Corruption au Parlement européen, une vice-présidente sanctionnée / Photo: Reuters (Reuters)

Dans la soirée, le Parlement a annoncé la première sanction dans cette affaire: la Grecque Eva Kaili, interpellée vendredi par la police, s'est vu retirer provisoirement les tâches que lui avait déléguées la présidente Roberta Metsola, comme celle de la représenter dans la région Moyen-Orient.

"Il ne s'agit pas d'un incident isolé", a réagi l'organisation Transparency international au lendemain de l'opération de police. "Depuis plusieurs décennies, le Parlement a laissé se développer une culture de l'impunité (...) et une absence totale de contrôle éthique indépendant".

Ce contrôle dans l'institution est "défectueux", a renchéri sur Twitter Alberto Alemanno, professeur de droit au Collège d'Europe à Bruges.

Cinq personnes dont Eva Kaili ont été arrêtées vendredi à Bruxelles à l'issue d'au moins 16 perquisitions dans une enquête sur des soupçons de versements d'argent "conséquents" par un pays du Golfe pour influencer les décisions des eurodéputés.

Le parquet fédéral n'a pas nommé le pays, mais une source judiciaire proche du dossier a confirmé à l'AFP qu'il s'agissait du Qatar, comme le révélaient les médias Le Soir et Knack.

"Toute allégation de mauvaise conduite de la part de l'Etat du Qatar témoigne d'une grave désinformation", a réagi samedi un responsable du gouvernement qatari sollicité par l'AFP.

Le dossier a pris une dimension supplémentaire quand a été confirmée l'identité de la cinquième personne interpellée vendredi soir.

L'eurodéputée grecque Eva Kaili est une ex présentatrice télé de 44 ans devenue une figure de la sociale-démocratie dans son pays. Elle a le titre de vice-président du Parlement européen comme 13 autres élus. Désormais sans délégations.

"À la lumière des enquêtes judiciaires en cours menées par les autorités belges, la présidente Metsola a décidé de suspendre avec effet immédiat tous les pouvoirs, devoirs et tâches qui ont été délégués à Eva Kaili en sa qualité de vice-présidente du Parlement européen", a annoncé dans la soirée un porte-parole de Mme Metsola.

"Des sacs remplis de billets"

Dès vendredi soir, Mme Kaili avait été exclue du Parti socialiste grec (Pasok-Kinal), qui souhaiterait aussi la voir céder son siège au Parlement européen. Le groupe Socialistes et Démocrates (S&D) de l'assemblée européenne a annoncé sa suspension "avec effet immédiat".

Samedi, les auditions de cinq suspects se sont poursuivies à Bruxelles, selon un porte-parole du parquet fédéral.

Un éventuel placement en détention provisoire par le juge d'instruction doit être décidé dans un délai de 48 heures après l'interpellation, soit dimanche au plus tard.

L'enquête du juge belge Michel Claise vise des faits de "corruption" et de "blanchiment d'argent" en bande organisée, selon le parquet.

Samedi le journal belge L'Echo affirmait que "plusieurs sacs remplis de billets" avaient été découverts au domicile bruxellois d'Eva Kaili, que la police a perquisitionné après avoir surpris le père de l'élue lui-même en possession d'une grosse quantité d'argent liquide dans "une valise".

Selon des informations confirmées à l'AFP, au moins trois suspects interpellés vendredi sont des Italiens ou d'origine italienne: l'ancien eurodéputé socialiste Pier-Antonio Panzeri (qui a siégé de 2004 à 2019), le secrétaire général de la Confédération syndicale internationale (CSI) Luca Visentini, ainsi que Francesco Giorgi, un assistant parlementaire du groupe S&D, compagnon de Mme Kaili.

"Un scandale gravissime"

Outre les cinq en Belgique, il y a eu deux interpellations en Italie, a confirmé samedi une source gouvernementale italienne à l'AFP à Rome. Il s'agit de l'épouse et la fille de M. Panzeri.

Des socialistes français ont dénoncé "un scandale gravissime", tandis que les écologistes Michèle Rivasi et David Cormand ont pointé du doigt "une complaisance coupable" de certains socio-démocrates (S&D) lors du débat sur le Qatar à la dernière session plénière.

La prochaine session, qui démarre lundi à Strasbourg, s'annonce agitée. L'eurodéputée française Manon Aubry (gauche radicale) a exigé un nouveau débat sur le même sujet.

AFP