Qu’est-ce que la LDJ, interdite aux Etats-Unis et en Israël mais autorisée en France ? (Others)

Marche contre l'antisémitisme

La marche contre l'antisémitisme, marquée par la présence controversée du Rassemblement national et de la Ligue de Défense Juive (LDJ), a rassemblé des milliers de personnes dimanche dernier à Paris, avec la participation de nombreuses personnalités politiques.

La Première ministre Élisabeth Borne, les anciens présidents François Hollande et Nicolas Sarkozy, la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, et le président du Sénat, Gérard Larcher, ont notamment conduit le cortège du départ de l'esplanade des Invalides en direction du Palais du Luxembourg.

Plusieurs dizaines de ministres étaient également présents à cette marche contre l'antisémitisme, malgré l’absence très remarquée du président français Emmanuel Macron.

Pour des raisons de sécurité, le cortège a été scindé en deux afin de séparer les personnalités politiques de haut rang des manifestants.

Cependant, la division n'a pas touché uniquement les manifestants et les politiques. Une fracture entre juifs de gauche et juifs de droite s'est également manifestée à mesure que le cortège avançait. D'un côté, des militants juifs de gauche, dirigés par le collectif Golem, ont protesté contre la présence de Marine Le Pen en scandant “Marine (...) les juifs ne veulent pas de toi”. De l'autre, des militants brandissaient des drapeaux de la Ligue de Défense Juive en proférant des menaces telles que “Mélenchon, les juifs auront ta peau”.

Qu'est-ce que la LDJ ?

La LDJ, organisation interdite aux États-Unis et en Israël, a été fondée en 2000 en France. L’organisation, qui est connue pour ses actions violentes, est non seulement toujours autorisée en France, mais a surtout été hébergée dans un bâtiment public sous la surveillance de la Police nationale, où les militants s'entraînent au combat avec des spécialistes de krav-maga venus d’Israël, comme l'a révélé un documentaire de "Complément d'Enquête" en 2004.

Revendiquant le label "sioniste" et prétendant lutter contre la judéophobie en France, la LDJ a été fondée dans le sillage de la Kach, un parti nationaliste-religieux israélien interdit depuis son attentat en 1994 à Hébron, qui a coûté la vie à 29 musulmans, ainsi que de la Jewish Defense League, qualifiée de groupe terroriste par le FBI depuis 2001, après la préparation d’attaques contre une mosquée et contre un membre du Congrès.

Bien que la LDJ nie tout lien avec la Kach et la Jewish Defense League, elle partage pourtant les mêmes sigles et logos.

En France, la LDJ a parfois été associée au Front National. En 2013, Mediapart rapportait que le fondateur de la LDJ, Jean-Claude Nataf, avait participé aux célébrations du 1er mai aux côtés du Front National. Marine Le Pen avait déclaré en 2014 que “s'il existe une LDJ, c'est qu'un grand nombre de juifs se sentent en insécurité. Ils ont le sentiment qu'un nouvel antisémitisme monte en France”.

Actions violentes de la LDJ

Le nom de la LDJ est associé à plusieurs actes d'agressions, d'intimidations et de meurtres en France.

Les premières actions violentes de la LDJ en France remontent à 2002. Munis d'armes blanches prohibées, de pistolets à balles en caoutchouc, de battes de baseball, de couteaux à cran d'arrêt et de nunchakus, des membres de la LDJ ont agressé des personnes d'origine maghrébine, des journalistes de France 2, des manifestants pacifistes juifs, et un commissaire de police lors d'une manifestation du CRIF, près de La Bastille à Paris.

À l'époque, le préfet de police de Paris, Jean-Paul Proust, avait déclaré qu’“un noyau de 400 à 500 personnes appartenant à des mouvements extrémistes pro-israéliens, organisés en commandos très mobiles, n'ont cessé de se livrer à des provocations pendant plusieurs heures”.

En 2010, Dan Lampel, soupçonné de liens avec la LDJ, est impliqué dans le meurtre de Said Bourarach, employé en tant que vigile dans un commerce à Bobigny. Bourarach est retrouvé mort noyé dans le canal de l'Ourcq, après avoir été agressé par Dan Lampel et quatre de ses amis venus en renfort. Dan Lampel a été condamné à 8 ans de prison.

En avril 2012, des membres de la LDJ agressent Ofer Bronstein, un pacifiste franco-israélien, président du Forum International pour la Paix. Il avait été invité au premier congrès des "Amis français d’Israël" organisé le mardi 3 avril dans la salle parisienne de la Mutualité, à l’initiative des groupes d’amitié parlementaires France-Israël à l’Assemblée nationale et au Sénat, avec le concours de la Fondation France-Israël et du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF).

Dès son arrivée, il est pris à partie par une douzaine de militants de la Ligue de défense juive qui le frappent au visage, le traitent d’"assassin", lui reprochant sa proximité avec Mahmoud Abbas, et le somment de "quitter la France". L’incident s’est produit devant de nombreux représentants de la communauté juive, dont le CRIF, qui n’ont pas réagi.

Bronstein s’est dit "profondément choqué par la violence d’un groupuscule qui se réclame de mouvements extrémistes interdits en Israël en raison de leurs positions ouvertement racistes, mais davantage encore par l’absence de réactions des représentants officiels présents".

Le CRIF a plusieurs fois été invité à se désolidariser explicitement de la LDJ, par les Insoumis.

Entre 2012 et 2014, la LDJ a également commencé à agresser et menacer des personnalités médiatiques françaises telles que l'écrivaine Houria mmBouteldja, le géopolitologue Pascal Boniface et le rappeur Kamelancien en raison de leurs positions pro-palestiniennes.

Dans la marche contre l'antisémitisme du 12 novembre dernier, un jeune juif de 24 ans, petit-fils de déporté, a été agressé au sol par la LDJ pour avoir réprouvé la présence de Marine Le Pen dans le cortège.

Dans un communiqué publié au lendemain de la marche, La France Insoumise a demandé l'interdiction de la LDJ en France, appelant le ministère de l'Intérieur à “agir rapidement” tout en condamnant “ses actions violentes et ses propos inacceptables”. Plus de vingt ans après sa création, la présence sur le sol français de cette organisation interdite en Israël et aux États-Unis continue de susciter des interrogations.

TRT Francais