Joe Biden, soutien inconditionnel de Netanyahu / Photo: Reuters (Reuters)

Le dernier round des négociations entre Israël et le Hamas pour un cessez-le-feu assorti de la libération des otages israéliens, a révélé au grand jour la duplicité de la logique américaine. Protéger les intérêts israéliens tout en portant la casquette de médiateur, telle semble être la ligne d’action de la diplomatie américaine au Moyen-Orient.

En visite en Israël le 12 octobre 2023, quelques jours après l’offensive militaire israélienne à Gaza, Antony Blinken qui joue le rôle de principal facilitateur dans les négociations de paix, s’était déjà prononcé en faveur d’Israël.

“Vous êtes peut-être assez forts pour vous défendre seuls, mais tant que les États-Unis existeront, vous n’aurez jamais à le faire. Nous serons toujours à vos côtés”, promettait Blinken lors d’une conférence de presse conjointe avec Benjamin Netanyahu, le premier ministre israélien.

Cette attitude partisane en faveur d’Israël ne surprend pas l’analyste politique Mohammed Mbodji, enseignant d’histoire à l’université de Manhattanville de New York.

“Dans la médiation au Moyen-Orient, les États-Unis donnent l’impression d’être des arbitres neutres. Dans la réalité, les choses sont différentes”, explique-t-il. La diplomatie américaine est du côté d’Israël. Cela peut s’expliquer par le fait que la seconde population juive de par le nombre se trouve aux États-Unis. C’est non seulement un électorat, mais aussi une partie de la population qui finance les activités politiques, qui influence l’opinion à travers ses écrits et ses prises de parole. C’est un élément important à prendre en considération. Son influence est de loin supérieure à celle de la population d’origine arabe”, soutient Mbodji

En tournée au Moyen-Orient pour la septième fois depuis l’offensive militaire israélienne à Gaza, le chef de la diplomatie américaine s’est gardé de critiquer l’attitude va-t-en-guerre israélienne, tout en mettant à l’index le Hamas.

Pour l’analyste politique, les Américains y voient une occasion pour se racheter par rapport aux manquements de l’histoire.

“Durant la période hitlérienne, les États-Unis avaient fermé leurs portes à l’immigration juive. Il y a comme une espèce de rattrapage par rapport à ce manquement. D’où des prises de position très marquées par rapport à Israël, lorsque ce pays s’estime menacé”, explique-t-il.

C’est peut-être dans cette logique que Blinken avait révélé ses origines juives en octobre dernier à Tel-Aviv, lors d’une conférence de presse avec Netanyahu.

“Je me présente devant vous non seulement en tant que secrétaire d'État des États-Unis, mais aussi en tant que juif”, avait-il insisté.

Depuis Ryad en Arabie saoudite, il a interpellé le Hamas, donnant l’impression que le mouvement palestinien détenait la clé du cessez-le-feu. Pour lui, le retour à la paix à Gaza tenait à la réponse du Hamas.

"Le Hamas a devant lui une proposition extraordinairement généreuse de la part d'Israël", a déclaré M. Blinken à Ryad, lors du Forum économique mondial.

Du point de vue du secrétaire d’Etat, le Hamas n’avait d’autre choix que d’accepter l’offre de paix égyptienne et Qatarie, faute de quoi il serait perçu comme le véritable fossoyeur de la paix au Moyen-Orient.

En filigrane, il se montrait menaçant, obligeant même le Hamas à signer “rapidement”.

En aucun moment, le secrétaire d’État américain n’a mis la pression sur Israël pour l’amener à infléchir sa position basée sur la libération préalable des otages, avant un éventuel cessez-le-feu à Gaza.

Le 6 mai dernier, le Hamas a donné une réponse allant dans le sens des préoccupations américaines.

Dans un communiqué, le mouvement de résistance palestinien disait avoir informé l'Égypte et le Qatar, pays médiateurs avec les États-Unis, qu'il avait "approuvé leur proposition pour un accord de cessez-le-feu" avec Israël dans la bande de Gaza, dévastée par sept mois de guerre.

Un haut responsable du Hamas, Khalil al-Hayya, expliquait que la proposition comprenait trois phases, chacune d'une durée de 42 jours. L’offre de paix comprenait un retrait israélien complet de la bande de Gaza, le retour des déplacés et enfin un échange d'otages toujours retenus à Gaza et de prisonniers palestiniens détenus par Israël, dans le but de parvenir à un "cessez-le-feu permanent".

Du coup, l’enthousiasme d’Antony Blinken à arracher l’adhésion du Hamas à l’offre de paix s’est mué en mutisme du côté américain, alors qu’Israël intensifiait les bombardements à Rafah.

“Je peux confirmer que Hamas a émis une réponse. Nous sommes en train d’examiner cette réponse et d’en discuter avec nos partenaires dans la région”, déclarait à la presse Matthew Miller, porte-parole du département d’État.

“Rétraction américaine” et impasse

Samedi, le président Biden en personne, sans allusion à la réponse du Hamas a lié le cessez-le-feu à Gaza à la libération des otages, en droite ligne de la position d’Israël.

"Il y aurait un cessez-le-feu demain si le Hamas libère les femmes et les personnes âgées en otages'', a-t-il souligné.

Dans ces conditions, souligne Mohammed Mbodji, il sera désormais difficile pour le mouvement de résistance palestinien de faire confiance au médiateur américain.

Réagissant à cette sortie du Président américain, le Hamas y a vu "une rétraction" par rapport aux résultats du dernier round des négociations tenues au Caire.

Le mouvement palestinien estime, en outre, que "la position de Biden confirme le parti-pris américain pour la politique criminelle menée par le gouvernement nazi-sioniste" tout en "poursuivant son soutien militaire à la guerre d'extermination" menée contre le peuple palestinien.

Les Américains qui étaient censés jouer un rôle majeur de médiateur pour la paix à Gaza sont accusés de prendre le parti d’Israël.

Du coup c'est l’impasse, comme l’a souligné le premier ministre et ministre qatari des Affaires étrangères, Cheikh Mohammed Bin Abdulrahman Al Thani, très actif dans les négociations de paix.

Il a noté “des différences fondamentales entre les deux“ parties, Israël et le Hamas, concernant le cessez-le-feu.

“Il y a une partie (le Hamas) qui veut mettre fin à la guerre et ensuite parler des otages. Il y a une autre partie (Israël) qui veut les otages et veut continuer la guerre", a-t-il signalé.

“Tant qu’il n’y aura pas de terrain d’entente sur ces deux choses, cela ne nous mènera pas à un résultat”, a lancé le chef de la diplomatie qatarie.

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