Ukraine : l'offensive russe entre dans son 5ème mois (Reuters)

Kiev a fustigé les condamnations de Moscou à propos du feu vert donné jeudi par les 27 pays de l'Union européenne à la candidature ukrainienne. L'aide à l'Ukraine figure au menu d'un sommet du G7 qui s'ouvre dimanche en Allemagne, avant celui de l'Otan pendant deux jours à partir de mardi à Madrid.

"Cela ne fait que montrer la faiblesse de la Russie", a tweeté samedi le chef de la diplomatie ukrainienne, Dmytro Kouleba.

La veille, Moscou avait dénoncé un "accaparement géopolitique" de l'espace de la Communauté des États Indépendants (CEI rassemblant plusieurs pays d'ex-URSS) pour "contenir la Russie", assurant que "cette approche agressive de l'Union européenne a le potentiel de créer de nouveaux schismes et de nouvelles crises bien plus profondes en Europe".

Kiev a également accusé Moscou de vouloir "attirer" Minsk "dans la guerre" après le tir, selon l'armée ukrainienne, de vingt missiles depuis le sol du Bélarus et par avions visant le village de Desna, dans la région frontalière de Tcherniguiv (Nord de l'Ukraine) samedi vers 05H00 locales (02H00 GMT, sans faire de victimes.

Des attaques avaient déjà été menées depuis le Bélarus au tout début de l'offensive russe lancée le 24 février.

De son côté, Moscou a affirmé avoir tué "jusqu'à 80 mercenaires polonais" dans un bombardement dans l'Est ukrainien, détruisant aussi 20 véhicules blindés de combat et huit lance-roquettes multiples Grad dans des frappes d'armes de haute précision sur l'usine de zinc Megatex à Konstantinovka, dans la région de Donetsk, selon un communiqué publié samedi par le ministère de la Défense.

Cette affirmation n'était pas vérifiable de manière indépendante. Moscou affirme fréquemment "éliminer des mercenaires" étrangers venus combattre en Ukraine.

Tensions

Les tensions sont fortes entre la Russie et la Pologne, membre de l'Otan qui fournit des armes à l'Ukraine. Le maire de Smolensk en Russie a confirmé vendredi soir le retrait du drapeau polonais du mémorial de Katyn commémorant le massacre en 1940 de quelque 25.000 Polonais sur ordre de Staline.

À Kharkiv (Nord-Est), deuxième ville d'Ukraine qui résiste à la pression des forces russes depuis le début de l'offensive, les missiles s'abattent à nouveau quotidiennement sur le centre-ville.

Dans la nuit de vendredi à samedi, l'un d'eux a touché un bâtiment administratif proche de l'hôtel où résidait une équipe de l'AFP, et un incendie s'est déclenché sans faire de victimes, selon les services de secours ukrainiens. L'immeuble avait déjà été bombardé auparavant. "Les Russes finissent ce qu'ils ont commencé", a commenté samedi pour l'AFP un militaire sur place qui n'a pas décliné son identité.

Vendredi, un chien errant mangeait des restes humains à Tchougouïv, à une trentaine de kilomètres au sud-est de Kharkiv, où un bombardement a fait six morts mardi selon les autorités.

Cette ville est située entre Kharkiv et les positions russes.

Dans le Sud, le ministère russe de la Défense a ajouté dans son communiqué publié samedi que "plus de 300 militaires ukrainiens et mercenaires étrangers et 35 unités d'armes lourdes ont été liquidés en une journée dans la région de Mykolaïv".

Dans l'Est, l'armée russe poursuit sa progression. Les forces ukrainiennes ont reçu vendredi l'ordre de se retirer de la ville de Severodonetsk, étape cruciale pour Moscou qui veut conquérir tout le bassin industriel du Donbass déjà partiellement sous contrôle de séparatistes prorusses depuis 2014 et que Moscou s'est juré de conquérir totalement.

Ce retrait a été annoncé alors que les Russes gagnent du terrain près de Lyssytchansk, ville voisine de Severodonetsk juste de l'autre côté de la rivière Donets et autre cible d'importance pour Moscou.

L'Ukraine ne cesse de réclamer davantage d'armes lourdes pour contrer la puissance de frappe russe, particulièrement dans le Donbass.

"Parité de feu"

"J'ai souligné la nécessité d'atteindre la parité de feu avec l'ennemi, ce qui nous permettra de stabiliser la situation dans la région la plus menacée de Lougansk" où se situe Severodonetsk, a ainsi déclaré sur Facebook le commandant en chef des forces armées ukrainiennes, Valeriï Zaluzhniï, en rendant compte sur sa page Facebook d'un entretien téléphonique avec son homologue américain, le général Mark Milley.

Le gouverneur de Lougansk, Serguiï Gaïdaï, avait indiqué une nouvelle fois vendredi qu'à Severodonestk "toutes les infrastructures essentielles ont été détruites. 90% de la ville est endommagée, 80% des maisons devront être détruites".

Ces bombardements massifs ont fini par faire céder les soldats ukraniens, mais sans nécessairement changer fondamentalement la donne sur le terrain, selon des experts.

"Les unités ukrainiennes sont épuisées, exsangues. Elles ont eu des pertes terribles avec des bataillons complètement neutralisés", explique ainsi un haut gradé français sous couvert de l'anonymat, évoquant des unités de 300 ou 400 hommes dont il n'est resté qu'une vingtaine de valides.

Mais pour autant, "la vision globale - une guerre lente de positions retranchées - n'a guère changé", assure à l'AFP Ivan Klyszcz, chercheur à l'université estonienne de Tartu.

"Le retrait était probablement prévu auparavant et peut être considéré comme tactique", affirme-t-il, soulignant que la résistance ukrainienne a permis à Kiev de consolider ses arrières.

Les forces ukrainiennes "sont en train d'opérer un retrait professionnel et tactique afin de consolider des positions qu'elles seront mieux à même de défendre", a également jugé une responsable américain au Pentagone, sous couvert d'anonymat.

AFP