Yémen: plainte en France d'ONG contre des sociétés d’armement pour "complicité de crimes de guerre" (Reuters)

Ces trois entreprises "exportent des armes à la coalition (conduite par Riyad), tout en sachant qu'elle commet des crimes de guerre depuis 2015", a déploré Cannelle Lavite, du Centre européen pour les droits constitutionnels et les droits humains (ECCHR, l'une des parties civiles).

Les plaignants les poursuivent également pour complicité de crimes contre l'humanité.

Le conflit oppose depuis près de huit ans les Houthis, soutenus par l'Iran, aux forces gouvernementales appuyées par l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis.

Le conflit, qui a fait des centaines de milliers de morts et des millions de déplacés, considéré par l'ONU comme l'une des pires catastrophes humanitaires actuelles, connaît une accalmie grâce à une trêve entrée en vigueur le 2 avril et reconduite jeudi pour deux mois supplémentaires.

Selon les ONG, Dassault a rendu possible des attaques "contre des civils et des infrastructures civiles" en vendant et surtout en assurant la maintenance de 59 Mirage acquis par les Emirats arabes unis, leur permettant de "rester opérationnels", a poursuivi Mme Lavite.

Dans la même logique, la vente actée en décembre de 80 avions Rafale à ce pays peut être interprétée comme "un encouragement" à commettre des violations du droit international humanitaire, a insisté la juriste.

La société MBDA France est de son côté visée pour avoir exporté des missiles Storm Shadow et Scalp à des belligérants, alors que le groupe Thalès est pointé pour leur avoir fourni son système de guidage de missiles Damoclès ou Thalios, selon la même source.

"Si on fournit des armes à un auteur présumé de crimes récurrents, on facilite la commission de ces crimes", a insisté Cannelle Lavite.

Deux poids deux mesures ?

En avril 2019, le média d'investigation français Disclose avait révélé l'existence d'une note du renseignement militaire français datant d'octobre 2018 et confirmant l'utilisation d'armes françaises au Yémen.

L'ONG yéménite Mwatana, également partie civile, tout comme l'ONG française Sherpa, affirme avoir recensé "mille attaques contre des civils" ayant fait "au moins 3.000 morts et 4.000 blessés" grâce à des "armes récentes" vendues aux Emirats et à l'Arabie saoudite, selon son directeur exécutif Abdulrasheed al-Faqih.

"On a informé tout le monde de ces attaques : la France, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne... mais ils n'ont jamais arrêté les exportations d'armes", a regretté M. Faqih, reprochant aux pays occidentaux de se montrer moins prompts à réclamer des enquêtes internationales pour crimes de guerre au Yémen qu'en Ukraine contre les forces russes.

"Si les gens sont tués par des armes européennes ou américaines, on n'accorde pas d'importance à leur mort", peste-t-il. "Mais quand les armes sont russes, c'est différent. Les armes européennes sont-elles gentilles?", ironise-t-il.

Trois ONG, dont Mwatana, poursuivent depuis 2018 en Italie le fabricant d'armes RWM Italia, coupable selon elles d'avoir fourni les bombes ayant tué six civils, dont quatre enfants, en 2016 dans le nord du Yémen.

A la suite d'une action en justice en 2019 le Royaume-Uni avait un temps interrompu ses ventes d'armes à l'Arabie saoudite, avant de les reprendre.

Cinq ONG, dont Mwatana, ECCHR et Amnesty international, ont également déposé une plainte en 2019 devant la Cour pénale internationale (CPI) contre 11 fabricants d'armes européens, dont Dassault, Thalès, MBDA, ainsi qu'Airbus.



AFP