Un chercheur relaxé des poursuites en "diffamation" de la chaîne RT France (Reuters)

Un chercheur qui était poursuivi en diffamation par RT France pour avoir évoqué une "manipulation de l'information" et des "falsifications" de cette chaîne de télévision détenue par l'Etat russe a été relaxé vendredi par le tribunal judiciaire de Paris.

Directeur de l'Institut de recherche stratégique de l'Ecole militaire (IRSEM), qui appartient au ministère des Armées, Jean-Baptiste Jeangène Vilmer était visé pour cinq tweets publiés en septembre 2018.

Il y affirmait notamment: "RT et Sputnik (...) inventent fréquemment des faits, falsifient des documents, des traductions ou des interviews".

Il citait en exemple la "falsification" de la traduction d'un reportage sur la Syrie, objet d'une mise en demeure du CSA en juin 2018.

Si trois des cinq tweets présentent bien un caractère "diffamatoire", le tribunal a relevé que la "désinformation" constituait "un sujet d'intérêt général", que le chercheur n'avait pas fait preuve d'"animosité personnelle" et qu'il disposait d'une "base factuelle suffisante lui permettant de croire légitimement à ce qu'il écrivait".

Ses avocats avaient fourni 70 exemples où les chaînes du groupe RT (ex-Russia Today) avaient selon eux fait preuve de désinformation.

Lors de l'audience, le 17 mars, Jean-Baptiste Jeangene Vilmer avait expliqué que les tweets incriminés s'inscrivaient dans un "fil" rédigé en réponse au "feu roulant de critiques" des médias et des autorités russes après la publication du rapport "Les manipulations de l'information. Un défi pour nos démocraties", dont il est le co-auteur.

Il avait qualifié ses propos de 2018 de "consensuels" et dénoncé l'"intimidation judiciaire" pratiquée selon lui par cette chaîne.

L'avocat de RT France, qui n'avait pas de représentant à l'audience, avait lui plaidé l'"erreur technique" pour le reportage mal traduit et démenti toute "volonté de tromper le téléspectateur".

Le parquet n'avait pas demandé de condamnation, estimant que les propos incriminés n'étaient "pas attentatoires à la liberté d'expression" car ils "s'inscriv(aient) dans le cadre d'un débat d'intérêt général".

Le tribunal a en revanche refusé la demande de dommages et intérêts du chercheur, qui estimait que la plainte de RT France relevait d'une "procédure abusive".

Accusés d'être des instruments de "désinformation" de Moscou dans sa guerre contre l'Ukraine, RT et Sputnik ont l'interdiction d'être diffusés dans l'Union européenne depuis le 2 mars.

AFP