TURQUIE
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Hakan Fidan : "Reconnaître Gaza et dénoncer les crimes d’Israël, c’est créer un monde plus juste"
Le ministre turc des Affaires étrangères, a exhorté vendredi, la communauté internationale à reconnaître les réalités de Gaza et à tenir Israël responsable de crimes contre l’humanité, y voyant “la première étape vers un monde plus juste".
Hakan Fidan : "Reconnaître Gaza et dénoncer les crimes d’Israël, c’est créer un monde plus juste"
Fidan a souligné que la Turquie et l’Italie ne sont pas seulement des voisins méditerranéens mais aussi des alliés de l’OTAN et des partenaires du G20 / AA
13 septembre 2025

Fidan s’exprimait lors d’une conférence organisée par l’Institut des affaires internationales (IAI), l’un des principaux think tanks italiens basé à Rome, où il a analysé les évolutions mondiales et répondu aux questions.

Il a souligné que la Turquie et l’Italie ne sont pas seulement des voisins méditerranéens, mais aussi des alliés de l’OTAN et des partenaires du G20, insistant sur leur contribution commune à la stabilité en Méditerranée et en Afrique.

“Le partenariat entre la Turquie et l’Italie s’étend comme les ailes d’un aigle sur la Méditerranée et l’Afrique du Nord… Ce n’est pas une alliance de circonstance. C’est une entité stratégique née d’une histoire, d’une géographie et d’un avenir communs”, a-t-il affirmé.

À une époque de bouleversements mondiaux, la coopération Turquie–Italie est “plus vitale que jamais”, a-t-il ajouté, rappelant que les deux pays disposent de la capacité d’influencer les évolutions régionales et internationales.

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Fidan a mis en avant l’Italie comme l’un des principaux partenaires économiques d’Ankara, avec un fort potentiel de coopération accrue dans les domaines de la défense, de l’industrie, de l’énergie, de la science et de la connectivité. Il a aussi évoqué le rôle de la Turquie au sein de l’OTAN et les exercices conjoints avec l’Italie, notamment en matière de lutte antiterroriste et de partage du renseignement.

Sous l’impulsion du président turc Recep Tayyip Erdogan et de la Première ministre italienne Giorgia Meloni, il a estimé que la coopération en Afrique pouvait être renforcée. Il a salué le soutien de l’Italie à la candidature de la Turquie à l’Union européenne, rappelant les défis de la politique étrangère de l’UE et le rôle de Rome dans la relance des relations UE–Turquie.

Il a affirmé que la présence de la Turquie à la table européenne est “cruciale pour la stabilité du continent” et a appelé à un leadership conjoint et proactif avec l’Italie en Méditerranée et en Afrique du Nord, sur des enjeux tels que les migrations, l’investissement en Afrique et la réforme du système international avec la participation des gouvernements et de la société civile.

Les premières étapes vers un monde plus juste

Fidan a annoncé que Gaza serait à l’ordre du jour lors de la semaine de haut niveau de l’Assemblée générale de l’ONU, plus tard ce mois-ci.

“Gaza est le véritable test pour la communauté internationale afin de distinguer le bien du mal. Reconnaître la réalité à Gaza et dénoncer les crimes contre l’humanité d’Israël constituent la première étape vers un monde plus juste. Inutile de mâcher nos mots. Israël commet un génocide à Gaza. Nous rassemblons tous les pays de conscience du côté de l’humanité. À cet égard, le soutien clair de l’Italie sera plus crucial que jamais”, a-t-il déclaré.

En réponse à une question, Fidan a affirmé qu’Israël ne recherche pas une solution mais des territoires. 

“Si la sécurité était vraiment sa préoccupation, une solution à deux États existerait déjà”, a-t-il insisté, dénonçant “une illusion créée par Israël” et ajoutant qu’”en réalité, leur objectif a toujours été l’expansion territoriale”.

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Évoquant les dynamiques de sécurité dans le Golfe, il a noté que même les États-Unis ne peuvent garantir totalement la sécurité vis-à-vis d’Israël, car ce dernier agit en dehors des objectifs américains, ce qui nourrit les craintes des pays du Golfe.

Après les attaques israéliennes contre le Qatar cette semaine, Fidan a souligné qu’”il n’est pas surprenant de voir émerger dans le Golfe un débat sur la redéfinition de la sécurité régionale, la révision des objectifs et le lien entre sécurité régionale et priorités géostratégiques plus larges”.

