Odessa à nouveau prise pour cible (Reuters)

La Russie a repris lundi ses frappes sur Odessa, la grande ville portuaire du sud de l'Ukraine, avec un tir de missile qui a fait au moins un mort, alors que les Etats-Unis accusent Moscou de vouloir "annexer" deux territoires séparatistes prorusses dans l'est.

Par ailleurs, à Marioupol (sud-est), ville martyre quasiment conquise par les Russes après des semaines de siège, les évacuations de civils entamées ce week-end et attendues toute la journée semblaient marquer le pas.

A Odessa, "une frappe de missile" a "endommagé un immeuble dans lequel se trouvaient cinq personnes", a annoncé en début de soirée le conseil municipal d'Odessa Telegram.

"Un garçon de quinze ans est mort, un autre enfant mineur a été transporté à l'hôpital", a-t-il ajouté.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a dénoncé cette attaque sur un "dortoir": "En quoi ces enfants et le dortoir ont-ils menacé l'Etat russe? C'est comme ça qu'ils se battent".

Une église orthodoxe dépendant du patriarcat de Moscou a eu son toit arraché dans l'attaque, a de son côté indiqué le secrétaire du Conseil de sécurité ukrainien, Oleksiï Danilov.

Odessa, ville russophone considérée comme un centre culturel majeur tant pour les Ukrainiens que pour les Russes, a été plusieurs fois attaquée ces dernières semaines.

L'aéroport a été visé par des missiles russes samedi, détruisant sa piste selon les autorités ukrainiennes. Le 23 avril, des frappes ayant notamment touché un immeuble y avaient fait au moins huit morts, dont un bébé de trois mois, sa mère et sa grand-mère.

Tentatives d'annexion

Les Ukrainiens craignent que la ville ne soit un des prochains objectifs de la Russie.

A Washington, l'ambassadeur américain auprès de l'Organisation pou r la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), Michael Carpenter, a fait état d'informations "très crédibles" selon lesquelles la Russie entend organiser "vers la mi-mai" des référendums pour "tenter d'annexer" les "républiques" séparatistes prorusses de Donetsk et Lougansk, dans le Donbass (est de l'Ukraine).

"Moscou envisage un projet similaire pour Kherson", ville côtière ukrainienne dont l'administration russe a pris le contrôle à la faveur de l'invasion russe de l'Ukraine lancée le 24 février, a-t-il ajouté devant la presse.

"De tels simulacres de référendums, des votes fabriqués de toutes pièces, ne seront pas considérés comme légitimes, pas plus que toute tentative d'annexer d'autres territoires ukrainiens", a-t-il insisté.

Lundi, le ministère ukrainien de la Défense a estimé possible que Moscou profite des célébrations du 9 mai, date où la Russie commémore la victoire sur l'Allemagne nazie en 1945, pour "soulever la question" de l'intégration à la Fédération de Russie des "républiques" prorusses du Donbass, dont Moscou a reconnu l'indépendance juste avant d'envahir l'Ukraine.

Toute la journée de lundi, les autorités ukrainiennes ont espéré pouvoir reprendre les évacuations de civils depuis Marioupol, entamées ce weekend avec la sortie d'une centaine de personnes de l'immense aciérie Azovstal, dernière poche de résistance ukrainienne de ce port stratégique du sud du Donbass presqu'entièrement sous contrôle russe.

La logistique pour les accueillir avait été mise en place à Zaporijjia, ville située à quelque 200 km au nord-ouest, avec des véhicules de l'Unicef et d'ONG internationales qui les attendaient sur un parking transformé en point d'accueil pour les réfugiés, a constaté l'AFP.

Aucun convoi lundi

Mais aucun convoi n'est arrivé à Zaporijjia lundi.

Lundi soir, un communiqué sur Telegram du régiment Azov, qui participe à la défense de l'aciérie, a affirmé "qu'après l'évacuation partielle des civils du territoire d'Azovstal, l'ennemi continue de tirer sur le territoire de l'usine, y compris des bâtiments où se cachent des civils".

Dans une vidéo publiée sur la chaîne du régiment Azov de Marioupol, le commandant-adjoint du régiment, Sviatoslav Palamar, a expliqué que la fin du cessez-le-feu avait été retardée dans la journée de lundi, et que les véhicules chargés d'évacuer les civils n'étaient arrivés qu'en toute fin d'après-midi.

