Une femme et un enfant regardent des affaires brûlées alors que des personnes vérifient les dégâts après que les forces israéliennes ont effectué un raid sur le camp de réfugiés de Jénine, en Cisjordanie occupée par Israël, le 10 novembre 2023. / Photo: Reuters (Reuters)

Si les yeux du monde sont rivés sur Gaza, Israël et les colons juifs israéliens font régner la terreur en Cisjordanie occupée par Israël depuis 56 ans et où les colonies s'étendent chaque année un peu plus. Les incursions de l'armée israélienne ont augmenté en intensité et les violences de colons se sont multipliées depuis le début des bombardements incessants sur Gaza. Plus de 190 Palestiniens, dont plus de 30 enfants, ont été tués depuis le 7 octobre, selon le ministère palestinien de la Santé soit presque autant (208) que durant les neuf premiers mois de l'année selon le ministère.

Des ratonnades pour faire partir les Palestiniens

Un groupe de 30 organisations de défense des droits de l'homme et de la société civile en Israël a publié une lettre commune le mois dernier, alléguant que les colons "exploitent le manque d'attention du public à l'égard de la Cisjordanie, ainsi que l'atmosphère générale de rage contre les Palestiniens”, pour intensifier leur campagne de violentes attaques dans le but de transférer par la force des communautés palestiniennes.

"La situation en Cisjordanie est très inquiétante. Ce sont des ratonnades. C'est le début de l'épuration ethnique", alarme l’ancien vice-chef d'état-major du Shape (OTAN) Michel Yakovleff sur LCI.

"La violence n’est pas gratuite, elle est destinée à chasser les Palestiniens. Il y a à la fois, une campagne délibérée des colons, et une forme de complicité de l’armée, qui, dans certains cas, se voit accusée par les Palestiniens de n’avoir rien fait alors que les violences se déroulaient sous ses yeux", explique-t-il.

Pour l'ONU, dans près de la moitié des cas de violences menées par des colons, "les forces de sécurité israéliennes les accompagnaient ou les soutenaient activement". Dans les jours qui ont suivi les attaques du 7 octobre, le ministre de la sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, lui-même un colon de Cisjordanie, a même déclaré que son ministère avait acheté 10 000 fusils pour armer les groupes de sécurité civile, y compris dans les colonies de Cisjordanie.

Violence de l’armée et harcèlement des colons

Environ 500 000 colons juifs israéliens vivent aujourd'hui en Cisjordanie, selon Peace Now, un groupe israélien qui milite pour la paix et surveille les colonies. Bon nombre de ces colonies sont des zones forcloses, totalement interdites aux Palestiniens. Illégales au regard du droit international, ces colonies valent beaucoup de critiques à Israël pour avoir autorisé leur expansion et, dans certains cas, pour en avoir fait la promotion par des allègements fiscaux et des mesures de sécurité financées par l'État.

Cette occupation a des conséquences gravissimes pour les Palestiniens, dont font partie les restrictions imposées à leurs déplacements et à l'accès à leurs terres, et dont depuis le 7 octobre la vie est encore plus compromise.

L'armée israélienne a immédiatement fragmenté les villes palestiniennes, où il y a des centaines de points de contrôle militaires, pour veiller à ce que le sud de la Cisjordanie soit dissocié du nord. L'ONU a même rapporté des cas de femmes ayant accouché aux postes de contrôle en raison des fermetures.

L'armée israélienne a intensifié les raids qu'elle appelle "opérations antiterroristes" et les colons ont profité de cette rage contre les Palestiniens pour multiplier leurs actes violents. Ils mettent en place des barrages routiers pour empêcher les Palestiniens d'accéder à leurs terres, vandalisent leurs propriétés, incendient leur voiture et vont jusqu’à les tuer.

"Depuis le 7 octobre, on a deux fois plus peur des colons", témoigne Samir Abdelkarim, 63 ans, à l’AFP, qui possède des oliviers dans son village de Doura al-Qarea, "Nous n'avons pas pu accéder à nos arbres", dit-il, "parce que les colons et l'armée israélienne nous tirent dessus".

"Nettoyage ethnique"

"Ce qui se passe à l'heure actuelle en Cisjordanie est absolument scandaleux. En réalité, ce à quoi les colons sont en train de procéder, c'est à un nettoyage ethnique" déclare Gérard Araud, ancien ambassadeur de France en Israël, invité sur LCI.

“Ils profitent de la tragédie actuelle pour harceler les Palestiniens, encore plus qu’ils ne le font d’habitude pour se débarrasser de certaines communautés. Je trouve scandaleux que l'Europe ne parle pas très fort. Ces colons font ça pour rendre impossible la solution des deux Etats. Si on expulse les palestiniens et si on fait progresser la colonisation, ca rendra impossible un compromis territorial pour créer un état palestinien viable et contigu” explique-t-il.

Toutes ces attaques documentées n'entraînent pas pour autant des conséquences. Pratiquement aucune d'entre elles ne fait l'objet d'une enquête et presque aucune n'aboutit à des poursuites pénales, même si elles entraînent la mort de civils palestiniens.

Leur objectif est de faire pression sur les Palestiniens pour qu'ils quittent leurs maisons et leurs terres. Selon l'ONU, c’est plus de 800 Palestiniens qui ont été déplacés de cette manière.

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