Une manifestation sévèrement réprimée au Tchad: grogne ou insurrection populaire? (Others)

Pour les manifestants, il s’agit d’une grogne populaire, tandis que du côté du gouvernement, on la présente comme une insurrection populaire visant à s’emparer du pouvoir par la violence. Les interprétations vont dans tous les sens. Que s’est-t-il passé exactement et pourquoi ?

L’on peut affirmer sans risque de se tromper qu’il s’agit d’une manifestation orchestrée par quelques partis politiques, concomitamment avec un groupe d’associations de la société civile.

C’est à la suite de l’appel lancé simultanément par les partis politiques "les Transformateurs" de Succès MASRA et "le Parti socialiste sans frontières" de Yaya Djerou Betchi, ainsi que la plateforme Wakit Tamma (l’heure a sonné en langue arabe) qui est un ensemble de groupes de la société civile dirigé par l’avocat Max Loangar… - toutes des structures qui n’ont pas pris part au Dialogue National Inclusif dernier, que le mouvement du 20 octobre a été lancé.

Pourquoi cette date du 20 octobre ?

Cette date marque en fait la fin de la transition, notamment sa première phase qui a commencé le 20 avril 2021 à la suite de l’assassinat du Maréchal du Tchad, tombé sur le champ de bataille à la suite d’une insurrection rebelle menée par le FACT (Front d’Alternance pour le Changement au Tchad) à partir de la Libye voisine et dirigée par Mohamed El-Mahdi.

Le 20 avril 2021, le général de corps d’armée de l’époque, Mahamat Idriss Déby Itno est investi Président du Conseil militaire de Transition et par ricochet Président de la République. La Transition aura une durée de 18 mois, et entre-temps, une élection sera organisée et le pouvoir remis au candidat qui l’aurait remporté.

Malheureusement ou heureusement pour certains, le Dialogue National Inclusif et souverain qui s’est déroulé du 20 août au 8 octobre dernier a investi Mahamat Idriss Déby pour une durée de 2 années. Cette volonté émanant de cette assise du Dialogue qui a d’ores et déjà le caractère souverain prend effet immédiatement.

Mais comme les initiateurs de cette manifestation, n’ont pas pris part au dialogue qu’ils appellent d’ailleurs "monologue", c’est leur façon de montrer au monde leur mécontentement à travers une action d’envergure. Autrement dit, faire entendre leur voix afin d’espérer avoir une part du gâteau. Que leur reste-t-il après la formation du gouvernement où ils n’ont pu briller que par leur absence ?

Mais à quel prix ?

Malgré l’interdiction décidée par le Ministre de la sécurité Publique, les organisateurs de la manifestation ont voulu aller jusqu’au bout. Les conséquences sont on ne peut plus désastreuses. Une trentaine de morts dont 10 agents des forces de l’ordre et 20 manifestants parmi lesquels un journaliste de la place. Et ce n’est qu’un bilan provisoire;. D’autres sources font état de plus de 50 morts et des centaines de blessés. Quelques bâtiments de la place ont été incendiés, parmi lesquels le siège du Parti de l’actuel premier ministre de transition, l’ex-opposant Saleh Kebzabo, et celui du parti de Pahimi Padacké Albert.

Pour le chef du gouvernement, il s’agit bel et bien d’une insurrection visant à prendre le pouvoir par la force, et non pas d’une marche de protestation.

A l’heure actuelle, le gouvernement parle d’une insurrection contre l’État et affirme que les auteurs doivent répondre de leurs actes, tandis que des mesures ostentatoires sont déjà tombées. Il s’agit entre autres de la suspension de toutes les activités de ces organisations de la société civile et des partis politiques ayant orchestré cette manifestation.

Un état d’urgence a été décrété par le chef de l’Etat dans les provinces où les manifestations ont eu lieu: la province de N’Djamena, le Logone Occidentale, le Mandoul entre autres …

Un couvre-feu de 18 heures à 6 heures du matin est instauré jusqu’à nouvel ordre.

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Reuters