Brésil: la police a repris le contrôle des lieux de pouvoir après l'assaut des bolsonaristes / Photo: Reuters (Reuters)

"Les putschistes qui ont promu la destruction des propriétés publiques à Brasilia sont en train d'être identifiés et seront punis. Demain nous reprenons le travail au palais de Planalto. Démocratie toujours", a tweeté le chef d'Etat de gauche, qui a inspecté les bâtiments saccagés à son retour à Brasilia tard dimanche soir.

Après plusieurs heures de chaos, les forces de l'ordre ont repris le contrôle des bâtiments envahis par des centaines de manifestants anti-Lula et arrêté plus de 200 personnes, selon le ministre de la Justice et de la Sécurité Flavio Dino.

La zone avait été bouclée par les autorités. Mais les bolsonaristes, pour beaucoup habillés du maillot jaune de la Seleçao, la sélection de football du Brésil, un symbole qu'ils se sont approprié, sont parvenus à forcer les cordons de sécurité. Ils ont provoqué des dégâts considérables dans les trois immenses palais, qui sont des trésors de l'architecture moderne et regorgent d'oeuvres d'art.

Des tableaux d'une valeur inestimable ont été endommagés, dont "Les mulâtres", du peintre moderniste Di Cavalcanti, exposé au Palais présidentiel et percé de plusieurs trous, selon des photos circulant sur les réseaux sociaux.

Sur les réseaux sociaux ont également circulé des vidéos montrant des bureaux de parlementaires saccagés. Un manifestant s'est assis sur le siège du président du Sénat, un mimétisme saisissant avec les émeutiers pro-Donald Trump qui avaient envahi le Capitole il y a deux ans.

Selon la chaîne CNN, des manifestants ont mis le feu au tapis d'un salon du Congrès, qui a dû être inondé pour éteindre l'incendie.

Un syndicat de presse a fait état de l'agression de cinq journalistes.

"Nous ne reconnaissons pas ce gouvernement parce qu'il est illégitime", a déclaré à l'AFP Victor Rodrigues. "Nous ne reculons pas, nous allons partir d'ici mais nous reviendrons", a-t-il promis.

Des partisans de Jair Bolsonaro participent à une manifestation contre le président Luiz Inacio Lula da Silva à Brasilia (Reuters)

"Nous reviendrons"

Le cri de ralliement "intervention militaire" (pour chasser M. Lula du pouvoir) a continué de s'élever parmi la foule restée aux abords du Congrès des heures durant, malgré les fumées des gaz lacrymogènes ou les canons à eau de la police.

Jair Bolsonaro, lui, se trouve aux Etats-Unis, où il est parti deux jours avant l'investiture de Lula, se refusant à remettre l'écharpe présidentielle à celui qui l'a défait d'une courte tête à la présidentielle d'octobre.

Dans une série de tweets, il a condamné sans fermeté "les déprédations et invasions de bâtiments publics". Mais il a aussi "rejeté les accusations, sans preuve" de son successeur selon qui il aurait encouragé les violences.

Plusieurs de ses alliés se sont désolidarisés des violences de dimanche, dont Valdemar Costa Neto, président du PL, le parti de Bolsonaro, qui a regretté "un jour triste pour la nation brésilienne".

Le gouverneur de Brasilia suspendu

La Cour suprême brésilienne a suspendu de ses fonctions dimanche soir le gouverneur de Brasilia, Ibaneis Rocha, pour une durée de 90 jours à la suite de failles sécuritaires ayant permis à des milliers de personnes d'envahir et de saccager des bâtiments officiels.

Rocha a d’ailleurs présenté ses excuses au président Lula dans une vidéo. Il a qualifié les responsables des déprédations des bâtiments publics de "vrais vandales" et de "vrais terroristes".

"On surveillait avec le ministre (de la Justice) Flavio Dino tous ces mouvements (...) A aucun moment on a pensé que ces manifestations prendraient de telles proportions", a-t-il affirmé.

Le juge de la Cour suprême Alexandre de Moraes a demandé aux réseaux sociaux Facebook, Twitter et TikTok de bloquer les comptes d'utilisateurs répandant une propagande antidémocratique.

Il s'agit de la pire attaque contre les institutions brésiliennes depuis que la démocratie a été rétablie dans le pays il y a quatre décennies.

Des analystes ont dit craindre que la situation provoque davantage de volatilité sur les marchés financiers brésiliens, en net recul ces dernières semaines sur fond d'interrogations sur la manière dont Lula va concilier promesses de vastes dépenses et finances publiques limitées.

Des bolsonaristes manifestaient déjà devant des casernes militaires depuis la défaite du président sortant. Ils réclamaient l'intervention de l'armée pour empêcher Lula de revenir au pouvoir pour un troisième mandat, après ceux de 2003 à 2010. Certains d'entre eux ont également bloqué des axes routiers pendant plus d'une semaine après l'élection.

Agences