Moment de vérité pour Marine Le Pen : candidate de "l'autre France" (AP)

"La différence, cette fois, c’est que nous allons la gagner" : ainsi parlait la candidate du Rassemblement national à l'orée de sa troisième course à l’Elysée lors de l’inauguration de son siège de campagne à Paris.

Un premier tour de scrutin plus tard, la députée du Pas-de-Calais a passé sa toute fin de campagne dans ce nord de la France populaire dont elle a fait son fief politique. Elle y a multiplié les bains de foule, promettant de « rendre leur argent aux Français » et d’être la présidente du « respect » face à Emmanuel Macron « l’arrogant », qu’elle a affronté en débat mercredi.

A la différence de son adversaire, parti à la pêche aux voix de gauche et écologistes, l’élue de 53 ans a en effet choisi pour l’entre-deux-tours de se déplacer dans les communes qui lui ont accordé de bons scores le 10 avril, à la rencontre de publics qu’elle connaît bien : la France des travailleurs modestes, des fins de mois difficiles, qui subissent de plein fouet les conséquences de la hausse des prix de l’énergie.

"Ici c'est l'autre France », résume le maire RN d’Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), Steve Briois. « Il y a la France de M. Macron, celle qui ne connaît pas les problèmes, qui vit dans de belles maisons, qui a de l'argent sur son compte en banque, qui a réussi, tant mieux pour eux. Nous on veut aussi défendre l'autre France, celle qu'Emmanuel Macron a méprisée pendant cinq ans», a-t-il dit à Reuters avant l’ultime meeting de la candidate jeudi soir à Arras (Pas-de-Calais).

Marine Le Pen "a beaucoup appris, lorsqu'elle est arrivée dans cette région il y a 25 ans, elle s'est confrontée à une réalité, aux problèmes sociaux, économiques, à la désindustrialisation des territoires, elle a réussi à se forger son opinion politique à elle, qui n’est pas celle de son père, elle a réuni à se construire politiquement", a-t-il ajouté en référence aux relations compliquées entre le fondateur du Front national et sa fille, qui a rompu avec lui pour achever l’entreprise de “dédiabolisation” du parti et voler de ses propres ailes.

"Ça va être serré"

«On espère qu’elle va gagner, mais ça va être serré », « Pourquoi pas une cohabitation ? » : des militants plein d’espoir mais aussi lucides sur l’issue du scrutin de dimanche – annoncé en faveur du président sortant par tous les instituts de sondage – l’ont accueillie avec bienveillance, sans oublier de lui parler de leur quotidien difficile.

«Moi je suis à temps partiel, je paie mon essence. Ce qui me plaît dans le programme de Marine Le Pen, c’est surtout les mesures pour le pouvoir d’achat. Pour qu'on ne soit plus dans la galère, dans le rouge, à chaque fin de mois », témoignait jeudi à Roye (Somme) Johanna De Tarnow, aide-ménagère de 23 ans venue avec ses jumelles de trois ans.

Marcel Bail, retraité de 65 ans fan de Johnny Hallyday, dit apprécier la candidate pour sa franchise.

"J’ai toujours voté pour elle. Ma femme a voté [pour le candidat de La France insoumise Jean-Luc] Mélenchon au premier tour, elle votera pour Le Pen dimanche. En face, c’est des seigneurs, tout est gratuit pour le gouvernement. Nous les ouvriers on est en bas de l’échelle, je pense aux enfants qui ne peuvent pas s'acheter de chaussures, aux étudiants qui font les poubelles pour manger. »

La sécurité et l’immigration, thèmes traditionnels du Front national (devenu Rassemblement national en 2018) repris par le candidat de "Reconquête!" Eric Zemmour qui a recueilli à 7,1% des voix et appelé à voter pour Marine Le Pen, reviennent régulièrement dans les discours des militants.

« Cambrai où j’habite, c’est petit, on ne se sent pas toujours en sécurité. On est en France et des personnes avec le voile intégral, je trouve ça inadmissible », considère Amandine Richard, 23 ans, venue en famille au meeting d’Arras, où 4.000 sympathisants ont chanté la Marseillaise à pleins poumons en brandissant des drapeaux tricolores.

Vendredi matin au marché d’Etaples-sur-Mer, Marine Le Pen a parlé retraites, salaires, impôts sur la fortune.

« On veut notre fiche de paie à 2.000 euros, Marine ! », lui a lancé un passant. « Elle ment !» , a crié un militant La République en marche venu tracter dans cette ville qui a donné priorité à la candidate du Rassemblement national dans les urnes.

Pour cette ultime journée de campagne, la candidate, qui a dit qu’elle vivait "a priori" sa dernière présidentielle, a visité un centre de rééducation à Berck-sur-Mer avant un dernier bain de foule sur la jetée le long de la plage.

Reuters