Le véhicule transportant les sept employés de l'ONG américaine World Central Kitchen, a été ciblé par l'armée israélienne. / Photo: AA (AA)

Israël continue de pilonner sans discontinuer Gaza, 175 jours après le déclenchement de sa guerre sur l’enclave palestinienne. Sept collaborateurs d'une ONG américaine qui livre de la nourriture dans la bande de Gaza menacée de famine ont été tués dans une frappe israélienne lundi, a affirmé l'organisation ce mardi, annonçant la suspension de ses activités dans la région.

"World Central Kitchen est dévastée, et confirme que sept membres de notre équipe ont été tués à Gaza dans une frappe” de l’armée israélienne, a déploré l'ONG basée aux Etats-Unis. Lors de sa sortie de l'hopîtal ce mardi, le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a simplement déclaré que les humanitaires avaient été touchés par "un tir non intentionnel."

Les victimes étaient "originaires d'Australie, de Pologne, du Royaume-Uni, ( figuraient parmi elles également) un citoyen détenant la double nationalité américaine et canadienne et une personne palestinienne", a ajouté l'organisation fondée par le cuisinier américano-espagnol José Andrés.

Elles ont été tués "dans l’exercice de leur fonction pour soutenir notre œuvre humanitaire de livraison de nourriture à Gaza", avait-elle indiqué dans un précédent communiqué, dénonçant une "tragédie".

World Central Kitchen a, par ailleurs, informé qu'elle avait décidé de "suspendre ses opérations dans la région".

Depuis le début de la guerre en octobre 2023, World Central Kitchen a participé aux opérations de secours, notamment en fournissant des repas aux habitants affamés de Gaza.

Les Etats-Unis, qui prennent de plus en plus leurs distances avec leur allié israélien se sont déclarés "profondément troublés" par cet événement.

"Coeur brisé"

"Nous avons le cœur brisé et sommes profondément troublés par la frappe", a déclaré sur le réseau social X la porte-parole du Conseil de sécurité nationale, qui relève de la Maison Blanche, Adrienne Watson.

"Les travailleurs humanitaires doivent être protégés, car ils apportent une aide dont (les Palestiniens) ont désespérément besoin, et nous exhortons Israël à promptement enquêter sur ce qu'il s'est passé", a-t-elle ajouté.

Le ministère de la Santé à Gaza avait auparavant fait état de cinq victimes arrivées dans un hôpital de Deir el-Balah, après "une frappe aérienne israélienne ayant visé un véhicule de l'organisation américaine World Central Kitchen", dans le centre de la bande de Gaza.

"Ils possèdent la nationalité britannique, australienne et polonaise et la quatrième nationalité n'est pas connue", avait rapporté dans un autre communiqué une source du Hamas à l’AFP précisant que la cinquième personne était un chauffeur et traducteur palestinien.

Le Premier ministre australien, Anthony Albanese, a confirmé qu'une Australienne, du nom de Zomi Frankcom, figurait parmi les victimes. "C'est complètement inacceptable. L'Australie exige que tous les responsables de la mort de travailleurs humanitaires rendent des comptes", a-t-il martelé.

Un correspondant de l'AFP a relayé avoir aperçu à l'hôpital des Martyrs d'Al Aqsa de Deir el-Balah cinq corps et trois passeports étrangers près des dépouilles. Sur une image de l'AFP on peut voir le corps d'une des victimes portant un Tshirt noir avec le logo de l'ONG.

L'armée israélienne a dit "passer en revue l'incident tragique au plus haut niveau pour en comprendre les circonstances" et assuré avoir "travaillé en étroite collaboration avec WCK" pour sa distribution d'aide.

WCK est impliquée dans l'envoi d'aide par bateau de Chypre vers Gaza et dans la construction d'une jetée temporaire dans le territoire palestinien assiégé. Un premier bateau y avait déchargé sa cargaison mi-mars sous la supervision de l'armée israélienne.

Lundi, soit près de six mois après le début du conflit, le ministère de la Santé à Gaza a annoncé la mort d'au moins 70 personnes au cours des dernières 24 heures, dans "des dizaines" de frappes israéliennes à travers le territoire.

Dans le nord de la bande de Gaza, toujours lundi, les équipes médicales fouillaient les décombres de l'hôpital Al-Shifa pour extraire des blessés et cadavres après le retrait de l'armée israélienne qui y a mené une vaste opération, laissant derrière elle ruines et cadavres.

Dans la soirée de ce même lundi, le porte-parole de l'armée israélienne a indiqué que les forces israéliennes ont "tué plus de 200 terroristes et arrêté plus de 900 personnes suspectées d'actes terroristes" sur le site de l'hôpital.

Un porte-parole de l'agence de défense civile de Gaza a, quant à lui, fait état de 300 morts à l'intérieur et autour de l'hôpital durant l'opération israélienne.

Des médecins et civils présents dans le complexe ont déclaré à l'AFP qu'au moins 20 corps avaient été retrouvés, dont certains semblaient avoir été écrasés sous les rouesdes véhicules militaires.

Destin de Rafah

Selon la Maison Blanche, des responsables israéliens ont échangé avec leurs homologues américains à distance, lundi, et ont "accepté de prendre en compte" les préoccupations américaines au sujet de l'offensive prévue par Israël sur Rafah, dans le sud de Gaza.

La situation de cette ville où s'entassent 1,5 million de Palestiniens devait déjà faire l'objet d'une réunion en personne à Washington, mais Israël a annulé l'envoi de sa délégation il y a une semaine.

Une rencontre "en personne" pourrait avoir lieu "dès la semaine prochaine", a précisé un communiqué de l'exécutif américain.

Le premier ministre israélien Benyamin Netanyahu avait annulé la visite de la délégation à Washington, suite à l’abstention de vote par les Etats-Unis lors de l’examen d’un projet de résolution onusienne appelant à un cessez-le-feu immédiat à Gaza.

Surveillance du cessez-le-feu

Sur le terrain diplomatique, la France a transmis lundi au Conseil de sécurité de l'ONU un projet de résolution destiné à trouver des moyens potentiels de mettre en oeuvre la surveillance d'une trêve dans la bande de Gaza et des propositions pour aider l'Autorité palestinienne, basée en Cisjordanie occupée, à assumer des responsabilités.

Évoquant un "projet ambitieux", l'ambassadeur français auprès des Nations unies, Nicolas de Rivière, a déclaré que cela "prendrait du temps".

Pour être adopté, le texte mis sur pied par Paris devra obtenir l'aval d'au moins neuf des quinze membres du Conseil de sécurité et ne pas faire l'objet d'un veto par l'un des quatre autres membres permanents du Conseil - Etats-Unis, Grande-Bretagne, Russie et Chine.

Le projet de résolution appelle à un cessez-le-feu immédiat entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza et réclame de surcroît la libération de tous les otages encore détenus dans l'enclave.

Au cours d'un vote organisé le 26 mars courant, quatorze membres du Conseil de sécurité ont approuvé un texte appelant à un cessez-le-feu immédiat dans la bande de Gaza, en plein mois sacré du ramadan, qui prendra fin la semaine prochaine.

Depuis le 7 octobre, la guerre israélienne sur Gaza a coûté la vie à 32.845 personnes, pour la plupart des civils, selon le ministère de la Santé à Gaza, et provoqué une catastrophe humanitaire et des destructions colossales.

TRT Français et agences