Des veillées ont été organisées dans des capitales occidentales en hommage aux victimes de la guerre et pour l'instauration de la paix / Photo: Reuters (Reuters)

La guerre en Ukraine entre vendredi dans sa deuxième année, sans qu'une issue soit perceptible, alors que ce que la Russie présente comme une "opération militaire spéciale", mais que Kiev et les Occidentaux dénoncent comme une invasion, a fait des dizaines de milliers de morts, ravagé des villes et contraint des millions de personnes à fuir.

Vladimir Poutine a ordonné le 24 février 2022 une offensive de grande ampleur en Ukraine avec l'objectif de prendre le contrôle de la capitale Kiev pour renverser le gouvernement pro-Europe.

Les espoirs du président russe d'une victoire rapide ont été douchés par la résistance ukrainienne et des erreurs militaires qui ont embarrassé Moscou.

Via des contre-offensives éclair en fin d'année dernière, l'Ukraine a récupéré une grande partie des territoires cédés préalablement face aux assauts des troupes russes, transformant le conflit en une bataille d'attrition dans les tranchées, avec des pertes qui se sont accélérées des deux côtés.

Aucune désescalade ne semble en vue, entre la volonté affichée par Vladimir Poutine d'accentuer l'offensive, malgré les lourdes sanctions occidentales visant la Russie depuis lors, et la position intransigeante du président ukrainien Volodymyr Zelensky sur d'éventuelles discussions de paix.

Dans un contexte de tensions mondiales rappelant la Guerre froide, le Kremlin persiste à décrire son opération comme nécessaire pour des raisons sécuritaires et dit y voir une lutte indispensable face à l'hostilité des Occidentaux.

"En utilisant l'Ukraine, l'Occident cherche à démembrer la Russie, à la priver de son indépendance. Ces tentatives sont vouées à l'échec", a déclaré jeudi le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou.

Kiev et ses alliés occidentaux, au premier rang desquels les Etats-Unis, rejettent les accusations russes, décrivant l'offensive de Moscou comme une démarche injustifiée destinée à élargir son territoire et son contrôle dans la région.

Lourdes pertes autour de Bakhmout

Symbole des tensions accrues, Vladimir Poutine a annoncé cette semaine la suspension de la participation de la Russie à un traité majeur de contrôle des armes, puis a déclaré que de nouveaux missiles balistiques intercontinentaux, capables de transporter plusieurs têtes nucléaires, seraient déployés pour la première fois cette année.

Le président américain Joe Biden, qui a effectué lundi une visite surprise à Kiev avant de se rendre en Pologne, a dit mercredi ne pas voir chez son homologue russe de volonté de recourir à des armes nucléaires - une menace que les Occidentaux considèrent comme une diversion alors que les troupes russes peinent à progresser sur le terrain.

Ces derniers mois, les affrontements les plus intenses se sont majoritairement déroulés à et autour de Bakhmout, ville de l'Est ukrainien, et à Vouhledar, plus au sud.

Des centaines, voire des milliers de soldats, ont péri dans ces deux villes. Bien que des experts militaires indépendants doutent de leur valeur stratégique, les deux camps semblent déterminés à ne pas céder de terrain.

Alors que des explosions résonnaient sans cesse à Bakhmout jeudi, un soldat ukrainien opérant dans un entrepôt de chars d'assaut, situé à proximité, a exprimé la détermination des troupes de Kiev.

"Si nous cédons Bakhmout, tout deviendra encore plus compliqué. Nous ne pouvons pas abandonner, quelles que soient les circonstances. Nous allons tenir", a dit Oleh Slavin à Reuters.

Près de 200.000 soldats russes auraient péri ou été blessés depuis le début de la guerre, selon les estimations de certains représentants occidentaux. En novembre, le chef d'état-major de l'armée américaine a déclaré que plus de 100.000 soldats des deux camps avaient été blessés ou tués depuis le 24 février dernier.

