Manifestation contre la réforme des retraites devant le musée du Louvre à Paris / Photo: Reuters (Reuters)

L'opposition à cette réforme emblématique du deuxième quinquennat d'Emmanuel Macron, qui retarde l'âge de départ de 62 à 64 ans, s'est radicalisée depuis que le gouvernement a fait passer le texte sans vote à l'Assemblée, s'exposant à des motions de censure qui ont échoué le 20 mars à le faire tomber.

Depuis, les manifestations sont émaillées de violences croissantes, avec notamment de nombreux policiers, gendarmes, casseurs et manifestants blessés ou des incendies de bâtiments publics.

Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a annoncé lundi qu'un "dispositif de sécurité inédit" serait déployé mardi avec "13.000 policiers et gendarmes, dont 5.500 à Paris".

Parallèlement, les blocages, piquets de grèves et manifestations continuent depuis des jours, perturbant l'approvisionnement en carburant de certaines régions françaises, et certains axes routiers ou dépôts logistiques. La circulation des trains sera fortement perturbée mardi.

Plus de 15% des stations-service de France étaient lundi à court d'essence ou de gazole, la pénurie étant encore plus prononcée dans l'ouest du pays.

Des milliers de tonnes d'ordures défigurent toujours Paris après plus de 20 jours de grève des éboueurs et servent de combustibles à des groupes de casseurs le soir.

"Être à l'écoute"

Signe du climat délétère, des affrontements particulièrement violents ont opposé samedi manifestants et force de l'ordre dans une région rurale du centre de la France sur fond d'hostilité à un projet de retenue d'eau.

Cerise sur le gâteau pour Emmanuel Macron, au beau milieu de cette crise politique, des hackers pro-russes ont attaqué lundi le site de l'Assemblée nationale pour dénoncer le soutien de la France à l'Ukraine.

Pour sortir de l'ornière, tout en restant inflexible sur le fond de la réforme, le gouvernement clame sa volonté d'"apaisement".

Lundi, Emmanuel Macron a réuni à l'Elysée la Première ministre Elisabeth Borne et les cadres de sa majorité - chefs de partis, ministres, parlementaires. Selon des propos rapportés par un participant à la réunion, le président a déclaré qu'il fallait "continuer à tendre la main" aux syndicats et a accusé le parti La France Insoumise (gauche radicale) de vouloir "délégitimer" les institutions.

"Il y a de la tension forcément en lien avec la réforme. Il faut être à l'écoute de cela", a de son côté reconnu Elisabeth Borne.

La Première ministre s'est ainsi fixée deux objectifs: "apaiser le pays" et "accélérer les réponses aux attentes des Français."

Pour ce faire, elle a ouvert lundi de vastes consultations étalées sur trois semaines, avec les parlementaires, les partis politiques, les représentants d'élus locaux et les partenaires sociaux, afin de "dialoguer avec tous les acteurs sur la méthode qu'on veut mettre en place".

"Pas de main tendue" sans pause

Mais les syndicats, qui ont mis en garde contre un dérapage incontrôlé de la contestation, n'entendent pas renoncer sur l'âge de départ, clé de voûte de leur mobilisation.

Le leader de la centrale réformiste CFDT Laurent Berger a prévenu lundi: il n'acceptera "la main tendue" d'Elisabeth Borne que si le gouvernement marque une pause, en "mettant de côté pour l'instant la réforme".

Mais l'exécutif reste inflexible: "la loi sur les retraites, elle est derrière nous", a assuré le porte-parole du gouvernement Olivier Véran.

Les opposants à la réforme la jugent "injuste", notamment pour les salariés aux métiers pénibles et les femmes.

Le chef de file de l'opposition de gauche radicale Jean-Luc Mélenchon a demandé le "retrait" ou une "remise à plat" de la réforme et le départ de la Première ministre pour sortir de la crise politique provoquée par le "pur coup de force" de M. Macron.

Mardi, selon une source policière, le renseignement territorial anticipe que "650.000 à 900.000 personnes défileront partout en France mardi, dont 70.000 à 100.000 personnes à Paris".

Une autre source policière prévoit "un doublement, voire un triplement" de la présence des jeunes dans les cortèges.

Les jeunes sont notamment mobilisés sur la question des violences policières, dont certaines ont été largement partagées sur les réseaux sociaux, et alors que le Conseil de l'Europe a critiqué un "usage excessif de la force" par les forces de l'ordre françaises.

Une enquête judiciaire a été ouverte après les menaces et intimidations proférées par des policiers contre de jeunes manifestants à Paris et révélées dans un enregistrement sonore.

AFP