Au Niger, la junte révoque différents accords de coopération militaire avec la France / Photo: AFP (AFP)

Comme au Mali et au Burkina Faso, deux pays voisins théâtres d'un putsch au cours des deux dernières années, le coup d'Etat mené par l'armée nigérienne est intervenue sur fond de ressentiment à l'égard de la France, ancienne puissance coloniale accusée par certains locaux d'interférer dans les affaires du pays.

La France compte entre 1.000 et 1.500 soldats stationnés au Niger afin de contribuer à la lutte contre des groupes terroristes qui mènent des attaques à travers le Sahel, en Afrique de l'Ouest.

Un décret annonçant la fin de différents accords militaires avec Paris a été lu à la télévision publique jeudi soir par Amadou Abdramane, un représentant de la junte nigérienne.

Aucun commentaire n'a été fait dans l'immédiat par les autorités françaises.

La France a rappelé dans la journée, par la voix de la ministre des Affaires étrangères, qu'elle restait attachée au "rétablissement de la démocratie au Niger".

Catherine Colonna a ajouté sur X, anciennement Twitter, à l'issue d'un entretien avec son homologue américain Antony Blinken, que Paris soutenait le président démocratiquement élu, Mohamed Bazoum.

A l'instar de partenaires régionaux et occidentaux du Niger, la France a pris des sanctions contre Niamey à la suite du coup d'Etat militaire, avec l'objectif de contraindre la junte à rétablir l'ordre démocratique.

Mais le chef de la junte, Abdourahamane Tiani, qui était à la tête de la garde présidentielle de Mohamed Bazoum, a assuré qu'il ne céderait pas aux pressions.

Signe supplémentaire de la défiance locale à l'égard de la France, les autorités nigériennes ont suspendu plus tôt dans la journée la diffusion de France 24 et de Radio France Internationale (RFI) dans le pays, une décision condamnée par le Quai d'Orsay.

La situation rappelle celle au Mali et au Burkina Faso à l'issue des coups d'Etat, les deux pays ayant ordonné le départ des troupes françaises, depuis lors déployées pour la plupart au Niger.

La Cédéao négocie avant un éventuel recours à la force

La junte militaire arrivée au pouvoir au Niger après avoir renversé le président démocratiquement élu, Mohamed Bazoum, constitue un nouveau défi pour la Cédéao.

Une délégation de la Cédéao est arrivé jeudi à Niamey, la capitale nigérienne, pour tenter de trouver une "résolution amicale et concluante" à la crise alors que l'organisation a imposé des sanctions et menacé d'intervenir militairement si le président Bazoum, qui se dit pris en otage, n'était pas réinstallé d'ici dimanche.

Mais le chef de la junte, Abdourahamane Tiani, qui était à la tête de la garde présidentielle de Mohamed Bazoum, a assuré qu'il ne céderait pas aux pressions.

A Abuja, la capitale du Nigeria voisin, les chefs d'état-major des armées de la Cédéao doivent mettre fin vendredi à plusieurs jours de réunion et prendre une décision quant à une éventuelle intervention militaire au Niger. Plusieurs pays, dont le Nigeria, le Sénégal et la Côte d'Ivoire, se sont dits prêts à y contribuer.

Le Niger répondra "immédiatement" à toute "agression" de la part de la CEDEAO

La junte du Niger a déclaré qu'elle répondrait immédiatement à toute "agression ou tentative d'agression" de la part des pays d'Afrique de l'Ouest, trois jours avant l'expiration d'un ultimatum donné par le bloc régional pour rétablir l'ordre.

"Toute agression ou tentative d'agression contre l'État du Niger provoquera une réponse immédiate et non annoncée des Forces de défense et de sécurité du Niger envers l'un des membres (du bloc), à l'exception des pays amis suspendus", a déclaré l'un des putschistes dans un communiqué lu à la télévision nationale jeudi.

La délégation de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'ouest (Cédéao) arrivée jeudi soir à Niamey pour trouver une sortie de crise au Niger, est repartie quelques heures plus tard, sans avoir rencontré le chef de la junte, a indiqué un de ses membres.

"Les envoyés de la Cedeao sont repartis" dans la nuit de jeudi à vendredi et n'ont vu ni le chef des militaires qui ont pris le pouvoir la semaine dernière, le général Abdourahamane Tiani, ni le président renversé Mohamed Bazoum, a expliqué vendredi un des membres de la délégation.

Des conséquences "dévastatrices" selon le président Bazoum

Le coup d'Etat au Niger pourrait avoir des conséquences "dévastatrices" pour le monde et faire passer la région du Sahel sous "influence" de la Russie, via les mercenaires du groupe Wagner, écrit le président élu Mohamed Bazoum dans une tribune parue jeudi soir dans le Washington Post.

Par conséquent, "j'appelle le gouvernement américain et l'ensemble de la communauté internationale à aider à restaurer l'ordre constitutionnel", ajoute M. Bazoum dans une première longue déclaration publique depuis qu'il a été renversé le 26 juillet par des militaires putschistes.

"J'écris ceci à titre d'otage", lance M. Bazoum séquestré depuis que son gouvernement a été renversé le 26 juillet dernier par des militaires putchistes. "Ce coup (...) n'a aucune justification et s'il réussit cela aura des conséquences dévastatrices pour notre pays, notre région et le monde entier", souligne-t-il.

"Dans la région trouble du Sahel, au milieu de mouvements autoritaires qui se sont imposés chez certains de nos voisins, le Niger est le dernier bastion pour le respect des droits", poursuit M. Bazoum dans ce texte publié en anglais.

Or, "l'ensemble de la région centrale du Sahel pourrait passer sous influence russe via le groupe Wagner dont le terrorisme brutal a été clairement exposé en Ukraine", poursuit M. Bazoum démocratiquement élu en 2021.

Une organisation liée au groupe Wagner a diffusé récemment un message présumé de chef de ces mercenaires, Evguéni Prigojine, qui affirme que le putsch au Niger, tenait de la "lutte contre les colonisateurs". Et des jeunes favorables aux putschistes ont arboré dans les rues de la capitale Niamey des drapeaux russes.

Des responsables américains affirment toutefois ne pas avoir "d'indication" d'une implication de Wagner dans les événements au Niger, mais craignent que ces mercenaires, implantés au Mali et soupçonnés de l'être au Burkina Faso voisins, tentent de tirer avantage de la situation.

"Ce coup doit cesser et la junte doit libérer tous ceux qu'elle détient de manière illégale", exhorte encore M. Bazoum disant craindre pour le futur de son pays "sous une junte autocratique sans vision et sans alliés fiables".

Agences