre qui n’a cessé de grandir, tous se bousculant à la tablée, affamés, mais aussi en soif d’amour.

Aujourd’hui, ce n’est pas moins de Deux Cent Quatre enfants qui vivent dans l’orphelinat, et bénéficient d’une prise en charge totale. Des enfants, retrouvés dans les rues maliennes, parfois abandonnés au bord de la montagne, aux entrées des églises et des mosquées, d’autres fois, simplement jetés dans des sacs en plastique.

Des enfants qui ont trouvé refuge, attention, et éducation et qui attisent la sympathie, notamment celle des élèves de l’école turque Maarif, devenus des visiteurs réguliers de l’orphelinat.

Un orphelinat également soutenu par le gouvernement malien qui a octroyé, gracieusement, un terrain à Maly Sangho, afin d’y construire les bâtiments nécessaires pour y accueillir les jeunes enfants.

D’ailleurs, aujourd’hui, Maly souhaite agrandir l’orphelinat, mais surtout le doter d’une école.

Une action nécessaire, dans un pays où, plus de deux millions d'enfants âgés de 5 à 17 ans sont en dehors du système scolaire, d’après l’UNICEF et où plus de 900 écoles ont été fermées, en raison d’une flambée d’attaques et de menaces de violence contre les établissement, les élèves et les enseignants, selon un rapport publié le 7 septembre par l’ONU.

Pour cela, Maly compte notamment sur les donations et lance depuis plusieurs mois, des appels à l’aide.

Un appel qui a, entre autres, été entendu par COJEP humanitaire qui espère collecter les fonds utiles pour que Maly Sangho puisse accueillir les enfants, dans les meilleures conditions.

Comptant sur la mobilisation des internautes, une cagnotte a ainsi été ouverte sur la plateforme Cotizup pour récolter les fonds nécessaires pour mener à bien ce projet de construction qui pourrait bien changer la destinée de centaines d’enfants, également en première ligne de la crise climatique, la région du Sahel qui se réchauffe à une vitesse 1,5 fois supérieure à la moyenne globale et qui provoque des cycles dévastateurs de sécheresse et d’inondations (Save the Children, 2021).

AA