Le président Recep Tayyip Erdogan a rencontré l'émir du Qatar, Sheikh Temim bin Hamad Al Sani, au Qatar,  dans le cadre de sa visite dans les pays du Golfe. / Photo: AA (AA)

Comment les États arabes du Golfe perçoivent-ils la victoire du président Erdogan ?

L'émir du Qatar Tamim bin Hamad Al Thani a été le premier à féliciter Erdogan pour sa victoire avant même la fin du dépouillement des votes, soulignant les liens bilatéraux étroits que Doha entretient avec Ankara ainsi que le désir de renforcer leurs relations préexistantes.

Le président des Émirats arabes unis (EAU), Mohammad bin Zayed, a également exprimé ses compliments au président Erdogan et s'est dit impatient de renforcer le partenariat stratégique entre leurs deux pays. Cette interaction est révélatrice de l'optimisme que suscite l'évolution des relations entre les Émirats arabes unis et la Turquie et la dynamique de coopération qui en découle.

De même, le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed bin Salman a transmis lors d’un entretien téléphonique ses congratulations au président Erdogan, tandis que le roi Salman a adressé un message de félicitations qui a également fait l'éloge des relations bilatérales.

Avant l'élection, Erdogan a remercié les États arabes du Golfe pour leurs récentes contributions financières à la Banque centrale de Turquie. Un soutien similaire de la part des principaux États du Golfe témoigne de la confiance à long terme qu'ils accordent au gouvernement d'Erdogan.

Le statu quo sera probablement maintenu et les relations bilatérales pourraient même progresser davantage.

Pourquoi les relations entre la Turquie et le Golfe se sont-elles renforcées ?

Ces dernières années, on peut considérer qu’une "grande remise à plat" a eu lieu dans la région. La rivalité qui opposait autrefois les Émirats arabes unis et l'Arabie saoudite à la Turquie et au Qatar font partie du passé. En effet, les divisions apparues suite au printemps arabe se sont largement atténuées, les conflits en Libye et en Syrie s'étant calmés. Désormais, leur attention se porte sur de nouveaux défis mondiaux.

Par exemple, la nature controversée du retrait des États-Unis de l’Afghanistan a soulevé des questions quant à la fiabilité de l'administration de Joe Biden à agir en tant que garant de la sécurité, ce qui a incité les gouvernements régionaux à prendre en main la coopération sécuritaire. En outre, la guerre en Ukraine a posé de nouveaux défis afférents à l’économie et à la sûreté à l'échelle mondiale, remodelant encore davantage le paysage politique régional.

En ce qui concerne la guerre en Ukraine, les Émirats arabes unis, l'Arabie saoudite et la Turquie ont adopté des philosophies similaires. Malgré les pressions américaines, ils ont soigneusement nuancé les relations entre les États-Unis et la Russie, afin d'éviter de tomber dans le piège d’une nouvelle guerre froide, tout en se diversifiant par rapport à l'alliance dirigée par Washington. En outre, ils ont fait preuve de la même tolérance à l'égard des relations économiques avec la Chine.

Au-delà de ces défis mondiaux urgents, les États du Golfe et la Turquie pourraient reconnaître les avantages mutuels de la coopération. Après tout, Ankara a été désignée comme le premier allié stratégique du Conseil de coopération du Golfe (CCG) en 2008, avant que les divisions de l'ère post-Printemps arabe ne s'installent. Compte tenu de leur statut d'économies régionales majeures, elles cherchent aujourd'hui à développer des relations qui ont été entravées par les divisions des années 2010.

À quel type de coopération pouvons-nous nous attendre à l'avenir ?

Compte tenu des défis susmentionnés et de l'approfondissement des relations, la coopération entre le CCG et la Turquie devrait se poursuivre et s'étendre dans un avenir proche. Les relations profondes entre le Qatar et la Turquie, qui auraient pu être remises en cause par une éventuelle victoire de Kilicdaroglu, pourraient déboucher sur une collaboration accrue face aux défis régionaux et nationaux. Notamment l'engagement du Qatar à financer des projets de logement pour les réfugiés rapatriés dans le nord de la Syrie illustre le potentiel de Doha en tant que partenaire principal d'Ankara au cours des cinq prochaines années.

Les liens économiques plus larges sont en passe de s'améliorer. Les discussions sur les investissements bilatéraux entre l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et la Turquie ont pris de l'ampleur depuis leur réconciliation en 2021. Les pourparlers et les actions concernant les investissements ont porté sur les infrastructures énergétiques, les soins de santé, la biotechnologie, la technologie agricole, les services financiers, l'immobilier et sur bien d'autres secteurs.

La coopération en matière de sécurité devrait également continuer à se développer. Les ventes de drones turcs, notamment aux Émirats arabes unis, y ont déjà contribué. L'Arabie saoudite pourrait également espérer acquérir ces drones, à la suite des récentes discussions sur la coopération en matière de défense avec Ankara. Le Koweït et Oman ont également manifesté leur intérêt pour les systèmes de défense turcs, compte tenu de leurs propres achats de drones turcs Bayraktar TB2. Bien que cela stimule la coopération économique, puisque le Golfe pourrait être un marché pour l'industrie de défense turque, les relations croissantes entre le Golfe et Ankara ont également une dimension sécuritaire évidente. Cela pourrait à son tour conduire à une collaboration afin de relever les futurs défis régionaux.

TRT Français et agences