Les manifestants, réunis à l’appel d’Urgence Palestine, se dirigent vers le Conseil européen, place Schuman. ( Anne Llincas) (Others)

Place de la Nation, 9 heures. Dans le matin gris de Paris, trois autocars s’apprêtent à prendre la route. Direction Bruxelles, où les 27 chefs d’Etats se réunissent pour un sommet européen. A bord de ces autocars, des militants du collectif Urgence Palestine qui entendent leur mettre la pression pour "mettre fin au génocide", exiger un "cessez le feu et à la levée du blocus immédiats de Gaza" et appeler à des "sanctions contre Israël".

Plus de 200 personnes ont répondu présentes. Parmi elles, deux étudiantes, pour lesquelles "c’était une évidence de venir", "d’autant plus avec la suspension des subventions à l’Unrwa" (l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient), décidée par plusieurs pays (le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Italie, les États-Unis, l'Australie le Canada…) à la suite de l’ implication présumée d’employés de l’UNRWA dans la préparation de l’attaque contre Israël le 7 octobre. Elles sont impliquées dans le soutien à la Palestine depuis le début de l’offensive israélienne lancée à la suite de l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023.

Zahya Bensemaine, elle, veut simplement "montrer notre mécontentement envers ce qui se passe là-bas et notre solidarité envers le peuple palestinien". "On ne veut pas grand chose", explique cette professeur de langue arabe de 45 ans. "Si on ne peut pas voir le côté politique de la guerre, que l’on adresse au moins les conditions de vie. Ce sont des êtres humains, comme nous", déplore-t-elle. "On est venu car il y a des enfants qui n’ont rien à manger, à boire, qui n’ont pas de vêtements, pas de maison, pas de chaussures,” explique Tamim, son fils du haut de ses 6 ans.

"Mon fils n’a pas école à cause de la grève, alors que les enfants de Gaza ne peuvent même plus aller à l’école. On vit dans deux mondes différents." se désole-t-elle encore avant de remonter dans le bus après une petite pause sur la route.

Il est 14h30. Après plus de 4 heures de route dans une ambiance calme, le premier bus arrive à Bruxelles, baignée par le soleil de janvier. Les manifestants, réunis à l’appel d’Urgence Palestine, se dirigent vers le Conseil européen, place Schuman. Là, ils retrouvent des manifestants belges. Comme une délégation d’Amnesty International, venue demander un cessez-le-feu à Gaza. "Tous les acteurs, comme les Etats-Unis bien sûr, mais aussi l’Union européenne peuvent jouer un rôle pour influencer Israël" de manière à obtenir un cessez-le-feu explique ainsi, François Graas, le Coordinateur campagnes et plaidoyer d’Amnesty.

Entre les manifestants arborant keffiehs et drapeaux palestiniens, une femme distribue des tracts estampillés UJFP (Union juive française pour la Paix) appelant à sauver l’UNRWA. "Nous-mêmes, nous avons été atteints dans notre chair par un génocide, regrette Béatrice Orès, représentante légale de l’UJFP. Nous ne comprenions pas pourquoi les instances internationales ne faisaient rien. Et nous ne pouvons pas accepter que les instances internationales ne fassent rien aujourd’hui face à un génocide".

"On vient leur dire d’arrêter d’être complices, et qu’à un moment où à un autre, s’ils ne prennent pas les bonnes décisions, ils auront des comptes à rendre à l’histoire et à d’autres instances juridiques internationales", s’indigne de son côté Nora Missaoui Lefebvre, avocate au barreau de Lille. "On saisit tout ce qu’on peut saisir, en droit interne, mais également en droit international. On travaille sur plusieurs thématiques qui vont aussi servir un jour, je l’espère, devant la Cour pénale internationale", poursuit l’avocate, venue du nord de la France avec deux de ses collègues en robe noire.

Entretemps, les marcheurs, partis de Paris le 20 janvier, viennent d’atteindre le lieu du rassemblement. Le matin, ils ont été reçus par des députés européens « acquis à leur cause ».

Au micro, les discours s’enchaînent, rythmés par les slogans en soutien à Gaza : "Free Free Palestine !" "Nous sommes tous, des Palestiniens" "Enfants de Gaza, enfants de Palestine, c’est l’humanité qu’on assassine !" Une représentante des agriculteurs qui manifestent de l’autre côté de la Commission européenne traverse la place pour adresser un message au militants pro-palestiniens : "Nous défendons le droit des paysannes et des paysans palestiniens à cultiver leur terre, à élever des animaux, et nourrir le peuple palestinien."

Le député français Jérôme Legavre (LFI) a également fait le déplacement jusqu’à Bruxelles : "Le gouvernement de mon pays, le gouvernement français continue à exporter des armes en direction d’Israël. Donc ils sont complices du massacre de tout un peuple. Ils sont complices de ce qu’une Cour internationale de justice, la plus haute instance à l’échelle internationale a établi, c’est-à-dire le génocide. Donc on ne peut pas laisser faire ça. C’est la raison pour laquelle on tenait à être présent aujourd’hui." Pour le député LFI "c’est la mobilisation de la population qui les contraindra à prendre des mesures pour arrêter le massacre en cours".

A la sortie du Conseil européen, Emmanuel Macron s’est exprimé dans une conférence de presse : "Il est aujourd'hui plus que jamais indispensable d'avancer sur les volets humanitaire, sécuritaire et politique de la crise. Dans ce moment critique, l'objectif de la France est d'accélérer le cessez-le-feu à Gaza, d'obtenir la libération de tous les otages et de prévenir une dangereuse escalade régionale. C'est le sens des efforts que nous déployons aujourd'hui, auprès de tous nos partenaires, en particulier au Moyen-Orient, et je considère que c'est aussi ce qui doit nourrir une véritable offre européenne de paix et de stabilité pour tous dans la région. C'est également le sens de l'initiative européenne que nous sommes en train de finaliser en mer Rouge".

TRT Francais