Emeutes en France: les montées au créneau très remarquées de Mbappé / Photo: Reuters (Reuters)

"J’ai mal à ma France. Une situation inacceptable. Toutes mes pensées vont pour la famille et les proches de Nahel, ce petit ange parti beaucoup trop tôt". Les réseaux sociaux s'emballent, mercredi dernier, lorsque Kylian Mbappé publie ce tweet en direction de ses 12,6 millions d'abonnés.

Quelques heures avant les mots d'Emmanuel Macron, qui dénoncera l'acte "inexplicable" et "inexcusable" du policier qui a tué lors d'un contrôle routier le jeune d'un quartier populaire de Nanterre de 17 ans, la parole du footballeur est un premier aiguillon de l'opinion publique.

Puis vendredi, dans un mouvement de balancier au timing consommé, il relaye avec plusieurs autres joueurs de l'équipe de France une lettre ouverte qui s'adresse directement aux émeutiers en brandissant la valeur du "vivre-ensemble" face aux attaques contre des mairies, des postes de police, des écoles, les pillages de commerces et les incendies de voitures, entre autres.

"Ce sont vos biens que vous détruisez, vos quartiers, vos villes, vos lieux d'épanouissement et de proximité", lance-t-il au plus fort de ces troubles qui secouent tout le pays avant de commencer de baisser d'intensité dimanche.

Plus encore que par le passé, "c'est une rupture par rapport au devoir de réserve que s'imposent habituellement les sportifs", constate le politologue Rémi Lefèbvre, professeur à l'université de Lille.

Et certains internautes se sont amusés en réalisant des montages de Kylian Mbappé en président de la République.

Emmanuel Macron, depuis plusieurs années, ne s'y trompe pas, mettant en scène une relation spéciale avec la star. Avec un succès parfois mitigé, comme lorsqu'il est descendu sur la pelouse pour le consoler après la défaite en finale de la Coupe du monde, en décembre.

Kylian Mbappé lui aussi a pu en jouer, disant l'an dernier avoir pris les "bons conseils" du président sur sa prolongation au PSG... avant de réfuter cette influence sur une nouvelle prolongation un an plus tard.

L'attaquant n'en est pas à son coup d'essai dans l'expression sur l'actualité. Les thèmes des violences policières et du racisme lui tiennent décidément à coeur, puisqu'il s'était ému du sort de Michel Zecler, producteur de musique passé à tabac par des policiers en novembre 2020.

Consensus

Mais il se risque aussi à élargir son champ. Pendant la pandémie, il publie une photo de sa vaccination, comme une incitation aux réfractaires, alors nombreux.

Néanmoins, si Mbappé a brassé la semaine dernière les questions de "politique sociale, d'urbanisme et de sécurité", il "n'exprime pas un questionnement politique", décrypte Pierre Lefébure, spécialiste de communication politique de l'université Sorbonne-Paris Nord.

Devenir une figure politique n'est de toute façon pas son objectif. Sollicité par l'AFP, l'entourage du joueur parisien n'a d'ailleurs souhaité faire aucun commentaire sur le sujet.

Mbappé n'est pas Socrates, joueur brésilien des années 70 et 80, qui s'était confronté à la dictature dans son pays et enjoignait ses collègues footballeurs à se saisir des questions politiques.

Contrairement à un Lilian Thuram, ou même à ses coéquipiers Aurélien Tchouaméni et Jules Koundé, très offensifs, "avec Mbappé on n'est pas dans le normatif, mais dans des considérations morales et éthiques pour faire société", explique Pierre Lefébure.

Selon lui en somme, alors que "le bien commun a été fracturé brutalement" avec la mort de Nahel puis les émeutes, l'intervention de la star "vise davantage à revenir à un état antérieur normal" qu'à proposer un horizon nouveau.

Une forme de consensualité, voire de conservatisme qui a pu lui jouer des tours. Sa position sur l'écologie et le climat? Le grand public a retenu son fou rire, en septembre, lorsque son entraîneur du PSG Christophe Galtier a moqué une question sur les déplacements du club dans de polluants jets privés.

Pas de "dépassement de fonction" de la star donc, glisse dans un sourire le politologue Pierre Lefébure. L'attaquant joue la défense d'une solidarité nationale mise à mal par l'actualité.

AFP