Japon : élections sénatoriales à l'ombre de l'assassinat de Shinzo Abe (Reuters)

L'actuel Premier ministre nippon Fumio Kishida, dont le Parti libéral-démocrate (PLD, droite nationaliste) était donné largement favori dans les sondages, a dénoncé l'attaque "barbare" contre son ancien mentor, insistant sur l'importance de "défendre les élections libres et équitables, qui sont le fondement de la démocratie".

"Nous ne céderons jamais à la violence", a-t-il ajouté.

Survenu à Nara, dans l'ouest de l'archipel, l'assassinat par balles de M. Abe, l'un des hommes politiques les plus connus de l'Archipel, a profondément meurtri et ému au Japon comme à l'étranger, et les messages de condoléances ont afflué du monde entier, y compris de Chine et de Corée du Sud, avec lesquelles le Japon entretient des relations souvent houleuses.

Le secrétaire d'État américain Antony Blinken, actuellement en déplacement en Asie, fera par ailleurs étape à Tokyo lundi pour présenter ses condoléances en personne, a annoncé le département d'État.

Le bureau de M. Abe a déclaré à l'AFP qu'une veillée funèbre se tiendrait lundi soir, et les obsèques mardi, en présence de la famille et des proches de M. Abe. Elles auront lieu au temple Zojoji à Tokyo selon les médias locaux.

L'auteur présumé de l'attaque, arrêté sur les lieux, a avoué avoir délibérément visé M. Abe, expliquant à la police en vouloir à une organisation à laquelle il croyait que celui-ci était affilié. Certains médias japonais ont évoqué un groupe religieux.

Cet homme de 41 ans nommé Tetsuya Yamagami serait un ancien membre de la Force d'autodéfense maritime (la marine japonaise), et a déclaré aux forces de l'ordre avoir utilisé une arme artisanale.

Selon plusieurs médias, il aurait déclaré aux enquêteurs s'être rendu jeudi à Okayama (ouest) dans l'intention d'assassiner M. Abe qui participait à un événement sur place, mais y aurait finalement renoncé car les participants devaient communiquer leurs nom et adresse.

L'inflation au coeur des préoccupations

Après avoir été brièvement suspendue par les différents partis à la nouvelle de l'attaque de l'ancien Premier ministre, la campagne électorale avait repris samedi avec des mesures de sécurité accrues, alors que la police de Nara a reconnu des failles "indéniables" dans celles qui entouraient le meeting de M. Abe.

Elle a été dominée par des préoccupations locales, notamment les hausses de prix et les risques concernant l'approvisionnement en électricité, alors que la canicule qui touche le Japon depuis fin juin fait craindre une pénurie d'électricité.

"L'économie mondiale stagne et le Japon est également en crise économique à bien des égards, avec des salaires qui n'augmentent pas", a commenté Shigeru Kato, 75 ans, interrogé par l'AFP à la sortie d'un bureau de vote à Tokyo.

Si on ne fait rien, "le Japon va s'enfoncer encore plus", a-t-il ajouté.

A 14H00 (05H00 GMT), le taux de participation était de 18,79%, soit légèrement plus qu'aux précédentes sénatoriales.

La coalition au pouvoir, formée du Parti libéral-démocrate (PLD) de M. Kishida, 64 ans, et de son allié le Komeito, pourrait selon les projections remporter plus de 70 sièges sur les 125 à pourvoir dimanche (le Sénat compte au total 248 sièges, renouvelés par moitié tous les trois ans).

Faute d'avoir pu présenter une alternative séduisante, le Parti démocrate constitutionnel (PDC) de centre-gauche risque selon les sondages de perdre une partie des 45 sièges qu'il détient actuellement, et sa place de principale force d'opposition.

Dans un pays souvent critiqué pour le manque de représentation féminine dans ses institutions et la direction de ses entreprises, une proportion record de 33% de femmes figurent ce dimanche parmi les 545 candidats.

Une large victoire aux sénatoriales consoliderait le pouvoir de Fumio Kishida, qui s'est fait le chantre d'une politique économique plus redistributive baptisée "nouveau capitalisme", avant une période de trois ans sans élections prévues.

Sa coopération étroite avec les alliés occidentaux du Japon pour faire pression sur la Russie a aussi été saluée dans l'Archipel, et son projet d'accroître "considérablement" le budget de la défense est également populaire, alors que la Chine ne cesse d'affirmer ses ambitions territoriales en Asie-Pacifique.

La tendance à l'augmentation des dépenses en matière de défense pourrait encore se renforcer après l'élection, selon Yu Uchiyama, professeur de sciences politiques à l'Université de Tokyo, qui pense que la " position de fermeté (du Japon) à l'égard de la Chine va probablement être maintenue".

AFP