Les pertes sur les lignes de front sont impossibles à vérifier de manière indépendante. Des soldats présents dans les tranchées et des cadres militaires ont toutefois admis que le nombre de morts s'était accéléré ces dernières semaines.

L’Assemblée générale des Nations Unies a adopté jeudi une résolution exigeant de nouveau le retrait des forces russes (Reuters)

Des milliers de civils tués

Des milliers de civils ont été tués depuis le début de l'offensive. Les procureurs ukrainiens ont fait état de milliers de crimes de guerre présumés commis par la Russie, qui nie cibler des civils ou commettre des atrocités.

"La Russie a choisi la voie de l'assassin. La voie du terroriste. La voie du bourreau", a déclaré jeudi Volodymyr Zelensky via la messagerie Telegram.

L'Ukraine est parvenue à résister aux assauts russes en dépit d'une armée moins étoffée que sa rivale, principalement grâce aux dizaines de milliards de dollars d'équipements militaires livrés par les Occidentaux.

Depuis le début du conflit, Volodymyr Zelensky s'illustre dans un rôle de chef de guerre primordial pour obtenir des livraisons d'armes occidentales.

Le président ukrainien a multiplié les rencontres et les entretiens virtuels avec des dirigeants à travers le monde.

Reste à savoir si le niveau de soutien apporté par les Occidentaux pourra être maintenu, bien que Washington a promis d'aider Kiev aussi longtemps que nécessaire.

L'Ukraine est depuis plusieurs jours en état d'alerte, craignant que la Russie procède à des frappes de missiles et à des attaques au drone contre la capitale afin de marquer l'anniversaire de son offensive.

La Chine promet un “discour de paix”

Jusqu'à présent, l'économie russe a surmonté les importantes sanctions la visant.

Les Occidentaux estiment que ces mesures auront progressivement un impact plus lourd et enrayeront la capacité de Moscou à financer une guerre très coûteuse.

"L'économie russe et le système de gouvernance ont montré qu'ils étaient bien plus solides que l'Occident ne le supposait", a déclaré Vladimir Poutine cette semaine lors d'un discours devant l'élite politique et militaire russe.

Face aux plafonds imposés sur les prix de produits pétroliers russes et au net recul des exportations de gaz vers l'Europe, qui ont réduit ses revenus potentiels, la Russie a utilisé des fonds initialement destinés au secteur hospitalier ou aux écoles pour accroître ses dépenses militaires.

Les Etats-Unis sont préoccupés par le rapprochement de la Chine et de la Russie (Reuters)

Moscou a aussi pu compter sur les achats de la Chine et de l'Inde, compensant la volonté de l'Europe de ne plus être dépendante des livraisons énergétiques russes.

Le rôle de Pékin, qui s'est gardé de décrire l'offensive russe comme une "invasion" ou de la condamner, pourrait s'accroître.

Les Etats-Unis sont préoccupés par le rapprochement de la Chine et de la Russie, alors que Vladimir Poutine a salué les "nouvelles frontières" dans les liens entre les deux pays et annoncé la venue à Moscou du président chinois Xi Jinping.

Washington a dit craindre que Pékin décide de livrer des armes à la Russie pour son offensive en Ukraine, une démarche qui pourrait engendrer une escalade vers une guerre plus large entre, d'un côté, la Russie et de la Chine, et de l'autre, l'Ukraine et l'Otan.

Toutefois, il est attendu que Xi Jinping prononce dans la journée un "discours de paix". Certains analystes doutent que la Chine soit réellement désireuse de mener une médiation pour la paix, au-delà de la rhétorique.

Volodymyr Zelensky a indiqué jeudi qu'il n'avait pas vu un quelconque projet de Pékin destiné à mettre fin à la guerre, mais il a ajouté qu'il était favorable à des discussions entre représentants ukrainiens et chinois.

Reuters