Concernant la Syrie, il a déclaré : “Nous devons tout faire pour aider le gouvernement syrien à se reconstruire afin de fournir des services de base à son peuple, y compris la sécurité”.

“Israël souhaite des voisins divisés, fragmentés et faibles”, a-t-il poursuivi, estimant que la politique israélienne devait changer. Pour lui, la stabilité régionale et la prospérité partagée sont essentielles à la sécurité de long terme, et exploiter l’instabilité d’autrui peut sembler bénéfique à court terme, mais entraîne de graves risques stratégiques.

Il a ajouté que la stabilisation de la Syrie est “indispensable à la paix et à la sécurité de l’Europe”.

Enfin, il a insisté sur la nécessité pour la communauté internationale et les États de la région de “rester fidèles à leurs engagements initiaux, à savoir la stabilité, l’unité et la prospérité de la Syrie”, avertissant qu’à défaut, “des millions de réfugiés resteront et la Syrie demeurera une source d’instabilité”.

Le YPG fait traîner les choses

Hakan Fidan a déclaré que la Turquie accueillerait favorablement un accord entre le YPG et le gouvernement de Damas. Il a noté qu’Ankara n’était pas totalement satisfaite des termes de l’accord du 10 mars, mais qu’en substance, si les deux parties le respectaient, cela constituerait une avancée positive.

L’accord prévoit l’intégration du YPG, opérant sous le nom de FDS, dans les institutions de l’État, réaffirmant l’unité territoriale du pays et rejetant toute tentative de division.

Fidan a observé que le YPG “retarde et fait traîner les choses”, ralentit la mise en œuvre de son accord avec Damas. Il a suggéré que le groupe terroriste pourrait espérer exploiter la crise créée par Israël en Syrie, croyant qu’une nouvelle vague d’instabilités pourrait servir ses intérêts futurs.

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Le ministre turc a rappelé la fermeté de la Turquie à l’égard du YPG, citant les menaces du PKK venues d’Irak et d’Iran.

Il a précisé qu’Ankara attend de Damas et du YPG qu’ils soutiennent la stabilité de la Syrie et répondent aux préoccupations sécuritaires, en utilisant “tous les moyens pacifiques disponibles”, mais en donnant la priorité à la sécurité nationale si la situation se détériorait.

Diplomatie en Ukraine

Fidan a également affirmé : “Nous continuons de souligner que la seule voie viable pour mettre fin au conflit entre l’Ukraine et la Russie est la diplomatie”, rappelant les discussions d’Istanbul comme preuve de cette approche.

Selon lui, la principale question se situe actuellement autour de Donetsk, où les deux parties campent sur leurs positions. Il a exprimé l’espoir que les États-Unis et d’autres partenaires puissent proposer des solutions acceptables, évoquant la possibilité d’un cessez-le-feu, même de longue durée, mais insistant sur la nécessité d’un engagement américain plus conséquent.

Il a indiqué que des discussions avec les deux camps se poursuivaient et s’est dit optimiste quant à leur succès. Fidan a noté que le président américain Donald Trump avait réorienté la politique des États-Unis vers une position de neutralité dans la guerre en Ukraine, laissant aux Européens un vide de leadership. Le conflit reste pour l’instant confiné à l’Ukraine, mais l’Europe craint une extension régionale.

Il a souligné que, malgré les préparatifs des Européens face à divers scénarios, leur sécurité dépend largement de la capacité et du leadership américains. En leur absence, a-t-il averti, “l’incertitude grandit”. Fidan a insisté sur le fait que sous la direction du président Erdogan, la Turquie est prête à s’impliquer de manière constructive dans les discussions, et a rappelé que “la paix par la diplomatie est possible si les deux parties font davantage d’efforts”.

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Vers une normalisation avec l’Arménie

Fidan a par ailleurs salué le Premier ministre arménien Nikol Pachinian pour avoir pris des “risques historiques pour la paix” et pour ses relations avec l’Azerbaïdjan après la libération des territoires occupés au Karabakh.

Il a remercié le président azerbaïdjanais Ilham Aliyev et noté que Donald Trump avait contribué à sceller un accord historique à Washington.

Fidan a indiqué que les signatures finales étaient attendues pour le premier semestre de l’année prochaine et que la Turquie normaliserait rapidement ses relations avec l’Arménie une fois les accords signés.

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SOURCE:TRT français et agences