Le Canada fait partie de la majorité écrasante des pays qui ont appelé à un cessez-le-feu à Gaza le 12 décembre dernier à l’Assemblée générale des Nations-unies. Plus encore, la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a annoncé le mois dernier l’arrêt des exportations d’armes canadiennes vers Israël, provoquant la colère des responsables israéliens. Dans une déclaration à la presse, le cabinet de Mélanie Joly a affirmé qu’ “ il n’y a pas de licences ouvertes pour les exportations de produits létaux vers Israël”, précisant que “depuis le 8 janvier, le gouvernement n’a pas approuvé de nouvelles licences d’exportation d’armes vers Israël et cela continuera jusqu’à ce que nous puissions garantir le respect total de notre régime d’exportation”.
Par ailleurs, le 18 mars, le Nouveau Parti Démocrate (NPD) a fait adopter une motion non-contraignante réclamant également un cessez-le-feu et des sanctions envers les “colons extrémistes”. Cependant, le texte proposant que le Parlement reconnaisse l’État de la Palestine, a été amendé par le parti libéral de Justin Trudeau. Désormais, on y trouve une phrase plus générique obligeant le gouvernement à “travailler avec ses partenaires internationaux” pour la paix au Moyen-Orient et une solution à deux États.
Gaza embarrasse le Canada
Faut-il y voir des signes d’un changement dans la politique du Canada vis-à-vis d’Israël ? Rachad Antonius, professeur associé au département de sociologie à l’Université du Québec à Montréal, balaie d’un revers de main. “Le Canada affiche une position qui penche nettement en faveur d'Israël”, affirme-t-il à TRT Français estimant que les autorités canadiennes semblent réticentes à réagir promptement lors d'incidents embarrassants tels que le massacre à Gaza. “Il a fallu cinq mois pour qu'une prise de conscience soit exprimée et qu'un appel au cessez-le-feu soit lancé, mais de façon très timide. Le communiqué officiel appelant à la fin des hostilités cible, en outre, essentiellement le Hamas sans adresser de critiques à Israël”.
Plus encore, l’expert estime que la position du Canada est étroitement liée à celle d’Israël : ‘L'appel à la cessation des hostilités est assorti de conditions spécifiques, principalement axées sur la libération d'otages, en se faisant l’écho aux demandes de Netanyahou. Cependant, les revendications du Hamas, notamment la levée du blocus et la fin de l'occupation, sont largement négligées dans son discours. Cette position met en lumière une préférence marquée en faveur d'Israël, en ignorant les causes sous-jacentes du conflit », explique-t-il.
Quant à la question des ventes d'armes, notre interlocuteur n’y voit que le résultat de l’embarras du Canada, notamment face aux allégations de génocide, et soutient que cette mesure reste contrebalancée par une coopération scientifique continue.
Canada-Israël, un soutien mutuel
Plus globalement, Rachad Antonius rappelle que si les principes de la politique étrangère du Canada sont fondés sur le respect du droit international, cela est contradictoire avec son soutien indéfectible à l’État d’Israël. À titre d’exemple, sur la question des territoires occupés, le gouvernement canadien affirme officiellement leur statut illégal. “Or, l'omission de condamnations directes concernant l'accroissement des colonies israéliennes est remarquable” souligne-t-il. “Un autre point de divergence réside dans l'interprétation de la situation humanitaire en Palestine. Alors que Mélanie Joly insiste sur la nécessité de garantir le passage de l'aide humanitaire, cette approche reste essentiellement axée sur des considérations d'urgence, négligeant les dimensions politiques et historiques du conflit.”
Et de conclure en estimant que les ajustements apportés à la position officielle ne représentent qu'une infime nuance dans le discours, plutôt qu'un véritable changement de politique: “Cette réaction atténuée face à l'ampleur des événements tragiques ne révèle qu'un embarras ponctuel.”