En Allemagne, les hôpitaux manquent de soignants pour les enfants / Photo: Reuters (Reuters)

Pour Beatrix Schmidt, 63 ans, tout arrive en même temps, "un nombre incroyable d'enfants malades, de soignants infectés et cela dans un contexte de pénurie chronique de personnel".

Situé dans le quartier populaire de Tempelhof, non loin du centre de la capitale allemande, Saint Joseph dispose en temps normal de 80 lits pour le service pédiatrique. Mais à cause du manque de bras, seuls 51 sont actuellement en service.

"Dans l'unité de soins intensifs, précise Beatrix Schmidt, nous avons dû fermer des lits (...). Les 18 qui restent sont tous occupés".

Debora Zilz, une Brésilienne de 33 ans, et Andreas, 13 jours, ont la chance d'y être accueillis: "Quand je suis arrivée aux urgences il y a deux jours, il n'y avait plus de place".

"Ils ont appelé tous les hôpitaux de Berlin et du Brandebourg". Une situation fréquente ces derniers temps, souligne Beatrix Schmidt: de nombreux petits patients ont même dû être évacués par hélicoptère dans des régions plus lointaines, au nord et à l'ouest, dans le Mecklembourg et en Basse-Saxe.

Pays vieillissant

"Finalement, après une nuit aux urgences, nous avons pu rester ici", raconte Mme Zilz. Entre-temps, Andreas, nourri à la pipette car trop faible pour téter, a retrouvé son poids de naissance: 3.100 grammes.

A l'origine de la bronchiolite, le virus respiratoire syncytial (VRS), particulièrement virulent cette année car pendant deux ans, les nouveaux-nés et enfants, protégés par les mesures sanitaires, ont été très peu infectés.

Selon les chiffres de l'institut de veille sanitaire allemand Robert-Koch, 9,5 millions de personnes étaient atteintes la semaine dernière de différentes maladies respiratoires, tout âge confondu, dans un pays de 84,1 millions d'habitants. Un nombre bien supérieur à celui de la même période de 2021 et qui a dépassé le pic de l'épidémie de grippe de 2017-18.

Le problème est cependant avant tout structurel: "pendant des années, nous avons économisé sur notre système de santé. Et les enfants sont les premiers à en faire les frais", constate Mme Schmidt.

On compte actuellement 18.000 lits en pédiatrie, contre 25.000 en 1995, d'après l'office fédéral des statistiques.

L'Allemagne est un pays à la démographie vieillissante, avec moins d'enfants que beaucoup de ses voisins: les moins de 14 ans représentaient en 2021 12,9% de la population, moins que la moyenne européenne (14%) ou l'Irlande (18,6%) et la France (16,4%).

"On n'investit peu (dans la pédiatrie, ndlr). Les enfants ne votent pas et on ne gagne pas d'argent en les soignant", explique Mme Schmidt.

Une réforme de la santé a introduit en 2003 un système de paiement au forfait en fonction des actes et des cas médicaux: l'idée était de réduire les coûts et les séjours inutiles à l'hôpital.

Or en pédiatrie, les soins demandent davantage de temps et de personnel. Ainsi, une prise de sang pour un adulte dure deux minutes. Pour un enfant qui se débat et crie, il faut une deuxième infirmière qui le calme.

Sous-payés

En outre, les métiers de la santé n'attirent pas autant qu'il le faudrait. "Beaucoup de pédiatres vont partir ces prochaines années à la retraite et la jeune génération veut combiner travail et famille", constate Mme Schmidt, qui s'apprête elle même à quitter son poste.

"Dans un cabinet de pédiatrie, vous ouvrez à 8.30 et fermez à 20.00 heures. Personne ne veut faire ça", ajoute-t-elle.

Et comme dans la plupart des pays de l'UE, la rémunération des soignants laisse à désirer dans la première économie européenne. "A mes yeux, ils sont sous-payés (...) Ils travaillent beaucoup, la nuit, le week-end", estime Mme Schmidt.

Pour pallier le manque de personnel, le ministre allemand de la Santé, Karl Lauterbach, médecin de formation, a proposé début décembre d'affecter en pédiatrie des soignants pour adultes. Une idée accueillie avec scepticisme par le porte-parole de la Fédération des pédiatres, Jakob Maske, qui exerce à Berlin: "les enfants ne sont pas de petits adultes (...) Ils ont besoin d'une médecine professionnelle" et spécialisée.

AFP