11e journée de mobilisation contre la réforme des retraites / Photo: Reuters (Reuters)

Encore une fois, le gouvernement est passé en force commettant, aux yeux des Français, un crime de lèse-démocratie. L’usage du 49.3, même s’il figure en bonne et due place dans la Constitution de la Ve République, a cristallisé les colères.

Néanmoins, les formes parlementaires ont été, grosso modo, respectées, pourrait-on alléguer à la décharge de la "majorité" macroniste, à ceci près qu’une majorité écrasante de Français refuse le coup de force. Comme ce texte ne "passe" pas, Macron se trouve, quoi qu’il en ait, dans une impasse.

Ces rudes procédés ont ainsi des effets négatifs sur les projets ultérieurs du président français, alors que le quinquennat n’en est qu’à ses débuts, lequel risque de tourner court. Avec une majorité aussi étriquée, les syndicats front uni contre lui, l’opinion remontée contre lui, peut- il inscrire ses projets dans les faits ?

Abandonnant la logorrhée jupitérienne, n’étant plus guère le "maître des horloges", il a dû, la mort dans l’âme, renoncer à accueillir Charles III sous les lambris dorés de Versailles. C’eût été désastreux en termes d’images, car rien n’aurait plus aggravé sa posture monarchique que ces réjouissances intempestives à l’heure où le Français moyen, laminé par une inflation galopante endure mille maux pour "joindre les deux bouts".

Jamais l’image d’un président des "ultra riches" n’a semblé aussi crédible avec une obstination macronienne qui confine à la cécité à faire prévaloir les privilèges des uns au détriment des autres. Macron qui n’a jamais été un élu et pas davantage chef de parti est en train de découvrir qu’à vouloir gouverner contre la volonté populaire, on devient inaudible.

Grèves de la Sncf, de la Ratp, des éboueurs, raffineries bloquées, écoles fermées et plusieurs millions de manifestants en colère, l’opposition au macronisme est tantôt profonde, tantôt épidermique, d’autant que le mépris manifesté par le président en nombre d’occasions le prive de la sympathie populaire.

Lorsqu’il prétend qu’il est prêt à endosser l’impopularité, Macron se révèle piètre politique, car quel dirigeant, en Occident, pourrait gouverner contre son peuple ?

Le président a perdu le soutien de l’opinion, ne sait plus sentir le pouls de la France. Il a de surcroît commis nombre d’erreurs et de maladresses, il s’en est excusé. On peut, d’ores et déjà, assurer que les prochains projets que Macron concoctait sont compromis.

Ainsi la loi sur "la qualité de vie au travail", la loi sur la fin de vie, la résurgence du service militaire sous une forme différente, réforme des institutions, tout cela risque d’être "retoqué" d’autant que ses soutiens naturels semblent lui faire défaut, les députés LR, dont le mouvement connaît de fortes turbulences, pour ne pas dire d’inexpiables divisions. Ainsi, Aurélien Pradié (LR) a convaincu un groupe de députés de voter la motion de censure, contrairement aux instructions du chef des LR, M. Ciotti qui, visiblement, a du mal à tenir ses troupes.

M. Ciotti connaît d’autres déboires, puisque sa permanence a été vandalisée. Un représentant du peuple conspué par le peuple, l’image est dévastatrice. Je crains que M. Ciotti dont l’autorité est branlante, ne fasse point de vieux os à la tête des Républicains, formation dont l’implosion semble désormais imminente.

Ce phénomène est néanmoins plus général, mais il ne cible que les députés macronistes et les édiles LR qui reçoivent moult menaces de mort et des torrents d’injures sur leurs boîtes numériques ou sur les réseaux sociaux. 37 faits de dégradation ou de menaces à l’encontre des députés ressentis comme hostiles à la vox populi et Mme Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale, a elle-même reçu une lettre qu’elle qualifie d’ "absolument abominable".

Ces menaces et ces actes de vandalisme marquent un changement de perception par les Français de leurs édiles. Ces élus ne sont plus perçus comme accomplissant leur devoir de représentation populaire, mais comme un instrument aux mains du prince et se soumettant à sa volonté en l’inscrivant dans les textes législatifs.

D’autre part, les syndicats boudent la "main tendue" de l’exécutif et déclarent n’accepter de rencontrer Mme Borne que si, de nouveau, la "réforme" des retraites était à l’ordre du jour. Plus inquiétant pour Macron, les patrons estiment que le gouvernement sort affaibli de cette épreuve.

Selon la dernière édition du baromètre des décideurs Viavoce-HEC-Le Figaro et BFM Business, 78% des cadres redoutent une dégradation des conditions de vie des Français dans un délai de 12 mois. 84% des patrons jugent le gouvernement "affaibli" et 57% d’entre eux le jugent même "très affaibli". Une opinion que le président français, au regard de son orientation droitière, est plus disposé à écouter que celle du peuple, on l’a constaté à de nombreuses occasions.

A plusieurs reprises pourtant, Emmanuel Macron a déclaré qu’il ne proposerait pas un recul du départ à la retraite. Par deux fois, en 2017 lors de sa campagne présidentielle et derechef en 2019, Macron a déclaré : "Dans les cinq ans à venir, je ne propose pas de décaler l’âge de départ à la retraite" et "Est-ce qu’il faut reculer l’âge de départ à la retraite" s’est-il demandé avant de répondre : "Je ne crois pas". Cette versatilité, outre qu’elle n’arrange nullement l’image, très détériorée, des hommes politiques, inquiète lorsqu’il s’agit d’un président en charge des plus hautes responsabilités de l’État.

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