Après plus d'une décennie, Biden va retrouver Xi mais depuis, la donne a changé / Photo: AFP (AFP)

"La trajectoire de nos relations n'est rien d'autre que positive", avait déclaré M. Biden aux hommes d'affaires venus assister à un rendez-vous entre les deux vice-présidents dans un hôtel de Pékin.

M. Biden avait même fait part de son "grand optimisme pour les 30 prochaines années".

Plus d'une décennie est passée et au moment où les deux hommes, désormais présidents, s'apprêtent à se retrouver, les relations sont tout sauf bonnes et quasi aucun responsable politique américain ne se montre optimiste au sujet de M. Xi, le dirigeant chinois le plus puissant depuis des décennies.

Les deux chefs d'Etat s'entretiendront lundi en marge du sommet du G20 à Bali, à un moment où les États-Unis ne cachent pas leur inquiétudes vis-à-vis de la Chine.

Le secrétaire d'État américain Antony Blinken a affirmé que la Chine de M. Xi était devenue "plus répressive à l'intérieur" et "plus agressive à l'extérieur", et la menace d'une invasion de Taïwan par Pékin n'a jamais été aussi grande.

Il s'agira de la première rencontre physique entre les deux présidents depuis celle en 2019 entre Donald Trump et M. Xi. Ce dernier avait jusqu'à récemment cessé tout déplacement à l'étranger en raison du Covid.

Les deux chefs d'Etat se connaissent étonnamment bien. Ils se sont entretenus par téléphone ou par vidéoconférence à cinq reprises depuis que le démocrate est entré à la Maison-Blanche en 2021 mais leur relation est bien plus profonde.

En 2011, M. Biden s'était rendu en Chine alors que M. Xi aspirait à diriger son pays et, à l'invitation du démocrate, il s'était rendu aux Etats-Unis.

"Ligne rouge"

M. Biden affirme qu'en tant que vice-président, il a passé 67 heures en personne avec M. Xi, notamment pour comprendre, sinon courtiser, le dirigeant chinois qui était alors en pleine ascension.

Autorités et experts américains estiment désormais que M. Xi, 69 ans, réélu en octobre pour un troisième mandat, ne souhaite pas se montrer plus modéré, le nouveau Comité central du Parti communiste chinois étant composé de partisans de la ligne dure.

"Nous savions tous que Xi Jinping allait l'emporter. Mais je pense que les gens sont encore surpris qu'il n'ait même pas eu la délicatesse de ménager ses adversaires politiques", estime Yun Sun, spécialiste de la Chine au centre de réflexion Stimson Center à Washington.

Le Congrès du parti terminé, il peut désormais se concentrer sur son action à l'international en faveur d'une Chine plus forte, selon cette spécialiste.

Pour M. Biden comme pour son prédécesseur, la Chine est le principal concurrent des États-Unis.

Mais alors que M. Trump, à la fin de son mandat, s'en prenait à la Chine sur tous les sujets, des conflits commerciaux au Covid-19, M. Biden a oeuvré pour des pourparlers dans divers domaines.

M. Biden a déclaré mercredi à la presse qu'il parlerait à M. Xi des "lignes rouges" à ne pas franchir dans l'espoir de prévenir tout conflit.

La principale ligne rouge concernant Pékin est Taïwan, que la Chine revendique comme faisant partie de son territoire.

En août, pour protester contre la visite à Taipei de la présidente de la Chambre des représentants Nancy Pelosi, Pékin a procédé à des manoeuvres militaires considérées comme étant un entraînement en vue d'une invasion.

Washington a longtemps maintenu une politique d'"ambiguïté stratégique" quant à son éventuelle intervention militaire en cas d'invasion de Taïwan par la Chine.

Mais M. Biden a commencé à s'éloigner de cette position, affirmant dans de multiples interviews que les États-Unis viendraient en aide à Taïwan en cas d'attaque.

Moins de dépendance

En privé, certains alliés des États-Unis se réjouissent de cette plus grande fermeté à l'égard de Pékin, notamment concernant la mer de Chine méridionale, où Washington est passé de la neutralité à la défense des multiples revendications de pays d'Asie du Sud-Est.

"Il y a un sentiment répandu que les États-Unis ont enfin compris la nature de la menace", a déclaré un haut diplomate d'un pays asiatique allié des Etats-Unis et basé à Washington.

Washington a également fait les premiers pas avec ses alliés sur l'idée autrefois inimaginable de devenir moins dépendant économiquement de la Chine.

M. Biden a également exprimé l'espoir de collaborer avec la Chine, le plus gros émetteur de CO2, sur la question du changement climatique.

La Maison Blanche a par ailleurs déclaré samedi que le président allait exhorter son homologue chinois à réfréner les "pires tendances" de la Corée du Nord, un allié de Pékin.

Mme Yun doute que la Chine s'exécute, affirmant que M. Xi considère la coopération comme faisant partie d'une transaction.

"La concurrence étant le thème principal de la politique chinoise des Etats-Unis, pourquoi la Chine coopérerait-elle? Leur calcul est qu'ils ne vont rien faire par pure bonté d'âme. Ils veulent voir les États-Unis donner quelque chose".

AFP