Les évacuations, qui avaient commencé samedi en coordination entre l'Ukraine, la Russie, l'ONU et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), avaient permis, pour la première fois en deux mois de siège et de bombardements de la ville, d'évacuer "plus de 100 civils" terrés dans les caves de l'aciérie, selon le président Zelensky.

La vice-Première ministre ukrainienne, Iryna Verechtchouk, avait cependant rappelé que "des centaines de civils" restaient "bloqués à Azovstal".

Les Ukrainiens estiment qu'au moins 20.000 personnes ont trouvé la mort à Marioupol depuis le début du siège russe début mars.

Dans le reste du Donbass, les forces russes poursuivent leur offensive, avec des combats particulièrement intenses autour d'Izioum, de Lyman et de Roubijné, dont les Russes tentent de "prendre le contrôle pour préparer leur attaque sur Severodonetsk", l'une des grandes villes du Donbass encore contrôlées par Kiev, a indiqué lundi l'état-major ukrainien.

A l'approche du 9 mai, le gouverneur de la région de Lougansk a dit s'attendre à "une intensification des bombardements".

Mais le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a démenti une action militaire russe particulière à cette occasion, dans un entretien à la chaîne de télévision italienne Mediaset diffusée dimanche.

Lavrov et le "sang juif" de Hitler

Interrogé par ailleurs par Mediaset sur les affirmations russes selon lesquelles la guerre vise à "dénazifier" l'Ukraine alors que le président Zelensky est juif, le chef de la diplomatie russe a suscité un tollé en affirmant: "Je peux me tromper, mais Hitler avait aussi du sang juif".

Son homologue israélien Yaïr Lapid a jugé ces propos "scandaleux, impardonnables", dénoncé "une horrible erreur historique", et convoqué l'ambassadeur russe pour "clarifications".

Kiev les a qualifiés d'"odieux", et Berlin dénoncé une déclaration "absurde".

L'armée ukrainienne a affirmé par ailleurs avoir détruit avec des drones Bayraktar deux bateaux patrouilleurs russes de type Raptor près de l'île aux Serpents, en mer Noire, devenue un des symboles de la résistance ukrainienne.

Nouvelles sanctions en vue

Les pays occidentaux, qui ont accéléré leurs livraisons d'armes lourdes pour aider l'Ukraine à résister à l'offensive russe, rouvrent peu à peu leurs ambassades à Kiev, fermées ou déplacées à Lviv, dans l'ouest, au début de l'invasion russe.

Après plusieurs pays européens, les Etats-Unis espèrent "revenir à Kiev d'ici la fin du mois" de mai si les conditions de sécurité le permettent, a indiqué depuis Lviv la chargée d'affaires américaine Kristina Kvien.

Les Européens travaillent de leur côté à durcir leurs sanctions économiques contre Moscou. Les ministres de l'Energie des 27 ont évoqué lundi à Bruxelles un calendrier d'arrêt progressif de leurs importations de pétrole russe, qui représentent 30% de leurs importations de pétrole.

L'UE a réitéré à cette occasion son refus de payer en roubles ses achats de gaz russe.

Le Premier ministre britannique Boris Johnson s'adressera mardi par visioconférence au Parlement ukrainien, une première pour un dirigeant occidental depuis le début de l'invasion russe, et annoncer 300 millions de livres d'aides militaires supplémentaires à Kiev.

Un contrat avec le groupe russe Rosatom pour construire un réacteur nucléaire dans le nord de la Finlande a par ailleurs été annulé en raison des "risques" supplémentaires liés à l'invasion russe de l'Ukraine, a annoncé lundi le consortium à majorité finlandaise pilotant le projet.

Estimé à plus de 7,5 milliards d'euros, ce projet de réacteur de 1.200 mégawatts, situé à Pyhajöki, remonte à 2010 et avait déjà souffert de nombreux retards et d'incertitudes.

Autre revers, de taille, pour Moscou: l'UEFA a annoncé lundi l'exclusion des clubs russes de ses compétitions européennes la saison prochaine, dont la lucrative Ligue des champions.

Déjà exclue de la Coupe du monde 2022 au Qatar et suspendue de toutes les compétitions internationales "jusqu'à nouvel ordre", la Russie voit ainsi le faisceau des sanctions s'élargir et s'étendre dans le temps.

AFP