Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le président français Emmanuel Macron se serrent la main lors d'une conférence de presse conjointe à Jérusalem, le 24 octobre 2023. / Photo: Reuters (Reuters)

Si la France est claire sur sa demande d’un cessez-le-feu à Gaza, elle l’est moins en ce qui concerne sa vente d’armes à Israël. Récemment, la pression s'est accrue de la part des parlementaires et des organisations non gouvernementales (ONG) sur la question des exportations d'armes françaises. Une lettre ouverte de l'ONG Amnesty International adressée au président français demande expressément un "arrêt des livraisons d'armes et de matériels de guerre à Israël". La lettre souligne que la France a la responsabilité de prévenir le génocide, impliquant de ne pas fournir à Israël des moyens facilitant des actes potentiellement génocidaires.

Des parlementaires, dont la députée Mathilde Panot et le sénateur Fabien Gay, ont aussi interpellé le gouvernement pour obtenir des informations détaillées sur les exportations d'armes vers Israël en 2023, mais leurs requêtes sont restées lettres mortes jusqu'à présent. Le 24 janvier dernier, seize importantes ONG dont Amnesty International, Human Rights Watch, Médecins du monde et Oxfam ont lancé un appel à "cesser immédiatement les transferts d’armes, de pièces détachées et de munitions à Israël". Le 16 octobre 2023, c’étaient 30 syndicats palestiniens qui avaient lancé un appel mondial pour "mettre fin à toute complicité, Arrêter d'armer Israël".

Mais en vain. La France n'a toujours pas adopté de mesures punitives à l'encontre d'Israël et maintient son silence. Sur une éventuelle décision qui serait prise par la France d'imposer un moratoire sur l'exportation d'armes vers Israël, le porte-parole adjoint du Quai d'Orsay a indiqué lors d’un point de presse le 15 février courant, qu'il "pourra revenir" sur le sujet "ultérieurement".

Tel Aviv et Paris, main dans la main

Du ministère de la Défense aux entreprises privées, les liens de la France avec Israël dans le domaine militaire sont évidents.

Au cours des dix dernières années, les ventes d'équipements militaires à Israël ont atteint 208 millions d'euros, selon un rapport parlementaire de 2022. Ce document indique que les exportations d'armes de la France vers Israël comprennent divers types d'armements tels que des bombes, torpilles, roquettes, missiles, ainsi que d'autres dispositifs et charges explosives, de même que les matériels et accessoires connexes, et leurs composants spécifiques. Cette liste englobe des systèmes de haute technologie pour le guidage des missiles et des bombes, ainsi que des pistolets mitrailleurs.

Côté privé, de nombreuses entreprises françaises, telles que Thalès et Dassault, collaborent depuis des années avec des entreprises israéliennes sur plusieurs projets militaires et technologiques. Thalès a par exemple travaillé avec l’israélien Elbit Systems sur le drone Watchkeeper qui permet de fournir des données précises de localisation des cibles, facilitant les frappes. Dassault coopère de son côté avec Elbit Systems pour les avions Falcon et investit également dans des entreprises israéliennes, comme JVP.

L’entreprise française Exxelia Technologie, qui vend des armes à Israël, a même reçu une plainte emblématique en 2014 de la part d’une famille palestinienne suite à la découverte d'un de ses composants sur la bombe responsable de la mort de trois enfants au sein de cette même famille.

La France viole le traité sur le commerce des armes

La Cour internationale de Justice a récemment clairement mis en lumière un risque de génocide à Gaza et les violations continues du droit international par Israël dans les territoires palestiniens occupés. L'existence d'un risque génocidaire devrait en théorie obliger les pays exportateurs d’armes à cesser tout export d'armes, de matériels ou de technologies militaires vers Israël. Mais la France n’a pas changé sa stratégie de vente contrairement aux Pays-Bas où la justice a ordonné l'arrêt des livraisons d'armes en raison du "risque clair de violations graves du droit humanitaire" par Israël.

Pourtant, la France est signataire du traité sur le commerce des armes (TCA) de 2013, qui interdit à un État de vendre des armes s’il a "connaissance [...] que ces armes ou ces biens pourraient servir à commettre un génocide, des crimes contre l’humanité, des violations graves des conventions de Genève de 1949, des attaques dirigées contre des civils ou des biens de caractère civil et protégés comme tels, ou d’autres crimes de guerre".

Contacté par Mediapart, le ministère des Armées se défend : "La France respecte strictement ses engagements internationaux dans ses exportations d’armes vers Israël [...]. À ce titre, elle n’exporte pas et n’exportait pas avant les événements dramatiques du 7 octobre de matériels létaux susceptibles d’être employés contre des populations civiles dans la bande de Gaza" …ce même ministère qui assure que la France "exporte des équipements militaires à Israël afin de lui permettre d’assurer sa défense".

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