Depuis vendredi soir, le pays est plongé dans la période de réserve qui met fin à la campagne et interdit la publication de nouveaux sondages. Une trêve dans une ambiance délétère, marquée par insultes, agressions physiques de candidats et colleurs d'affiches, et libération de la parole raciste et antisémite.
Les bureaux de vote ont ouvert dimanche à 06h00 GMT en métropole, alors qu'ont déjà voté samedi les électeurs de Saint-Pierre-et-Miquelon (Atlantique nord), de Guyane, des Antilles, ainsi que de Polynésie et de Nouvelle-Calédonie dans le Pacifique sud.
Dans les grandes villes de métropole, ils resteront ouverts jusqu'à 18h00 GMT, heure de publication des premières estimations.
Vendredi, plusieurs sondages semblaient montrer un resserrement entre les trois blocs: à l'extrême droite le Rassemblement national et ses alliés, à gauche, l'alliance Nouveau Front populaire (NFP), et au centre droit le camp du président Emmanuel Macron. Ce dernier a plongé la France dans l'inconnu en décidant le 9 juin de dissoudre l'Assemblée nationale après sa débâcle aux européennes.
L'extrême droite obtiendrait entre 170 à 210 sièges, pour une majorité absolue fixée à 289 députés. Ils seraient talonnés par le NFP (155 à 185), suivis des macronistes (95 à 125).
Mais les sondeurs affichaient une prudence certaine. Car la participation s'annonce très forte, la plus importante peut-être depuis 25 ans, et nul ne sait à quelle force elle va bénéficier.
Plus de 200 candidats de la gauche et du centre se sont désistés, des dizaines de triangulaires, qui semblaient favorables au RN à l'issue du premier tour, se transformant du même coup en duels beaucoup plus serrés.
Les électeurs vont-ils suivre la logique des appareils? "Contrairement à la petite musique qui s'installe, ce n'est pas du tout garanti", a déclaré vendredi l'eurodéputé Raphaël Glucksmann, ex-tête de liste des socialistes aux européennes.
"Aujourd'hui le péril, c'est une majorité dominée par l'extrême droite et ce serait un projet catastrophique", a prévenu pour sa part le Premier ministre Gabriel Attal, chef de la campagne du camp présidentiel.
- Inquiétudes à l'étranger -
La cheffe de file de l'extrême droite, Marine Le Pen, a dénoncé les manœuvres d'un "parti unique" de "ceux qui veulent conserver le pouvoir contre la volonté du peuple".
Si elle réussit son pari et obtient une majorité suffisante, c'est son poulain Jordan Bardella, 28 ans, qui entrerait à Matignon avec un fort programme anti-immigration. Ce serait le premier gouvernement issu de l'extrême droite en France depuis la Deuxième Guerre mondiale.
L'hypothèse a suscité des craintes chez d'autres grands pays européens partenaires de la France, inquiets de voir arriver aux affaires, dans un des piliers de l'Union européenne, un parti eurosceptique et réputé proche de la Russie de Vladimir Poutine.
L'échiquier politique français avait été bouleversé en 2017 par l'élection du président Macron, au nez et à la barbe des partis traditionnels de l'après-guerre.
Mais le 9 juin, en choisissant de dissoudre l'Assemblée nationale et de convoquer ces élections alors que l'extrême droite venait de gagner les européennes et jouit d'une forte dynamique, le chef de l'Etat a tenté un coup de poker que ses propres troupes ne lui pardonnent pas.
Son camp aura besoin d'une large coalition avec une partie de la gauche et la droite hostile au RN pour gouverner. Sur quel programme cette alliance décrite par les politologues comme relevant "de la carpe et du lapin" pourrait-elle s'entendre?
Le mystère est tel que Gabriel Attal a déclaré que son gouvernement est prêt à assurer la continuité de l'Etat "aussi longtemps que nécessaire". Donc à expédier les affaires courantes en attendant la formation d'une nouvelle équipe, alors que Paris accueille les Jeux olympiques dans trois semaines.
Face à d'éventuels débordements dimanche soir, 30.000 policiers seront mobilisés, dont 5.000 à Paris.
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